Pour rappel, les outils techniques de contrôle des salariés (vidéosurveillance, géolocalisation, etc.) sont soumis par le Code du travail aux deux formalités suivantes :
- Consultation du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés [1], même si le dispositif ne constitue pas un traitement de données personnelles [2] ou si le contrôle des salariés n’est pas l’objectif premier du dispositif [3].
- Information des salariés [4], notamment en cas de vidéosurveillance, de pointage, d’autocommutateurs téléphoniques, etc.
Si une de ces formalités n’est pas respectée, alors l’employeur ne peut pas se servir de la preuve obtenue [5].
Le RGPD prévoit également que les salariés sont informés de la collecte des données les concernant [6], la CNIL préconisant à ce titre la rédaction d’une charte informatique [7] sans que cela soit, à notre connaissance, une obligation reprise par la jurisprudence. Attention toutefois, ces différents traitements doivent figurer dans le registre des activités de traitement tenu par l’employeur [8], et le cas échéant faire l’objet d’une analyse d’impact des données. De même, selon l’administration, le dispositif de contrôle doit figurer dans le règlement intérieur [9].
De manière plus générale, l’art. L1121-1 du Code du travail qui prévoit que les restrictions « aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives » doivent être « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché » s’applique aux outils de surveillance des salariés.
Dès lors, la vie privée des salariés doit, en tout état de cause, être respectée.
Toutes ces règles sont applicables à la géolocalisation des véhicules par l’employeur.
Si la CNIL s’est exprimée à ce sujet [10], il convient surtout de relever que la jurisprudence n’admet la surveillance des salariés par un moyen de géolocalisation du véhicule qu’à titre accessoire, lorsque cela n’est possible par aucun autre moyen, et que les salariés ne sont pas libres de l’organisation de leur travail [11].
L’ensemble de ces règles, appliquées à la question de la géolocalisation, viennent d’être rappelées par la Cour de cassation dans deux arrêts du même jour.
Dans un premier arrêt [12], un employeur a reproché à son salarié d’avoir utilisé le véhicule professionnel hors de son temps de travail, à raison de plus de 250 km par jour. Cela impactait, selon l’employeur, l’état général du camion et son usure, mais également l’état de santé du salarié, en raison de la fatigue occasionnée, dont est garant l’employeur [13].
La preuve dont se prévalait l’employeur était issue de la géolocalisation du véhicule.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui avait donné raison à l’employeur.
La chambre sociale rappelle tout d’abord, et notamment sur le fondement de l’art. 6 CESDH ce qui est à relever, que la géolocalisation avait été mise en place pour lutter contre le vol et vérifier le kilométrage du véhicule. Dès lors, en collectant des données en dehors du travail, l’employeur a porté atteinte à la vie privée du salarié.
Dans le second arrêt [14], un employeur reprochait à son salarié une utilisation abusive du véhicule de la société à des fins personnelles.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné raison au salarié, relevant que le salarié n’avait pas été personnellement informé de la mise en place de la géolocalisation, que cet outil technologique n’était pas le seul possible pour mesurer le temps de travail des salariés, et qu’au surplus
« la mise en place du traitement de géolocalisation des véhicules de la société avait permis un contrôle permanent du salarié, en collectant des données relatives à la localisation de son véhicule en dehors de ses horaires et de ses jours de travail, de sorte que cette atteinte importante à son droit à une vie personnelle était disproportionnée par rapport au but poursuivi ».
La Cour de cassation valide ce raisonnement, sur le fondement de l’article L1121-1 du Code du travail cette fois (l’arrêt est cassé sur un autre sujet).
Il ressort de ces arrêts que l’employeur a, certes, le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité du personnel pendant le temps de travail, mais pas en dehors des horaires de travail, ni en méconnaissance des dispositions précitées relatives aux outils technologiques de contrôle des salariés.
Si ces deux arrêts n’ont, sauf erreur de notre part, pas été publiés aux bulletins. Toutefois, leur portée ne doit pas être mésestimée dans la mesure où ils ont été rendus le même jour dans une volonté manifeste de publicité importante.