Le maintien des garanties collectives en matière de prévoyance pour les salariés licenciés est un sujet d’importance majeure en droit du travail. L’article 911-8 du Code de la Sécurité sociale, introduit par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, établit les conditions dans lesquelles les salariés peuvent continuer à bénéficier de ces garanties en cas de cessation du contrat de travail.
Cependant, la question se pose de savoir ce qu’il advient de ces garanties lorsque l’employeur est placé en liquidation judiciaire et que le contrat d’assurance est résilié. La Cour de cassation, dans un arrêt récent [2], apporte des précisions essentielles sur ce point.
Le cadre juridique du maintien des garanties collectives.
L’article L911-8 du Code de la Sécurité sociale prévoit que les salariés garantis collectivement contre certains risques, tels que le décès, l’incapacité de travail ou l’invalidité, bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail non consécutive à une faute lourde et ouvrant droit à une prise en charge par l’assurance chômage.
Ce maintien des garanties, communément appelé « portabilité des droits », est d’ordre public et s’impose aux employeurs comme aux organismes assureurs.
Les conditions d’application de l’article L911-8.
Pour que le salarié puisse bénéficier du maintien des garanties :
- La cessation du contrat de travail doit être non consécutive à une faute lourde.
- Le salarié doit ouvrir droit à une prise en charge par l’assurance chômage.
- Les garanties concernées doivent être celles prévues par l’article L911-1 du Code de la Sécurité sociale, à savoir les risques décès, atteinte à l’intégrité physique, maternité, incapacité de travail ou invalidité.
- Le contrat d’assurance souscrit par l’employeur doit être en vigueur.
La problématique de la liquidation judiciaire de l’employeur.
Lorsque l’employeur est placé en liquidation judiciaire, plusieurs conséquences juridiques en découlent, notamment la résiliation de plein droit de certains contrats. La question est alors de savoir si la résiliation du contrat d’assurance collective met fin au maintien des garanties pour les salariés licenciés dans ce contexte.
L’arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 2024.
Dans l’affaire portée devant la Cour de cassation [3], des salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur employeur revendiquaient le maintien des garanties de prévoyance. Cependant, le contrat d’assurance avait été résilié après leur licenciement.
La cour a jugé que :
- Les dispositions de l’article L911-8 sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur en liquidation judiciaire remplissant les conditions légales.
- Le maintien des garanties implique que le contrat d’assurance soit en vigueur. La résiliation du contrat, même intervenue après le licenciement des salariés, met un terme au maintien des garanties.
- Peu importe que la résiliation survienne après les licenciements, les salariés ne peuvent plus prétendre au maintien des garanties si le contrat d’assurance est résilié.
Analyse et implications de la décision.
L’exigence d’un contrat d’assurance en vigueur.
La décision de la Cour de cassation souligne que le maintien des garanties collectives est intrinsèquement lié à l’existence du contrat d’assurance liant l’employeur à l’assureur. Sans ce contrat, il n’y a plus de support juridique permettant de faire valoir la portabilité des droits.
Les conséquences pour les salariés.
Les salariés licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire peuvent se trouver dans une situation précaire si le contrat d’assurance est résilié. Ils perdent non seulement leur emploi, mais aussi les garanties de prévoyance qui pouvaient les protéger contre certains risques.
Les obligations des organismes assureurs.
Les assureurs ne sont pas tenus de maintenir les garanties en l’absence de contrat avec l’employeur. La résiliation du contrat, souvent automatique en cas de liquidation judiciaire, libère l’assureur de ses obligations envers les salariés.
Perspectives pour les salariés et les praticiens du droit.
Anticiper la résiliation du contrat d’assurance.
Il est essentiel pour les salariés et les représentants du personnel d’anticiper les conséquences d’une liquidation judiciaire sur les contrats d’assurance collective. Une veille attentive sur la situation de l’entreprise peut permettre de prendre des mesures préventives.
Négocier des clauses protectrices.
Dans certains cas, il peut être envisagé de négocier des clauses dans les accords collectifs ou les contrats d’assurance prévoyant le maintien des garanties pour une durée déterminée après la résiliation, bien que cela reste rare en pratique.
Recours éventuels.
Les salariés peuvent examiner la possibilité de recours contre l’employeur ou l’assureur si des manquements aux obligations légales ou contractuelles sont constatés. Cependant, la jurisprudence actuelle ne semble pas favorable à de telles actions lorsque le contrat d’assurance est résilié.
Conclusion.
L’arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 2024 apporte une clarification importante sur les limites du maintien des garanties collectives en cas de liquidation judiciaire de l’employeur. Il confirme que la résiliation du contrat d’assurance met fin au bénéfice de la portabilité des droits pour les salariés licenciés, même si cette résiliation intervient après leur licenciement. Cette décision invite les salariés et les praticiens du droit à une vigilance accrue et à une anticipation des conséquences que peut avoir une liquidation judiciaire sur les droits des salariés en matière de prévoyance collective.
Il est donc essentiel de comprendre que, malgré le caractère protecteur de l’article L911-8 du Code de la Sécurité sociale, le maintien des garanties collectives est conditionné à l’existence d’un contrat d’assurance en vigueur. Les salariés doivent être conscients de cette réalité juridique pour mieux défendre leurs intérêts en cas de difficultés de leur employeur.