Les exigences de motivation prévues par le code du travail.
Le cadre juridique applicable à la lettre de licenciement.
Aux termes de l’article L. 1232-6 du Code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement le ou les motifs de la rupture. La motivation doit permettre au salarié de comprendre les raisons de la rupture et au juge d’exercer son contrôle. La lettre fige donc le périmètre du litige, dans le respect du principe du contradictoire.
Toutefois, la loi ne précise ni le niveau de détail attendu, ni la forme que doivent prendre les griefs. C’est donc à la jurisprudence qu’il revient d’encadrer les exigences de contenu de la lettre.
L’exigence jurisprudentielle de motifs précis et vérifiables.
Depuis plusieurs décennies, la chambre sociale de la Cour de cassation exige que les motifs figurant dans la lettre soient suffisamment précis pour être matériellement vérifiables [1]. Cette exigence permet de distinguer une motivation licite d’une formulation vague, reposant sur des appréciations subjectives ou imprécises.
Les griefs doivent ainsi pouvoir être discutés devant le juge. À défaut, le licenciement est considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse.
La datation des faits n’est pas une condition de validité de la lettre.
Une absence de date qui ne constitue pas une irrégularité
La jurisprudence a clairement écarté l’idée selon laquelle la date des faits serait une condition de validité de la lettre de licenciement. Dès 2012, la chambre sociale a affirmé que l’employeur n’est pas tenu d’indiquer dans la lettre la date des faits reprochés au salarié [2].
Cette solution a été réaffirmée dans une décision plus récente du 6 mai 2025, rendue dans un contexte contentieux illustratif [3]. Dans cette affaire, une salariée contestait la régularité de son licenciement au motif que les faits reprochés n’étaient ni datés ni circonstanciés. La cour d’appel avait fait droit à sa demande, estimant que l’absence de datation rendait la lettre irrégulière. La Cour de cassation a censuré cette décision.
La position de la Cour de cassation
Pour la Haute juridiction, la lettre de licenciement doit contenir des motifs suffisamment précis et matériellement vérifiables, mais la datation des faits n’est pas exigée. Elle précise que l’employeur peut, en cas de litige, invoquer toutes les circonstances de fait permettant de justifier les griefs énoncés dans la lettre, y compris a posteriori devant le juge [4].
Autrement dit, l’absence de date n’emporte pas nullité, dès lors que le salarié est en mesure de comprendre les griefs formulés à son encontre, et que ceux-ci peuvent être contrôlés juridiquement.
Une rigueur rédactionnelle néanmoins conseillée en pratique.
L’intérêt probatoire d’une datation.
Si l’employeur n’est pas tenu de dater les faits, la mention de cette information reste fortement recommandée. Elle permet :
- d’ancrer les faits reprochés dans un contexte précis ;
- de faciliter l’analyse du juge sur la proportionnalité de la sanction ;
- de renforcer la crédibilité du motif invoqué, en cas de contestation.
Elle est particulièrement utile dans les procédures pour faute grave ou lourde, où la proximité temporelle entre les faits et la rupture est une condition essentielle de validité.
À défaut, l’employeur devra être en mesure de prouver, par d’autres moyens (témoignages, courriels, rapports, etc.), la matérialité et la chronologie des agissements invoqués.
L’appréciation souveraine des juges du fond.
Dans l’affaire précitée du 6 mai 2025, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond demeurent seuls compétents pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués. Leur pouvoir souverain s’exerce sur la base de l’ensemble des éléments présentés, y compris ceux produits au cours de l’instance.
Il appartient donc à l’employeur de démontrer la réalité des faits reprochés, même s’ils ne sont pas datés dans la lettre de licenciement. À défaut, le licenciement pourra être jugé abusif.
En résumé.
L’absence de date dans la lettre de licenciement ne rend pas la procédure irrégulière, dès lors que les griefs sont suffisamment clairs et vérifiables. Le droit positif, éclairé par une jurisprudence constante, n’impose pas une datation systématique. Toutefois, l’énonciation précise des faits, même sans référence temporelle explicite, demeure une exigence de rigueur.
Dans une logique de sécurisation contentieuse, la pratique recommande de situer les faits dans le temps, lorsque cela est possible, afin de renforcer la solidité du motif invoqué. La lettre de licenciement, bien que rédigée dans un contexte souvent tendu, ne doit jamais être approximative. Elle engage l’employeur sur le terrain de la preuve et constitue la première ligne de défense en cas de contentieux.