Pour preuve, 61,2% des jugements du conseil des prud’hommes sont contestés en appel. L’une des causes - pour ne pas dire la principale - de cet état de fait, se trouve dans le manque criant de compétences juridiques de beaucoup de conseillers prud’hommes. Dès lors, ne faudrait-il pas supprimer l’institution et la fonction prud’homales et confier le contentieux du travail aux seuls "vrais juges" ? La question peut paraître osée, mais elle mérite d’être posée.
En France, on dénombre 210 Conseils de prud’hommes [1], pour 14 512 postes de conseillers prud’hommes [2].
Nombreuses sont les critiques dont fait l’objet la prud’homie et qui, loin de la voir comme l’avatar d’un certain idéal moderne de justice [3], la dépeignent davantage comme une institution désincarnée [4].
Parmi ces critiques, il y en a au moins une qui est des plus récurrentes : l’incompétence juridique des conseillers prud’hommes.
Les insuffisances en matière de compétence juridique des conseillers prud’hommes sont régulièrement mises en lumière, que ce soit dans les études [5], dans les chroniques de praticiens du contentieux du travail [6], ou tout simplement par les acteurs du monde professionnel [7].
Par compétence juridique, nous entendons notamment, la connaissance du droit du travail - et accessoirement de la procédure civile [8] - l’aptitude à l’analyse et au raisonnement juridiques (herméneutique juridique, syllogisme juridique, etc.), la maîtrise du langage et de la rédaction juridiques.
A titre liminaire, il est important et opportun de rappeler comment sont désignés les conseillers prud’hommes. Avant 2017, ils étaient élus respectivement par les salariés et les employeurs. L’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 a modifié les règles de cette désignation, en passant de l’élection à la nomination. Désormais, les conseillers prud’hommes sont désignés conjointement par le ministre de la justice et le ministre chargé du travail, tous les quatre ans, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles. Les conditions requises sont les suivantes [9] :
1° Etre de nationalité française ;
2° Ne pas avoir au bulletin n° 2 du casier judiciaire de mentions incompatibles avec l’exercice des fonctions prud’homales et n’être l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques ;
3° Etre âgés de vingt et un ans au moins ;
4° Avoir exercé une activité professionnelle de deux ans ou justifier d’un mandat prud’homal dans les dix ans précédant la candidature.
C’est tout...
Ainsi, aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune connaissance en droit, aucune qualification juridique quelconque, ne sont exigées pour exercer les fonctions de conseiller prud’hommes. Plus qu’une exception, c’est une étrangeté en Europe ! Cette situation est somme toute aberrante pour une institution qui fait partie intégrante de l’ordre judiciaire et qui, de ce fait, est censée rendre la justice.
A toutes fins utiles, nous tenons à préciser qu’il n’est point question pour nous, dans le présent billet, d’essentialiser les conseillers prud’hommes. La prud’homie n’est pas un univers homogène où toutes les biographies seraient identiques. On y trouve des personnes pétries de consistance et de rigueur intellectuelles, et ayant acquis des savoirs et des savoir-faire juridiques n’ayant rien à envier à ceux des juristes professionnels [10]. Toutefois, force est de relever, pour le déplorer, qu’on y trouve aussi, trop souvent, des profils dont les compétences juridiques sont au mieux, rudimentaires, au pire, inexistantes. Or, le mandat prud’homal est un mandat bien spécifique « dans la mesure où il requiert des compétences juridiques que tous les conseillers n’ont pas » [11].
C’est ce qui pose problème.
I - Un déficit de compétences juridiques, source d’un déficit d’acceptabilité des jugements.
Il suffit d’avoir lu un certain nombre de jugements de conseils de prud’hommes pour se rendre à l’évidence du problème : motivation lapidaire, argumentation lacunaire, fautes d’orthographe et de grammaire…
La réalité laisse ainsi, trop souvent, perplexe. Ce constat - qui au demeurant n’est pas du tout un jugement de valeur de notre part - est objectivé notamment par les rapports émanant du ministère de la justice [12] et du Sénat [13], par les récits de greffiers travaillant au sein même de ces conseils de prud’hommes [14], ou même par les avis de magistrats chevronnés.
Par exemple, Gérard Gélineau-Larrivet, président honoraire de la chambre sociale de la Cour de cassation, admet le fait que les décisions des conseils de prud’hommes ne sont pas toujours rendues selon les canons habituels et sont même parfois trop elliptiques tant sur le plan des faits qu’au niveau de l’analyse juridique [15].
L’un des points sur lesquels les jugements des conseils de prud’hommes pèchent le plus, est la motivation, c’est-à-dire l’action de donner les motifs pour justifier rationnellement en fait et en droit une décision [16]. Il s’agit d’un exercice technique qui ne s’improvise pas [17], car il doit répondre à certaines exigences méthodologiques : une véritable réponse aux moyens des parties ; une juste appréciation des faits et des preuves ; l’application des règles de droit appropriées [18]. Comme l’indique Antoine Bolze, la motivation est à la fois une justification pour convaincre et une explication pour faire accepter la décision.
C’est elle qui fait que le justiciable soit en mesure de comprendre la décision qui est rendue, surtout si elle lui est défavorable [19]. Or,
« le passage d’un délibéré oral et collégial à la rédaction d’un jugement motivé s’avère parfois un exercice difficile pour des conseillers qui exercent par ailleurs des métiers très éloignés du monde juridique » [20].
La motivation du jugement et l’acceptation de celui-ci sont intimement liées. Ainsi qu’il ressort du rapport sénatorial du 10 juillet 2019 [21], un justiciable aura d’autant plus souvent tendance à faire appel d’une décision qui lui est défavorable que sa motivation lui semblera insuffisante ou incompréhensible. La défaillance dans la motivation des jugements des conseils de prud’hommes ne peut que donner au justiciable, à juste titre, le sentiment d’être face à l’arbitraire.
Pour preuve, 61,2% des jugements des conseils de prud’hommes sont contestés en appel [22]. C’est le taux d’appel le plus élevé de toutes les juridictions civiles françaises [23] - Or, pour la Cour Européenne des Droits de l’Homme, « Il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civile dans un délai raisonnable » [24] - A l’aune de ce triste record, le moins que l’on puisse dire est que la justice prud’homale n’inspire pas confiance.
Ce qui n’est guère étonnant. Quelle confiance aurait un patient envers un « médecin » lui appliquant des soins sans avoir appris la médecine ? Quelle confiance devrait avoir le justiciable en des « juges » du travail qui n’ont pas appris le droit du travail ? Pourtant,
« l’objectif majeur de tout système judiciaire doit être de faire en sorte que les citoyens aient confiance dans le fonctionnement des organes en charge du règlement des litiges » [25].
II - Les conseillers prud’hommes, juges du droit ou de l’émotion ?
Il ressort du rapport du 10 juillet 2019 du Sénat sur la justice prud’homale que
« le bon fonctionnement des conseils de prud’hommes dépend fortement de la personnalité des conseillers, en particulier des présidents et vice-présidents des CPH, ainsi que des présidents et vice-présidents de section, qui dirigent de fait les débats et les travaux des sections… » [26].
Le rapport conclut qu’une telle situation n’est pas satisfaisante du point de vue du justiciable, au regard du principe d’égalité devant la justice.
Aussi, comme le rappelle Alain Lacabarats, président de la chambre honoraire à la Cour de cassation, « la principale obligation que tout juge doit observer est celle de l’impartialité, entendue comme l’aptitude à juger sans parti pris ou préjugé, en fonction de la seule application des règles de droit applicables au litige » [27].
En l’espèce, cette exigence découle des dispositions pertinentes de l’article 12 du code de procédure civile, aux termes duquel « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». Il ne doit donc se déterminer ni par la sentimentalité ni par l’équité [28].
Outre l’impartialité du juge, son indépendance et sa compétence, sont des conditions essentielles à la crédibilité de l’action des tribunaux [29]. Or la qualité juridique de certains jugements des conseils de prud’hommes est loin de satisfaire ces exigences élémentaires. La situation est d’autant plus grave que « de nombreux conseillers prud’homaux revendiquent le caractère partisan de leur intervention » [30].
Dans le prolongement, des chercheurs ont établi que pour nombre de conseillers prud’hommes salariés, « exercer le mandat prud’homal, ce n’est pas seulement « juger en droit », mais c’est aussi « faire du social » [31] ; ce qui signifie se positionner en faveur de ceux qui se retrouvent en difficultés, juridiques et économiques. Un tel état d’esprit des conseillers n’est pas de nature à leur donner la légitimité juridique qui leur fait défaut. La légitimité juridique s’acquiert par l’application juste et dépersonnalisée de la règle de droit. De ce point de vue, « le droit joue un rôle de mise à distance de l’émotion » [32].
Pour trancher sur la base des règles de droit, encore faudrait-il connaître lesdites règles. Sinon, comment peut-on raisonnablement appliquer un droit aussi technique et en évolution permanente que le droit du travail, quand on n’en est soi-même qu’un profane ? [33].
Pourquoi espérer des justiciables qu’ils acceptent « naturellement » des verdicts émanant de personnes n’étant pas plus dotées de savoir juridique que le citoyen lambda ? A priori, nous dit-on, les conseillers prud’hommes auraient le « grand atout » de connaître le monde de l’entreprise, contrairement aux magistrats professionnels [34].
Cet argument ne nous semble pas pertinent. D’abord parce que les magistrats professionnels, à supposer qu’ils ne connaissent pas le monde de l’entreprise, connaissent au moins le monde du travail puisqu’ils sont des employés de l’Etat (fonctionnaires). Ensuite, parce que nombre de factualités sur lesquelles ils sont amenés à se prononcer, comme celles relatives à la discrimination et au harcèlement, ne sont ni propres au monde de l’entreprise, ni fondamentalement différentes selon qu’elles se vivent ou se pratiquent dans la fonction publique ou dans l’entreprise privée. Enfin, parce que dans l’organisation judiciaire actuelle, le contentieux du travail se répartit entre 6 juges au moins, dont la plupart sont des juges professionnels :
le juge prud’homal, pour les litiges individuels nés du contrat de travail ;
le juge administratif (juge professionnel), dès lors que le contentieux fait intervenir l’autorité administrative ;
le juge départiteur (juge professionnel), lorsque les conseillers prud’hommes n’arrivent pas à se départager ;
le tribunal judiciaire (juge professionnel), pour les contentieux collectifs ;
le juge pénal (juge professionnel), en cas d’infraction à la législation du travail ;
le tribunal de commerce, en cas de procédure collective.
Au surplus, les litiges du travail sont traités exclusivement par des juges professionnels dans plusieurs pays européens comme l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, sans que la qualité de la justice qui y est rendue ne soit des moindres.
En tout état de cause, si l’intérêt de la justice prud’homale réside dans la connaissance qu’ont les conseillers des réalités du monde du travail, il n’en demeure pas moins que la fonction de juge exige des connaissances juridiques. Cela est d’autant plus vrai que le droit du travail s’est complexifié depuis quelques années [35]. A choisir, nous pensons qu’il vaut mieux avoir affaire à un juge qui ne connaît pas le monde de l’entreprise, qu’à un juge qui ne connait pas le droit. Convenons-en bien, pas plus qu’on n’aimerait être soigné par un « médecin » qui n’a pas appris la médecine, on n’aimerait pas non plus être jugé par un « juge » qui n’a pas appris le droit ; « l’activité juridictionnelle implique une formation juridique approfondie qui doit être au surplus sans cesse renouvelée en raison de l’évolution constante et rapide, du droit » [36].
III - Une formation sommaire, impropre à conférer la pleine légitimité juridique attendue d’un juge.
La formation des conseillers prud’hommes est une condition essentielle à la qualité de la justice prud’homale [37]. Même le recueil de déontologie des conseillers prud’hommes admet le lien indispensable entre compétence juridique et justice de qualité :
« Le conseiller prud’homme s’engage à suivre une formation initiale et continue afin de disposer des compétences juridiques nécessaires pour rendre une justice de qualité. Le devoir de légalité et l’exigence de compétence du conseiller prud’homme s’expriment dans la maîtrise de la connaissance des lois et des règles applicables, nationales et internationales, de fond comme de procédure. Il implique un impératif de formation initiale et d’actualisation régulière de ses connaissances par la formation continue. N’étant pas nécessairement un professionnel du droit, le conseiller prud’homme a l’obligation d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de ses fonctions juridictionnelles. Son devoir de formation relève des devoirs de sa charge » [38].
Un début de « professionnalisation » de la fonction prud’homale a été amorcé en 2015 [39], avec l’instauration d’une exigence minimale de formation pour les conseillers prud’hommes nouvellement désignés [40]. L’objectif étant de leur permettre d’acquérir les connaissances procédurales et les techniques et méthodologies utiles à l’exercice de leur fonction. Ainsi, par mandat, les conseillers prud’hommes doivent suivre une formation initiale de 5 jours au titre de la formation initiale (dont 3 jours en présentiel et 2 jours à distance), et de 6 semaines au titre de la formation continue [41].
Les 5 jours de formation initiale, délivrée par l’Ecole Nationale de la Magistrature, portent sur les quatre thématiques ci-après : l’organisation administrative et judiciaire ; le statut, l’éthique et la déontologie du conseiller prud’hommes ; le procès devant le conseil de prud’hommes ; la tenue de l’audience et la rédaction des décisions. En parallèle, les conseillers prud’hommes peuvent recevoir, de manière facultative, des formations de la part d’organismes ou d’établissements externes à l’institution judiciaire [42], par exemple, les instituts régionaux du travail [43].
Pour autant, ce dispositif de formation se révèle, en l’état, inapte à faire taire les nombreuses critiques décriant l’incompétence juridique des conseillers prud’hommes. Preuve, selon nous, que ledit dispositif est insuffisant.
IV - Une situation préjudiciable aux justiciables.
La responsabilité de trancher les conflits du travail ne doit pas être prise à la légère, tant ceux-ci portent sur des points qui sont d’une importance capitale non seulement pour la situation professionnelle d’un salarié [44], mais également pour la bonne marche d’une entreprise [45].
Malheureusement, ce sont les justiciables - salariés comme employeurs - qui font les frais de l’incompétence juridique des conseillers prud’hommes.
D’aucuns objecteront que la cour d’appel est là pour résorber les carences de la première instance. Sauf que la dévolution en appel de l’essentiel des affaires traitées par les conseils de prud’hommes, a pour conséquence fâcheuse d’engorger les cours d’appel et, par ricochet, d’alourdir les délais de règlement des litiges [46] ; ce qui ne répond pas aux normes d’une justice de qualité. De plus, la réalité statistique en appel nous conforte dans l’idée qu’il faut plutôt traiter le problème à la source : le taux de confirmation totale des jugements des Conseils de prud’hommes (28,3%) est très nettement inférieur à celui constaté pour les appels des autres juridictions (de 46 à 53,6%) [47].
Par ailleurs, l’incompétence juridique de beaucoup de conseillers prud’hommes pénalise davantage les salariés. En effet, s’il tient à être rétabli dans ses droits après avoir été débouté à tort par un Conseil de prud’hommes peu au fait de l’orthodoxie juridique, le salarié sera contraint à une bataille judiciaire longue et coûteuse en appel voire directement en cassation.
En 2019 par exemple, la durée moyenne de traitement des affaires en cause d’appel était de 15,4 mois par-devant les conseils de prud’hommes [48], auxquels s’ajoutent en moyenne 13,3 mois par-devant les cours d’appel [49], soit près de 30 mois de procédure [50].
Quant aux coûts, depuis 2016 le ministère d’avocat étant devenu obligatoire en appel, le salarié débouté à tort par l’incurie juridique des conseillers prud’hommes ayant tranché son affaire, n’aura d’autre choix que d’engager des frais d’avocats pour espérer être restauré dans ses droits en appel. Cette contrainte financière pousse d’ailleurs beaucoup à renoncer à leurs droits plutôt que de faire appel.
La résignation du fait du coût touche aussi les employeurs, notamment ceux des TPE dont la trésorerie est limitée. Nombre d’entre eux préfèrent alors exécuter des condamnations financières injustes et injustifiées, prononcées à leur encontre par des conseillers prud’hommes juridiquement déficients, dès lors que prendre un avocat pour relever appel leur coûterait plus cher que payer ce à quoi ils ont été condamnés à tort.
V - Pour une justice professionnelle plutôt qu’une justice corporatiste.
La fonction première des conseils de prud’hommes est censée être la conciliation [51].
Hélas, cette vocation principale est en pratique marginale : « le nombre d’affaires résolues par voie de conciliation est particulièrement faible, puisqu’il était en moyenne de 8% en 2018, variant de 0 à 26% d’un CPH à l’autre » [52].
Le constat d’échec auquel nous assigne cette vérité statistique, remet en cause le bien-fondé du maintien non pas seulement de l’étape procédurale qu’est la conciliation, mais aussi de la juridiction prud’homale elle-même.
Le foisonnement des propositions de réforme de la justice prud’homale [53] n’a d’égal que l’ampleur des critiques que cette juridiction suscite. D’ailleurs, il faut relever d’une part, que même ceux qui soutiennent avec ferveur la préservation de cette institution, concèdent bon gré mal gré le fait « qu’elle n’en est pas moins une institution fragilisée et donc à parfaire, dès lors que le fonctionnement du système laisse à désirer sur certains points » [54].
D’autre part, que « la majorité des conseillers sont bien conscients de leur faible légitimité juridique » [55]. Nous pensons que le contentieux du travail est une affaire beaucoup trop lourde pour les mains de personnes ne maîtrisant pas les contours d’une matière - le droit social - particulièrement complexe et sensible, aux enjeux humains et économiques forts [56].
C’est pourquoi, nous sommes favorable à l’idée que ce contentieux soit confié aux seuls magistrats professionnels, désignés en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulières en la matière. A défaut, l’évolution vers l’échevinage [57], serait le minimum à faire dans l’intérêt des justiciables, salariés et employeurs. Du reste, il y va de la considération [58] et de la confiance [59] accordées à la juridiction prud’homale.
Cette solution subsidiaire de l’échevinage [60] aura le mérite d’être celle du consensus entre ceux qui priorisent la connaissance du droit (comme nous) et ceux qui ont à cœur la connaissance de l’entreprise et le paritarisme. L’échevinage pourrait alors prendre la forme soit du modèle proposé par le rapport Marshall de 2013 [61], et qui ferait du Conseil de prud’hommes une juridiction présidée par un juge professionnel, assisté de deux assesseurs (non professionnels), l’un représentant les salariés et l’autre les employeurs [62].
Soit la forme suggérée par Alain Supiot et qui consisterait en une répartition de la compétence matérielle entre juges professionnels et conseillers prud’hommes [63]. De surcroît, l’échevinage
« pourrait contribuer à renforcer la base légale des décisions et à améliorer l’application de la règle de droit. Le faible taux de confirmation totale des jugements des CPH en appel confirme cette intuition. Ce faisant, il pourrait en résulter une meilleure acceptation de la décision judiciaire et une baisse du taux d’appel » [64].
Enfin, nous pensons que la formation juridique des conseillers prud’hommes gagnerait à être plus consistante. Des prérequis pourraient ainsi être exigés pour être désigné conseiller prud’hommes, par exemple la possession d’un diplôme en droit, ou mieux encore, en droit social.
Ensuite, la formation initiale pourrait avoir lieu dès avant l’entrée en fonction. A l’heure où la question de la reconnaissance et de la valorisation des compétences liées au mandat prend de plus en plus d’importance [65], nous pensons que l’expérience découlant de l’exercice du mandat prud’homal pourrait ainsi être mieux reconnue, de telle sorte que les juges prud’homaux puissent le cas échéant faire reconnaître ces acquis dans la poursuite de leur carrière professionnelle [66].
Discussions en cours :
Bonjour un avocat peut il etre président d une audience aux Prud hommes alors que une des parties est ou a été son client dans une précédente affaire ?
Merci
Un conseiller prud’hommes a connaissance plusieurs semaines par avance par le greffe de son tribunal des affaires qui sont enrôlées à l’audience où il est appelé à siéger. Le greffe procède de cette façon justement pour que les conseillers qui ont eu à connaître d’une affaire avant l’audience, qui ont été en relation avec l’une ou l’autre des parties, a fortiori qui ont été en affaires ou en amitié avec l’une ou l’autre des parties puissent se faire remplacer pour ladite affaire (et plus généralement ils se font remplacer pour l’audience complète).
Le juge qui siégerait alors qu’il a un lien avec une des parties -sans en prévenir ses collègues pour solliciter leur avis sur le maintien ou pas en audience du juge dans cette situation- pourrait se voir accuser de manquement à la déontologie, être suspecté de manque d’impartialité dans ses décisions et pourrait risquer un conseil de discipline.
Si le juge prévient, et que ses collègues ne font pas objection à son maintien en audience, c’est différent. C’est plutôt à la partie qui a connaissance du lien entre le juge et la partie adverse de demander in limine litis la récusation du conseiller. En l’absence d’un juge susceptible de remplacer son collègue, l’audience sera renvoyée.
Si le jugement a été rendu, et que l’une des parties s’aperçoit des liens évoqués, et a intérêt à demander la révision du jugement, elle peut saisir la cour d’appel en suspicion légitime de partialité du jugement.
Non avocat, j’avais cependant préparé un argumentaire construit, minuté, et je voulais réparer une erreur de date dans mon dossier. Je n’ai eu le droit que de répondre à des questions très précises.
"Vous devez uniquement répondre aux questions !" m’a t-il été intimé plusieurs fois, quand j’ai voulu proposer mes arguments.
Après moi, l’avocat, contre moi (défendeur) est intervenu. L’avocat lui, a sans interruption, ni questions, exposé ses arguments, avec des faits tous faux et interprétés dans son sens. Je n’ai pas interrompu sa "prestation", ni gêné cette litanie de contre-vérités.
Ayant pris des notes pendant la plaidoirie de l’avocat, j’attendais de pouvoir rétablir poliment la vérité basée sur des pièces et des faits authentiques et pertinents. Un avocat m’avait dit qu’il était possible en tant que demandeur de prendre la parole après le défendeur.
Je n’ai pas eu ce droit. On m’a demandé de me taire sitôt la plaidoirie de l’avocat finie. L’audience était terminée !
A savoir je ne me suis pas emporté, ni n’ai élevé la voix même si j’ai été profondément outré par ce procédé qui signifie selon moi : "Pas d’argent, pas d’avocat", "Pas d’avocat, pas de considération et pas de justice".
A savoir, l’avocat n’a pas respecté le délai de communication de ses conclusions imposé par le Tribunal. (Conclusions communiquées 5 mois après les délais fixés par le Tribunal).
Tous les envois de conclusions par mail ont été réalisés juste avant l’audience (le jour d’avant l’audience) C’est la stratégie de reports des avocats !.
Si je n’avais pas répondu en 2 jours aux dernières "Conclusions", qui étonnamment ont été transmises quelques jours avant l’audience, j’aurais dû faire un troisième report ce qui impliquait environ 4 mois d’attente de plus..
La saisie du tribunal datait déjà depuis plus d’un an ! L’avocat était apparemment convaincu qu’il y aurait un troisième report à cause de sa communication tardive de ses conclusions. Je l’ai vu emprunter au tribunal son dossier pour réaliser sa plaidoirie, il n’était pas venu avec !!
Un détail, ces ultimes conclusions n’ayant pas tenu compte des mes arguments n’étaient même pas de réelles conclusions.
Si le jugement se base sur l’oral, bonne chance pour les non avocats, quelque soit leur culture juridique et leur capacité d’élocution.
Donc bon courage avec le Tribunal des Prud’hommes de ."..."
Je citerai le lieu du Tribunal quand le jugement sera rendu, en espérant que le tribunal me transmettra les motifs de son rejet certain, motifs que j’ajouterai à ce texte. Mais je ne suis pas très convaincu d’avoir une transmission des motifs. Je pense déjà à l’appel..
Il existe beaucoup plus de bons prud’hommes que ceux que vous décrivez dans votre prose
Vous tentez d’extraire les délibérés mais ce n’est que supposition
Pour le reste vous n’avez pas que des tords j’en convient
Postulez pour devenir prud’hommes j’en serais ravi
D’accord avec vous pour obliger une formation plus probante et des validations d’acquis dans nos carrières
Cordialement
Dominique
Bonjour,
Je suis plus que d’accord avec votre article. Les conseillers syndicaux qui y siègent sont aussi des employés. Qu’en est il de leur indépendance ? Qui vérifient (et comment) s’il y a eu des pots de vin ou des promotions accordées autour d’une instruction en faveur de l’entreprise ? Peut-on être juge et parti ? Quelle instance peut on saisir pour enquêter ? Les juges en appel sont ils différents ? Qu’en est il des frais engagés inutilement en première instance ? Peut on intervenir au pénal en première intention, sur quel critère et que faire en cas de refus de plainte ?
Le monde du travail, tel qu’il est vécu, est normatif pour les juges prud’homaux. Le problème du jugement lié au sens commun se trouve aussi chez Hannah Arendt. Comme elle, nous croyons que la pertinence d’un jugement n’a lieu que si ce dernier a une signification pour la communauté formée par les 25 millions de salariés français du secteur privé.
La possibilité du consensus lors du délibéré dépend de la cohésion des juges des deux collèges. La question se pose de la pesée par les juges des intérêts en présence. C’est alors que parfois l’appréciation des juges diffère du prescrit du législateur, et sans suivre le belge Paul Vander Eycken, les juges n’estiment pas si dans une espèce il vaut mieux violer la loi ou laisser violer l’intérêt que la loi sacrifie. Car les juges au CPH ne violent pas la loi, ou alors très involontairement, mais ils s’autorisent par contre régulièrement des interprétations des textes qui leur sont utiles -ou dit autrement efficaces- pour la détermination de la solution qui fait consensus. Et l’imagination dont font preuve les juges des prud’hommes sur ce point est, il faut le reconnaître, débordante…C’est ce que leur reprochent les professionnels du droit.
Il apparait que les juges prud’homaux pratiquent ce « droit naturel positif » dont Paul Foriers parlait dans les années 60, et qui signifiait l’inclusion des valeurs dans la pratique judiciaire.
J’ai 20 ans de pratique de juge au CPH, 15 ans de défense syndicale. J’ai connu les deux côtés de la barre et j’ai extrait de ces expériences un mémoire de master 2 en philo du droit (vous y êtes cité...). Il s’agissait pour le juge que je suis de rechercher les conditions de possibilité d’une ou plusieurs réponses juridiques à une question et de réfléchir sur la légitimité de tel ou tel point de vue sur cette question. Et aussi d’identifier les principales différences entre les façons de juger au CPH et par un professionnel, elles se situent notamment au niveau :
du travail d’enquête des juges au CPH, de l’observation et/ou de l’étude des relations entre les parties, l’identification des comportements qui sont susceptibles d’avoir entraîné ou entretenu le conflit,
de l’identification d’un scenario en fonction des éléments du dossier,
la recherche d’une décision qui fasse consensus entre des juges qui ont des principes différents dans la réflexion qui inspire les solutions possibles au litige
Quand les juges -mes collègues dans d’autres ressorts- n’ont pas fait droit à mes demandes au soutien des intérêts d’un salarié, semblant en cela mépriser les textes légaux, je ne me suis jamais plaint qu’ils manquaient de compétence en droit, mais je me suis fait le reproche de ne pas avoir suffisamment bien plaidé...
Un juge CPH n’irait pas demander au Barreau la radiation d’un avocat mauvais en plaidoirie...
Bonjour je suis avocate travailliste depuis 25 ans je plaide tous les jours devant les conseils partout en France. Cet article est vraiment scandaleux et tellement loin de la réalité ! Je m’étonne qu’on puisse sur ces sujets, confier la plume à quelqu’un qui est un juriste d’entreprise et qui donc n’y a jamais plaidé ni mis un pied et qui se pose néanmoins en spécialiste !!!
@Elise BRAND,
Il est fort navrant de constater, pour le déplorer, que votre seule objection au contenu de cet article se résume en une attaque personnelle de piètre facture… Aucun argument de votre part ou référence scientifique à faire valoir pour contredire ce qui est écrit dans ce texte.
D’ailleurs, pour quelqu’une qui se targue d’être « avocate », vous devriez pourtant savoir que le ministère d’avocat n’est point obligatoire par-devant les Conseils de prud’hommes. Par voie de conséquence, un juriste d’entreprise peut donc tout à fait avoir l’expérience pratique du contentieux prud’homal avec tout ce que cela implique : transaction devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation, rédaction et notification des conclusions, plaidoiries devant le Bureau de jugement, etc.
Au-delà de l’aspect pratique du contentieux prud’homal, vous semblez manifestement ignorer le rôle joué et attendu de la doctrine dans l’analyse du fonctionnement de la justice. Dans cet article, je cite notamment des travaux d’universitaires agrégés et chevronnés, dont les publications et analyses – pour peu que vous les ayez lues un jour – corroborent de nombreux points soutenus par mes soins dans cet article. Auriez-vous l’outrecuidance de disqualifier ces éminents juristes au risible prétexte que seuls les « gens de robe » ont voix au chapitre pour parler de la justice ? Et que diriez-vous donc des nombreux commentaires de vos confrères, publiés sous ce même article, et qui abondent eux aussi dans mon sens ?
(...)
Respectueusement,
Hermann Martial NDJOKO
Je suis avocat travailliste, j’ai travaillé à la CGT pendant 10 ans.
Je suis désolé Mon Cher Confrère, mais ce que relate l’auteur est vrai : non respect du travail des avocats, interruptions incessantes, arrivée très tardive des Conseillers ( convocation à 13h, arrivée à 15 heures), non-maitrise des dossiers. On demande aux avocats d’envoyer deux exemplaires de la requête, elle ne sont jamais lues.
Les Conseillers se permettent même de dossier leur point de vue aux audiences.
Véritablement, je ne suis pas pour écarté du processus de décision les Conseillers, mais qu’ils soient encadrés par un magistrat professionnel à chaque audience : cela eviterai les départages et les temps d’attente.
J’interviens en défense et en demande, à chaque fois, ce sont les mêmes difficultés.
Mon Cher Confrère, ne feriez pas vous preuve de flagornerie dans l’intérêt de vos dossiers ?
Bien à vous