Crise institutionnelle : les affaires publiques transforment la menace en opportunité. Par Claire Pinson-Bessonnet, Franck Boulin et Jean-Baptiste Jusot, Avocats.

Crise institutionnelle : les affaires publiques transforment la menace en opportunité.

Claire Pinson-Bessonnet, Avocate,
Barreau de Paris,
Franck Boulin, Avocat,
Barreau de Paris,
Jean-Baptiste Jusot, Avocat,
Barreau de Lyon.

917 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # coalitions politiques # affaires publiques # stratégies de lobbying # crise institutionnelle

À la suite de l’élection du 7 juillet, les travaux parlementaires sont en suspens et l’activité législative est au point mort, l’Assemblée nationale peinant à se trouver une majorité. Pourtant le budget doit être voté avant la fin de l’année, les entreprises comme les citoyens ont besoin de connaître le cadre légal encadrant leurs activités, les institutions doivent fonctionner… Dans cette situation originale, les avocats-conseil en affaires publiques ont sans aucun doute un rôle à jouer.

-

Un contexte politique inédit pour la France, mais commun ailleurs en Europe.

Jusqu’à présent, les résultats des scrutins législatifs avaient rendu inutile de rechercher après les élections la constitution de coalitions de partis pour former une majorité, autour de la négociation d’un programme de gouvernement. Ils avaient également contribué à réduire encore le rôle du Parlement au profit de l’exécutif, au-delà même de l’organisation définie dans la Constitution de 1958.

Si la pratique des coalitions, pourtant courante en Europe continentale, avait été oubliée en France depuis plus de 60 ans, il est évident qu’elle devra nécessairement être réactivée afin de pouvoir permettre de constituer un Gouvernement susceptible de disposer d’un soutien durable lui évitant le risque d’une motion de censure.

Toutefois, l’absence de toute majorité évidente à l’issue des récentes élections législatives de 2024 ne signifie pas que les institutions soient bloquées, pour autant que l’on hiérarchise correctement ce qui relève d’une part des institutions, d’autre part de la pratique politique.

Il en découle cependant que les modes d’élaboration de la loi et du règlement vont être profondément bouleversés. La recherche de compromis transpartisans devient la règle, accroissant lors de la rédaction d’un texte le nombre d’intervenants politiques (ministres et leurs cabinets, mais aussi commissions à l’Assemblée nationale et au Sénat, et groupes parlementaires), et renforçant l’importance et l’influence des services techniques.

La complexité de la situation donne aux affaires publiques la possibilité de se déployer dans toute leur dimension.

Dans le contexte actuel, les acteurs économiques ont encore plus intérêt à investir le champ des affaires publiques. En effet, les possibilités d’action dans ce domaine ne sont pas au point mort puisque leur objet est précisément de conférer la capacité de s’adresser à tous les niveaux de la prise de décision publique, du plus politique au plus technique. Si la connaissance fine des diverses positions politiques et la maitrise des rouages institutionnels restent fondamentales, les représentants d’intérêt sont aujourd’hui appelés à mobiliser un éventail de compétences plus large pour investir tous les registres du dialogue avec les décideurs publics - politique, institutionnel, administratif, économique et juridique. Les stratégies d’affaires publiques ont ceci de commun avec les stratégies judiciaires que plus la situation est complexe, plus le besoin de créativité est grand.

Lorsque l’objectif est de faire évoluer la norme en période de majorité relative, le plaidoyer au niveau du pouvoir exécutif doit comprendre les possibilités qui relèvent du domaine règlementaire. Au niveau législatif, convaincre au niveau individuel peut aujourd’hui permettre d’obtenir du soutien tant au sein des groupes que des coalitions. Si la fragmentation sature le concert des voix politiques, elle peut renforcer celles de la société civile : faire émerger des sujets dans le débat public (porte-paroles) peut permettre d’identifier des soutiens politiques, voire de favoriser des accords ponctuels. L’importance de travailler sur les propositions de loi - à compléter, susciter, voire ressusciter [1] - est accrue, notamment au Sénat dont le pouvoir de négociation est renforcé en l’absence de majorité à l’Assemblée nationale. L’enjeu des niches parlementaires [2] pourrait augmenter si les propositions de loi présentées à ces occasions permettent de répondre aux objectifs de plusieurs formations. La période actuelle d’affaires courantes laisse du temps pour débuter ou poursuivre des travaux exploratoires. Les prochaines échéances électorales – éventuelles élections législatives en 2025, élections municipales et sénatoriales en 2026 - renforcent le poids des sujets territoriaux dans les stratégies et exerceront une influence sur leur rythme.

Les avocats-conseils en affaires publiques, partenaires des entreprises pour retrouver la confiance.

Depuis plus de 15 ans, les avocats-conseils en affaires publiques [3], qui sont juristes, stratèges et communicants, sont devenus des partenaires incontournables dans ce dialogue indispensable entre le secteur public (législateurs comme hauts-fonctionnaires) qui fabrique la norme et le secteur privé (entreprises, associations, syndicats professionnels…). En effet, au cœur de la « crise institutionnelle » issue des dernières élections, ces avocats d’un genre nouveau accompagnent leurs clients tout au long leurs relations avec les décideurs publics : en amont par l’apprentissage et la compréhension du fonctionnement des institutions, pendant leur dialogue, par la maîtrise du plaidoyer, et à l’issue par la valorisation des intérêts défendus.

Dans ce chaos politique qui perturbe la vie économique et sociale, les entrepreneurs doivent pouvoir retrouver de la sérénité et une certaine visibilité sur le cadre légal de leurs activités, afin de se projeter vers l’avenir. Les avocats-conseils en affaires publiques, représentants de leurs intérêts, peuvent répondre à ces enjeux… transformant cette « menace » en « opportunité ».

Claire Pinson-Bessonnet, Avocate,
Barreau de Paris,
Franck Boulin, Avocat,
Barreau de Paris,
Jean-Baptiste Jusot, Avocat,
Barreau de Lyon.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

2 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Les travaux en cours à l’Assemblée nationale ont été rendus caducs par l’effet de la dissolution.

[2Une fois par mois, à l’Assemblée comme au Sénat, un groupe d’opposition ou un groupe minoritaire décide de l’ordre du jour et peut y inscrire ses propositions de loi.

[3Depuis 2011, les avocats peuvent exercer l’activité de lobbying et de représentants d’intérêts (Article 6.3.4 du R.I.N).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs