LegalTech : le droit à la croisée des chemins ? Par Doriane de Lestrange, Journaliste.

LegalTech : le droit à la croisée des chemins ?

Par Doriane de Lestrange, Journaliste.

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Explorer : # legaltech # innovation # conflit # transformation digitale

La LegalTech française est aujourd’hui en plein essor et l’on voit apparaître pléthore de nouveaux acteurs toujours plus innovants. L’accueil qui leur est réservé n’est pour autant pas toujours très positif et l’on voit lentement émerger une opposition entre les anciens et les modernes.

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Le secteur des LegalTech françaises est désormais en plein boum, avec l’apparition de nouveaux entrants au potentiel disruptif établi : Hyperlex (1 million d’euros levés), Demander Justice (2,7 millions d’euros levés), Doctrine (10 millions d’euros levés) ou encore LegalStart (entre 15 et 20 millions d’euros levés).

La spécificité des LegalTech ? Fournir des services classiques de la numérisation encore peu appliqués au Droit (mise en relation, création d’actes, création et gestion d’entreprises, processus métier, accès aux décisions et à la documentation) et « propulsés par des technologiques innovantes » (du Web, dans 60,3% des cas, à l’Intelligence Artificielle, dans 19% des cas) comme l’explique la Tribune, dans un article consacré à ce sujet.

Résultat des courses : si les chiffres des LegalTech restent faibles eu égard à ceux de leurs consœurs des autres secteurs (musique, FoodTech, FinTech notamment), leur adoption par des avocats usagers jeunes et friands d’une expérience utilisateur moderne nourrit leur succès économique – qui grandit à vue d’œil.

Un secteur sous tensions

L’inflation juridique qui s’opère depuis les années 2000 en France et en Europe a entraîné une multiplication des normes, mais aussi des acteurs gravitant autour du secteur du droit. C’est sur cette vague que surfent les LegalTech françaises.

Mais l’entrée de nouveaux acteurs digitaux dans un marché monopolistique et traditionnellement peu porté sur le numérique a entraîné quelques remous. Depuis sa création en 2014, Demander Justice a été attaquée en justice par le Barreau de Paris, le Conseil National des Barreaux et plusieurs avocats, qui estiment que cette dernière marche sur leurs plates-bandes. Sans succès, puisque la start-up a toujours bénéficié de non-lieux prononcés par les juridictions saisies. LegalStart a, quant à elle, été froidement accueillie par les professionnels, et les deux parties s’écharpent régulièrement sur les réseaux sociaux au sujet notamment des affiches publicitaires de la jeune pousse.

Doctrine s’est à son tour vue attaquer en justice par le groupe très fermé des éditeurs juridiques (Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso Editions, Wolters Kluwer), finalement déboutés par le Tribunal de Commerce de Paris. Ce sont ensuite, et de nouveau, l’Ordre des avocats de Paris et le Conseil National des Barreaux qui ont attaqué la start-up la suspectant d’usurpation d’identité et de pratiques d’hameçonnage douteuses.

Sans préjuger des culpabilités de chacun, cette succession d’escarmouches laisse à penser que l’on assiste à un combat devenu presque classique entre deux mondes : celui des anciens, parfois technophobes, et celui des modernes, quant à eux très portés sur la transparence tous azimuts.

Un destin à la Netflix ?

Au-delà de ces sursauts judiciaires, l’émergence et le succès de start-ups telles que LegalStart, Demander Justice ou encore Doctrine semblent symptomatiques d’une époque où des modèles très établis et éprouvés se retrouvent confrontés à des solutions innovantes et largement plébiscitées par des utilisateurs en besoin croissant de facilité, de rapidité et d’accessibilité.

L’exemple d’une plate-forme comme Netflix, savamment raconté par Olivier Sibony dans son ouvrage, illustre bien comment d’une erreur de perception et d’un refus de se réinventer peut émerger un succès aussi retentissant que celui vécu par Netflix - aujourd’hui devenu géant du divertissement - alors que Blockbuster, leader de la location de DVD et mastodonte des années 2000 aujourd’hui disparu, refusait d’embarquer avec lui dans l’aventure du streaming et de la consommation illimitée...

Serait-ce cette fameuse « ubérisation » par les plateformes dont on parle tant et que beaucoup boudent, voire contestent ? Si l’entrée sur un marché d’un nouvel acteur proposant un service jugé utile et, pour certains, révolutionnaire, provoque des tensions et des exaspérations prévisibles, l’on est en droit de se demander si cela justifie néanmoins que l’on y résiste ou que l’on s’y oppose pour « sauver sa peau » et conserver des modèles probablement dépassés. C’est oublier qu’en termes de produit, c’est souvent le marché et non le droit qui fait loi.

Doriane de Lestrange,
Ancienne avocate devenue journaliste, rédactrice et analyste (Europe, stratégie, macroéconomie).

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