[Parution] Ces grands procès qui ont changé le Monde.

Cet ouvrage écrit et illustré par Francesca Trop, Canadienne, peintre et ancienne avocate, est riche d’enseignement sur la Justice et son incidence sur les citoyens qu’elle représente.
Il nous emmène en France, aux États-Unis, en Grèce, en Italie, à Jérusalem, au Canada, en Afrique du Sud, en Inde, en Argentine... Au travers de 24 procès, on aborde des thématiques fortes et variées, telles que la peine de mort, l’interruption volontaire de grossesse, l’aide médicale à mourir, le mariage entre personnes de même genre, les libertés individuelles, les droits des animaux...

Le livre se divise en trois parties posant les questions suivantes, D’où viennent les règles ? Qu’est-ce qui est juste ? Des droits pour qui ? Des réponses sont apportées par la présentation de procès bien précis, sélectionnés par l’auteure. À l’issue de chacun d’entre eux, Francesca Trop propose une réflexion inspirée par le procès.

En mêlant mythes, droit et art, cet album offre aux adolescents et aux parents une opportunité d’apprentissage et de réflexion sur le rôle de la Justice, sur la place de la morale et plus largement, sur le vivre-ensemble.

Exemples des illustrations contenues dans le livre :

Laissons la parole à son auteure Francesca Trop...

Village de la Justice : Quelles ont été vos motivations à la réalisation de ce livre ?

Francesca Trop : « Ces motivations ont évolué tout au long du projet. Voilà déjà quelques années que j’ai délaissé ma carrière d’avocate pour me consacrer entièrement à la peinture et le livre est né du désir de réconcilier mes deux parcours professionnels.

L’album fut à la base un projet artistique, où je cherchais à représenter des récits hauts en couleur qui avaient trouvé un dénouement dramatique devant les tribunaux. Parce que peindre m’amène invariablement à questionner le monde, j’ai progressivement pris conscience que je choisissais comme sujets certains des récits collectifs les plus marquants de notre conception de la justice et de la morale.

J’ai constaté avec étonnement que je m’inscrivais ainsi dans le parcours de tous ces artistes qui ont, avant moi, gravé les mémoires collectives de leur époque en utilisant la peinture pour illustrer les récits mythiques qui ont formé chaque société.

J’ai creusé l’histoire derrière chaque procès afin d’informer mes toiles, d’en préciser le contenu. J’ai été rapidement frappée par l’omniprésence du rôle de la religion dans les débats. Mes tableaux se retrouvaient tous liés par un double fil conducteur, l’élargissement des droits de la personne vu sous le prisme du discours religieux. C’est alors que j’ai décidé d’en faire un livre.

Mon objectif s’est alors précisé : capturer ces histoires complexes à travers une représentation visuelle symbolique et les accompagner de textes clairs et concis pour inviter chacun à une réflexion sur le monde actuel. En bref, établir un pont entre le passé et le présent à travers mes toiles et mes textes ».

S’il ne fallait en retenir qu’un seul, quel est selon vous le point fort de votre livre ?

« Au fil des années, le système juridique s’est substitué au phénomène religieux pour définir les règles du vivre ensemble. Les procès constituent dès lors une véritable mythologie moderne, où les épisodes judiciaires forgent notre perception de la justice et de la société.

Placer certains procès marquants côte à côte sur un fil historique offre donc un regard inédit sur l’évolution des nations. Il est essentiel de mieux les connaitre pour réfléchir à notre identité collective et aux choix éthiques et moraux qui nous définissent ».

Quel message souhaitez-vous faire passer au travers de cet ouvrage ?

« Les décisions judiciaires sont le baromètre moral des nations. Elles indiquent le climat dans lequel évoluent ou se dégradent les libertés individuelles.

Pour prendre le pouls d’une société, il suffit de se tourner vers les plus récentes décisions rendues par ses tribunaux. Que disent-elles sur la peine de mort, l’interruption volontaire de grossesse, l’aide médicale à mourir, le mariage entre personnes de même genre ? Comment les tribunaux réfléchissent-ils au racisme, à l’antisémitisme, au troisième genre, aux droits des animaux ?

À partir de ce point de départ, le livre Ces grands procès qui ont changé le monde propose trois autres pistes de réflexion.

D’abord, replacer dans l’Histoire ces procès qui ont questionné la notion même de justice permet de visualiser comment les droits individuels ont évolué en se buttant constamment contre les pouvoirs religieux et politiques qui cherchent à les restreindre. La séparation des pouvoirs religieux, politique et juridique est encore loin d’être une réalité partagée. Mon livre met en relief la place prépondérante du christianisme dans notre réflexion en Occident et le rôle contradictoire joué par cette religion, invoquée encore aujourd’hui autant pour restreindre la liberté individuelle que pour l’élargir.

Ensuite, ces récits montrent comment l’Occident a progressivement placé ses assises sur l’élargissement des droits individuels. Ce parcours, d’abord lent et laborieux, s’est accéléré au cours des dernières décennies. Le monde actuel est la scène d’une rupture entre l’Est et Ouest sur l’importance relative des droits des individus ou de la collectivité. On banalise de plus en plus la décision de faire passer le droit du groupe, de l’État avant les droits des individus. Assiste-t-on à un retour vers des régimes totalitaires, ou bien aux derniers soubresauts d’une époque révolue ? Une chose est certaine, il y a lieu de s’inquiéter lorsque la règle de droit est mise à mal, comme l’illustrent les procès des sorcières de Salem, ou ceux de Moscou.

Finalement, les décisions judiciaires jettent un éclairage précieux sur des sujets philosophiques. Ils fournissent une assise concrète à des questions autrement théoriques comme : D’où vient le pouvoir ? Qui est sujet de droit ? À qui s’adressent les règles ? Les débats devant les tribunaux ont lieu à l’abri des trucages et des fausses nouvelles, contrairement aux messages véhiculés par les réseaux sociaux et certains médias. Quoiqu’on en dise, ces décisions résultent encore de l’écoute d’arguments contradictoires présentés dans un cadre strict et respectueux qui limite les méfaits de la désinformation. Certaines décisions sont des petits bijoux de réflexion, on gagne à se tourner vers elles pour aller au fond d’une question ».

Comment avez-vous choisi les procès que vous alliez présenter dans votre livre ? Qu’est-ce qui en fait de "grands" procès ?

« Ma première sélection était émotive plutôt que rationnelle, j’avais simplement le désir de créer de vastes tableaux racontant des récits captivants. Un grand procès, à mes yeux, est celui qui transcende les individus impliqués pour marquer l’imaginaire collectif et influencer durablement notre conception de la justice, comme les procès de Socrate, Jésus, Jeanne d’Arc ou celui de de Galilée.

Mon choix s’est ensuite affiné lorsque j’ai décidé de représenter des procès ayant durablement modifié notre perception de la justice et du système judiciaire, ceux pour lesquels on dira : il y a eu un avant et un après. À travers ces décisions, la table tourne, ce qui était interdit est désormais autorisé, ou vice-versa. Sur cette base j’ai commencé à peindre les Sorcières de Salem, Dreyfus, Nuremberg, Mandela…

Lorsque j’ai décidé d’en faire un livre, j’ai dû procéder à une troisième sélection pour élargir mon champs de recherche. D’emblée, j’ai exclu de mon palmarès les procès ciblant les crimes les plus sordides et les individus crapuleux. Je n’ai aucun intérêt pour ces personnes qui ont appauvri l’humanité plutôt que de l’embellir.

J’ai ensuite cherché les procès qui élargissent la protection juridique à de nouveaux sujets de droits, ou bien les renforcent : les personnes de couleur en Angleterre, les femmes et les enfants aux États-Unis, les couples homosexuels au Canada, les personne trans en Inde, même les animaux, qualifiés de “personnes non-humaines” en Argentine.

J’ai retenu pour la France les procès de Bobigny de 1972, qui ont permis aux femmes souhaitant interrompre une grossesse non voulue de passer de criminelles à femmes libres et autonomes. La récente inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française, une première mondiale, découle directement de ces procès.

J’ai fini par présenter 40 procès à mes éditrices. Nous avons convenu d’un commun accord que le livre serait plus lisible si on réduisait le nombre à 24. Choisir lesquels écarter a été difficile, mais le produit final a gagné en simplicité ».

Informations techniques :
Titre : Ces grands procès qui ont changé le Monde,
Auteure : Francesca Trop,
Editeur : Édition du Passage,
ISBN-13 : ‎ 978-2924397800,
Parution : mai 2021,
Nombre de page : 128,
Prix : 20 euros (32,95$ canadien).