Jean-Pierre Getti se définit comme un magistrat pénaliste. Alors que certains magistrats, au gré de leurs demandes d’évolution et d’affectations, sont amenés à pratiquer plusieurs domaines du droit, l’auteur a fait le choix de consacré sa carrière à la matière pénale. Mais, ce choix ne signifie pas un immobilisme, bien au contraire. Il débute comme juge des enfants, puis très vite, il poursuit comme juge d’instruction en France, mais aussi à l’international pour le Tribunal pénal international de la Haye concernant les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Cette expérience internationale a été d’une grande richesse d’enseignement à titre personnel et professionnel. Il termine sa carrière à la fonction de Président de Chambre à la cour d’appel de Versailles. Quarante années de pratique judiciaire en matière pénale qui l’ont aidé à assumer la charge des procès, à acquérir la bonne distance entre compréhension et justification des agissements criminels. Une longévité dans l’exercice qui lui a permis d’assumer des décisions difficiles à prendre et à se protéger.
Jean-Pierre Getti a été en charge de dossiers pour crimes de guerre des plus important tels ceux de Touvier, de René Bousquet ou encore d’Aloïs Brunner. L’occasion pour lui d’expliquer des notions juridiques telles que celles de crime de guerre, de crime contre l’humanité... Et d’aborder ces périodes de l’Histoire d’un point de vue juridique.
Ce livre permet également de donner un éclairage nouveau sur des affaires sensibles comme celles de René Bousquet, de Jean Leguay ou du Préfet Erignac.
Dans ce livre, l’auteur partage son expérience au sein du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Rawnda ; enseignement extrêmement enrichissant. Son témoignage permet de prendre conscience de la subtile et complexe création de ce type de juridiction, de la délicate alchimie entre l’application d’un droit d’inspiration anglo-saxone et d’un droit d’inspiration française. Il apporte un éclairage sur les relations entre des juristes d’horizon et cultures juridiques différents. Enfin, cela montre quelles peuvent être les opportunités pour un juge français de travailler à l’international.
En relatant, sous forme de souvenirs, les dossiers qui lui ont été confiés, Jean-Pierre Getti parle d’Histoire, de politique, de faits de société ; il donne au lecteur la possibilité de mieux comprendre ce qu’est un juge, comment il travaille, comment il se questionne, comme est rendue la Justice.
Il souhaite, en toute simplicité, apporter, un éclairage à ses concitoyens sur l’univers de la criminalité, sur la procédure pénale et les accompagner ainsi dans leur réflexion sur l’œuvre de Justice et le rôle des juges.
Et comme l’auteur le dit si bien : « être juge, c’est avoir une parfaite maîtrise du droit pénal et de la procédure pénale, mais également de posséder une large ouverture d’esprit pour appréhender la complexité du mode dans lequel nous évoluons et pour comprendre la complexité de l’âme humaine ».
En quelques mots, la Rédaction vous conseille ce livre instructif et agréable à lire.
L’entretien de la Rédac’ avec Jean-Pierre Getti.
Quelles ont été les motivations à la rédaction de ce livre ?
« Je suis de nature réservée, et durant toute mon activité professionnelle, j’ai très peu communiqué avec la presse, alors que je traitais des affaires très médiatisées.
Une fois à la retraite, je fus sollicité à plusieurs reprises pour entreprendre la rédaction d’un document relatant mon parcours et mon expérience judiciaires. Quelques tentatives ont eu lieu, mais elles furent peu concluantes, jusqu’au jour où j’ai rencontré un journaliste de haute compétence qui m’a proposé de relater mes souvenirs et appréciations sur la justice sous forme d’un dialogue approfondi.
Cette dernière démarche a fini par lever mes réticences et j’ai réalisé que faire connaître ce parcours très atypique de magistrat exclusivement pénaliste pendant plus de quarante années, pouvait présenter un intérêt.
Par ailleurs, cela représentait pour moi une forme de bilan et de recherche de sens qu’a pu présenter cette activité consacrée à la criminalité. Je comprends maintenant que je n’ai pas choisi la voie pénale par hasard, et que cela correspondait à un trait de personnalité et de caractère très forts ».
Que signifie pour vous "juger à hauteur d’homme" ?
« Juger à hauteur d’homme prend tout son sens lors de l’engagement du juge au moment de sa prise de décision. Si sa fonction première est le respect et l’application de la loi, cela n’exclut pas sa part de contribution personnelle.
En matière pénale, le juge doit se prononcer en raison de la gravité des faits, mais aussi en fonction des éléments de personnalité de l’accusé. C’est cette combinaison d’éléments qui doit aboutir au verdict. Or, il est évident qu’une grande part de ce cheminement est empreint de subjectivité. Les critères de la décision sont dépendants de la propre conviction du juge, et celle-ci est en rapport avec sa personnalité, sa perception du monde qui l’entoure, son éducation, son éthique, sa morale et autres.
Le juge doit avoir une claire conscience des responsabilités qu’il prend et qui engagent. Ce sont donc tous ces éléments qui font que juger est une affaire à dimension humaine très particulière et qui impose d’être "à la hauteur" ».
Pourquoi juger à hauteur d’homme est-il selon vous fondamental ?
« Le métier de juge pénaliste, car j’ai été juge d’instruction, responsable des enquêtes au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, puis président de cour d’assises, est un métier qui comporte une double exigence : la première est celle d’une parfaite maîtrise du droit pénal et de la procédure pénale, la fonction du juge étant d’abord de respecter et d’appliquer la loi, celle qui garantit les droits des personnes mises en cause.
La seconde exigence est celle d’une très large ouverture d’esprit pour appréhender la complexité du mode dans lequel, nous tous, en tant qu’individus, nous évoluons en raison de notre éducation, de nos propres convictions morales, éthiques, politiques religieuses et autres, mais aussi pour comprendre la complexité de l’âme humaine, la manière dont celle-ci s’est construite, et qui forge la personnalité d’un individu. C’est cet ensemble de considérations que doit apprécier le juge et qui fait que, si ce métier ne peut être exercé qu’à l’aune de ses propres références, il ne peut être limité à celles-ci.
Juger est vraiment un métier à hauteur d’homme ! »
Au travers de votre ouvrage, quel message souhaitez-vous transmettre ?
« Je n’ai pas de message à transmettre, sauf celui de susciter auprès de mes collègues cet immense intérêt que j’ai porté à ces fonctions de juge pénaliste. J’y ai trouvé de très grandes satisfactions et surtout celles d’avoir pu y trouver une place, un rôle qui me convenaient et dont je pense, humblement, qui devaient être les miens.
Pouvoir se réaliser dans un métier est une très grande chance. Celui de juge,
dans toutes les fonctions qu’il propose le permet si on s’y investit
totalement ».
Grâce à votre expérience professionnelle, notamment sur le plan international, quels conseils adresseriez-vous à de jeunes juges ?
« J’ai été un des premiers à partir dans une juridiction internationale.
L’expérience que j’en tire est un fabuleux enrichissement
professionnel et personnel. La confrontation des idées, des expériences des différentes personnes venues du monde entier, a donné lieu à des échanges,
des réflexions, des pratiques très innovantes.
Sortir de sa zone de confort et se confronter à d’autres systèmes juridiques, judiciaires, ne peuvent que servir cette ouverture d’esprit que j’évoquais plus haut.
Comprendre et réaliser que d’autres systèmes fonctionnent en raison de règles, de valeurs, de convictions différentes amènent à une remise en question qui ne peuvent servir qu’à améliorer ses propres références.
Je ne peux qu’inviter les jeunes collègues à saisir les opportunités qui se présentent, surtout qu’actuellement le champ international s’est considérablement ouvert, ils en tireraient un immense bénéfice ».
Informations techniques :
Titre : Juger à hauteur d’homme ;
Auteur : Jean-Pierre Getti ;
Maison d’éditeur : Michalon ;
ISBN : 978-2-347-00386-9
Parution : mars 2025 ;
Nombre de pages : 186 ;
Prix : 21 euros.