[Parution] "Merci, mais non merci" : comment des femmes redessinent la réussite sociale.

[Parution] "Merci, mais non merci" : comment des femmes redessinent la réussite sociale.

Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice

2394 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Dans son livre "Merci, mais non merci", Céline Alix, traductrice juridique et ancienne avocate, met en lumière une réalité dans le monde du travail, le fait pour certaines femmes de quitter leur poste et de changer de trajectoire professionnelle pour se créer un mode de fonctionnement sur mesure. Elles veulent et ont un nouveau rapport au travail.
Un livre intéressant qui présente les solutions professionnelles mises en œuvre par ces dernières pour pouvoir mener conjointement et sans les subir leurs vies professionnelle, sociale et familiale. Solutions qui peuvent répondre aux attentes des jeunes générations de travailleur pour qui la réussite d’une vie ne passe pas uniquement par la réussite d’une carrière.
J’ai envie de dire "Merci" (mais pas "non merci" ;-) à Céline Alix pour cet ouvrage pragmatique et positif qui nous incite à réfléchir et pourquoi pas à agir.

-

En prenant connaissance du sujet traité par Céline Alix, les lecteurs pourraient se dire : "Oh non, encore un livre sur ces femmes dont le travail, la place sont phagocytés par les hommes...!" Eh bien non ! Ce texte, s’il reprend les raisons qui ont poussé ces femmes à quitter leur poste, s’il explique le phénomène qui les incite à évoluer, le fait de façon factuelle, non moralisatrice et surtout sans opposer les femmes aux hommes.

Tout est parti du propre vécu de l’auteure qui après avoir exercé en tant qu’avocate a tout quitté pour fonder sa propre structure de traduction juridique, entourée de sept autres anciennes avocates. Un départ, d’abord vécu comme une sorte d’échec, puis comme une prise de conscience de son impossibilité de vivre le travail comme une négation de sa vie familiale, amicale, sociale.
En cherchant à comprendre son besoin de changer de façon de travailler, elle s’est rendue compte que sa situation n’était pas unique et qu’un bon nombre de femmes (directrices juridiques, DRH, banquières, consultantes, directrices de la communications, artistiques, avocates...) avait également choisi de quitter une belle carrière pour travailler à leur rythme et selon leurs convictions éthiques.

Les femmes interrogées par Céline Alix ne renient pas leur(s) première(s) expérience(s) professionnelle(s), au contraire, elles s’en souviennent comme d’une expérience forte, mais qui au fil du temps ne correspondait plus à leurs attentes ou n’avait plus de sens pour elles. Comme l’écrit l’auteur à la fin de son ouvrage : « elles ont alors décidé de garder certains éléments du modèle actuel de réussite, d’en abandonner d’autres (dont la course au pouvoir et à l’argent) et d’en ajouter qui n’existaient pas encore » [1].

Dans leurs nouvelles façons de penser leur vie professionnelle, ces femmes ont intégré les notions de travail collectif, de transmission notamment au profit des jeunes, de sororité... afin de donner un sens à leur travail.
Il ressort de ces témoignages que ces femmes souhaitent « se servir du travail pour se rendre utile, influencer le cours des choses, changer la société et s’ouvrir aux autres » [2]. Elles souhaitent que leur travail ait une incidence sur la société, qu’il laisse une trace positive.
Et ce sont des changements qui sont également évoqués depuis quelque temps dans certains articles et interviews publiés sur Le Village de la Justice.

Les solutions trouvées par ces femmes ne sont pas fondamentalement novatrices, mais cet ouvrage permet de les relayer, de proposer des exemples de réussites professionnelles et sociales différentes à celles et ceux qui voudraient changer leur façon de travailler, qui voudraient (re)donner du sens à leur travail ou qui ne rêvent plus (ou pas) d’un modèle professionnel basé sur les seuls piliers du pouvoir, de l’argent et du statut.
A l’image des MARD, dont l’usage se développe dans la société, ces façons alternatives de travailler basées sur le collectif, le collaboratif, l’indépendance, la communication... dessinent un monde du travail plus apaisé, moins basé sur le gain par l’opposition, la concurrence, la lutte de pouvoir...

Les témoignages recueillis par Céline Alix et le livre qui en découle ne se veulent pas féministes, au contraire, ils entrainent une réflexion sur cette désaffection de certaines personnes d’un monde où le travail passe avant tout, où le travailleur donne une grande partie de sa vie à l’entreprise au détriment de sa vie familiale et sociale. Comment concilier cette volonté de travailler et d’avoir une autre vie à côté sans être mal perçu, sans passer pour une personne désinvolte, égoïste et tire-au flanc ? Le monde du travail est en train de changer et chaque travailleur potentiel doit participer à cette réflexion commune pour humaniser le monde du travail et répondre à de nouvelles aspirations.

Cédons la parole à Céline Alix pour qu’elle nous précise ce qu’elle a appris des différents témoignages qu’elle a recueillis et le message qu’elle souhaite partager au travers de son livre.

Quels enseignements tirez-vous des entretiens que vous avez eu avec vos interlocutrices ?

Céline Alix (Copyright : Claritas)

« En interviewant cette cinquantaine de femmes qui ont quitté des postes à responsabilités, j’ai été frappée d’entendre toujours la même histoire : celle de femmes travailleuses, ambitieuses, ayant fait les bonnes études et les bons stages, reconnues par leurs pairs, ayant d’excellents résultats, encensées par leurs supérieurs et identifiées comme hauts potentiels et qui, à un moment de leur carrière, réalisent que le modèle de réussite unique qu’on leur propose ne leur convient pas, qu’elles ne souhaitent pas passer tout leur temps au bureau, qu’elles veulent travailler plus efficacement, qu’elles ont une autre conception du pouvoir, qu’elles souhaitent transmettre et travailler collectif et que réussir pour elles signifie réussir toutes leurs vies. Il ne s’agit alors plus de cas isolés mais d’un véritable phénomène sociétal. Ce n’est plus le problème des femmes qui "n’arrivent pas à s’intégrer" ou qui ne sont "pas assez ambitieuses", c’est le problème de la société toute entière qui doit modifier son système pour le rendre plus ouvert, plus épanouissant et plus agréable pour tous ».

Quel(s) message(s) souhaitez-vous faire passer et à qui ?

"Réussir pour elles signifie réussir toutes leurs vies."

« Je souhaite avant tout montrer que le modèle de réussite tel qu’on le connaissait jusqu’alors (et qui reposait plus ou moins sur les trois piliers argent, pouvoir, statut) n’est plus le seul et qu’aujourd’hui, on peut réussir à l’aune d’autres valeurs (équilibre, efficacité, transmission, impact, sens ...).
Mon livre s’adresse à celles et ceux qui ne se sentent pas en accord avec l’ancien "modèle à la papa" et qui veulent créer autre chose, ainsi qu’aux jeunes qui se lancent dans la vie active et s’interrogent sur les valeurs qu’ils souhaitent y trouver. Si mon livre peut éviter à certaines ou certains de s’user dans un système qui ne leur convient pas en leur montrant qu’il existe une autre voie - et de gagner par la-même quelques années - j’aurai atteint mon objectif ».

Les conceptions de travail et d’aménagement du temps de travail décrites dans votre livre intéressent-elles aussi les nouvelles générations de travailleurs masculins ? Ou correspondent-elles seulement aux souhaits des femmes ?

« Elles s’adressent également aux nouvelles (et aux anciennes) générations d’hommes bien sûr. J’ai pris le parti de n’interviewer que des femmes car j’en fais partie, c’est ce que je connais et je trouvais intéressant de demander son avis à ce groupe qui était arrivé sur le marché du travail après celui des hommes et se trouvait donc dans une posture d’outsider, d’observateur et donc de critique objective d’un monde qu’il n’avait pas contribué à créer.
D’ailleurs, depuis la publication de mon livre, je reçois de nombreux messages et commentaires d’hommes qui me disent se reconnaître dans le nouveau modèle de réussite professionnelle que les femmes mettent en place ».

S’il ne fallait en retenir qu’un seul, quel est le point fort de votre livre ?

« C’est un livre qui n’est pas dans la victimisation, dans la revendication ou dans l’opposition hommes/femmes. C’est un livre pragmatique et positif : il fait le constat d’une situation, c’est à dire d’un modèle professionnel à bout de souffle, mais il montre qu’il existe d’autres manières de travailler efficaces, épanouissantes et inclusives que l’ensemble de la société gagnerait à mettre en place ».

Informations techniques :
Titre : Merci, mais non merci.
Auteur : Céline Alix
Editeur : Payot
ISBN : 2228927538
Sortie : Février 2021
Pages : 224
Prix : 18 euros.

Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Merci, mais non merci ! page 197.

[2Merci, mais non merci ! page 198.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27886 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs