La personnalité juridique accordée aux robots.

Par Ugo Dallemagne

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Explorer : # personnalité juridique # robotique # intelligence artificielle # innovation technologique

Aux États-Unis, en Allemagne, des centres de recherche sont créé pour réfléchir sur les thèmes du droit et de la robotique. En 2012, le center européen Robolaw a vu le jour. L’avènement de la robotique étant proche, la réflexion sur les enjeux juridiques est d’actualité...

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Il peut sembler prématuré de s’intéresser d’ores et déjà à une étude juridique de la robotique.
Pourtant les avancées technologiques sont telles qu’il est temps de se poser des questions, d’une manière générale, dans le monde, mais surtout en Europe et en France, car ne participant pas à l’innovation technologique, nous avons tendance à prendre du retard dans l’élaboration des lois. J’en
veux pour preuve que l’État du Nevada a déjà encadré juridiquement l’utilisation de voiture sans conducteur alors qu’en France il est difficile de trouver des publications doctrinales à ce sujet.

Aujourd’hui il s’agit de voitures sans conducteur, demain il s’agira d’humanoïdes. Lorsque l’on ne s’intéresse pas à la robotique et aux avancées technologiques en général, il est difficile de se rendre compte de l’état actuel des choses. Pourtant les robots ménagers sont déjà disponibles en magasin, et Honda prévoit que d’ici 3 ans, tous les foyers auront un robot. Alors qu’en France nous commençons à étudier la voiture sans conducteur, le modèle conçu par Google est déjà en circulation au Nevada.
La robotique est désormais une réalité que, nous, juristes, devons appréhender, et encadrer.

Des chercheurs américains sont déjà en train d’essayer d’appréhender le problème de la personnalité juridique pour les robots. Le robot, et plus généralement les technologies pourvues de l’intelligence artificielle ont la capacité d’exécuter des processus, et par conséquent de nous remplacer.

Supposons qu’un robot puisse exécuter toutes les tâches que nous exécutions jusqu’à présent, personnellement, admettons que cela soit technologiquement possible, alors un robot pourra nous remplacer et prendre des décisions à notre place. Un robot pourra à notre place prendre livraison d’un colis, déposer des vêtements chez le teinturier ou encore payer à notre place. Dans chacune de ces actions quotidiennes un contrat est passé.

Lorsque l’on prend livraison d’un colis un transfert de responsabilité s’opère entre le transporteur et le client, la prise de livraison a aussi des enjeux sur l’action en défaut de conformité puisqu’une réception sans réserve empêche de poursuivre par la suite le vendeur pour les défauts apparents de conformité.

Lorsque l’on dépose des vêtements chez le teinturier celui-ci devient responsable des vêtements le temps qu’il les détient. Si on accepte que le robot puisse effectuer ces tâches alors il faut lui reconnaître la capacité de passer des contrats, donc la capacité juridique et par conséquent la personnalité juridique. A l’inverse, si on refuse de fournir aux robots les moyens juridiques pour opérer ces tâches, alors il ne pourra les effectuer, et donc il perdra automatiquement son utilité.
Nous nous rendons ainsi compte d’un des enjeux juridiques majeurs de l’arrivée de la robotique. D’un côté il semble très difficile, du moins pour le moment, de vouloir attribuer au robot la personnalité juridique. Il faut retravailler les fondements de la personnalité juridique, et de ces
critères. Détenir la personnalité juridique signifie entre autres détenir des droits, dont le droit de poursuivre en justice.

Peut-on, à l’heure actuelle, imaginer que les robots puissent avoir des droits ? Ester en justice ?
D’un autre côté, nous ne pouvons pas rendre inutile le robot. Il faudra dans un premier temps tout du moins élaborer un cadre spécifique pour les robots. En effet, nous ne sommes en rien limité à la personnalité juridique physique ou morale, et nous pourrions développer un nouveau type
de « personnalité », « robotalité » qui accorderait au robot une certaine capacité juridique, etc dépourvue de toute responsabilité (quoique nous retrouvons régulièrement dans la doctrine l’idée de punir le robot lui-même), etc Des chercheurs américains proposent d’établir une personnalité
juridique au robot, comme il en existe une pour les mineurs.

Ces derniers ont la personnalité juridique, mais ne sont ni capables ni responsables. En France, un incapable peut tout de même agir pour le compte et au nom d’un capable (article 1990 du Code civil). Ainsi, le robot pourrait tout de même représenter l’utilisateur dans la vie quotidienne, sans
pour autant avoir la capacité juridique. Il faut cependant lui reconnaître une certaine personnalité.

En savoir plus :
Legal Personhood for Artificial Intelligences, Lawrence B. Solum North Carolina Law Review, Vol. 70, p. 1231, 1992
What Should We Want From a Robot Ethic ? Peter M. Asaro International Review of Information Ethics Vol. 6 (12/2006)

Ugo Dallemagne

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