La parole est aux femmes
Elles sont juge, avocate, présidente de cour, lieutenant de police, directrice de prison ou surveillante pénitentiaire. À travers une centaine de portraits de professionnelles célèbres ou anonymes, « Femmes & Justice », aux éditions LexisNexis, nous ouvre les portes d’un quotidien aux facettes multiples et complexes. Au fil des pages, la photographe Diane Rondot immortalise ces femmes sur leur lieu de travail, vêtues de leur robe solennelle ou de leur uniforme. En vis-à-vis de chaque photo, elle donne la parole à ses sujets. Femme de justice et de mémoire, Simone Veil aurait tout aussi bien pu y figurer en première ligne. Mais seul un livre entier était en mesure de rendre compte du parcours hors norme de cette personnalité majeure du 20ème siècle.
Un des grands mérites de « Simone Veil, un héritage humaniste », également chez LexisNexis, est de nous faire découvrir à travers 36 témoignages de personnalités et des photos familiales ou officielles, cette femme d’exception dans toutes ses dimensions : la juriste de génie qui a élaboré la loi sur l’adoption, l’initiatrice de la loi cadre sur le handicap du 30 juin 1975 et la « mère » de la loi sur l’IVG de 1975, pour ne parler que de quelques-unes des grandes évolutions juridiques que nous lui devons. Sans oublier la femme de mémoire qui a œuvré pour le souvenir de la Shoah tout en favorisant la réconciliation et l’Europe, et bien sûr la femme politique appelée aux plus hautes responsabilités : Ministre d’État, Présidente du Parlement Européen ou membre du Conseil Constitutionnel.
Plus de la moitié des avocats sont des femmes
En ce début de millénaire, le monde du droit met résolument le cap sur le féminin : à tous les étages de la justice, les femmes sont de plus en plus présentes. Leur nombre a crû de 50% en neuf ans : elles constituent aujourd’hui plus de la moitié des avocats, 70% des élèves aux écoles de formation du barreau et plus de 80% des élèves de l’École nationale de la magistrature. Quel chemin parcouru depuis 1900, date de la première plaidoirie assurée par une femme en France ! Un chemin où chaque progrès s’est fait attendre : c’est seulement en 1998 qu’une femme a enfin été élue bâtonnier de l’ordre des avocats à Paris. Toutefois, les femmes sont encore largement sous-représentées dans les postes à haute responsabilité. Rares sont les présidentes de juridiction ou associées de grand cabinet. Au conseil de l’Ordre aussi leurs rangs sont clairsemés. Mais si des portes restent à ouvrir, dorénavant les femmes sont jugées avant tout sur leur professionnalisme, comme le souligne Bernadette Anton-Bensoussan – Vice-procureur près le tribunal de grande instance de Paris : « Vous savez, les femmes n’ont pas besoin de s’imposer autrement que par leur compétence. »
Ne jamais perdre de vue l’humain
Quelles visions portent ces femmes de droit ? « Une justice plus incarnée, réaliste, terriblement humaine », répond Diane Rondot. Cette humanité se retrouve dans de nombreux témoignages : au fil des pages, il apparaît que la première motivation des femmes de justice c’est... la justice !
Cet impératif d’humanité est encore plus présent quand le chemin personnel a rencontré l’inhumanité absolue. C’est évidemment le cas de Simone Veil, qui explique ainsi sa réaction devant les conditions de détention en France dans les années 60 : « Sans doute à cause de ce que j’avais subi en déportation, j’ai toujours développé une sensibilité extrême à tout ce qui, dans les rapports humains, génère humiliation et abaissement de l’autre. Détestant la promiscuité physique autant que l’aliénation morale, je ne pouvais que me considérer comme une sorte de militante des prisons. »
Humanité, rejet de l’injustice, mais aussi sens d’une mission sociale éclairent ainsi bon nombre de vocations : « J’ai toujours voulu participer à la paix sociale, au rétablissement de chacun dans son bon droit. (...) Étant entendu que l’on ne juge pas les gens, jamais. Seulement leurs actes, au regard de la loi », confie Françoise Kamara, conseillère à la Cour de cassation et présidente de la Commission des clauses abusives. Pour Carola Arrighi de Casanova, substitut général près de la cour d’appel de Paris, la justice ne doit jamais perdre de vue l’humain : « Je n’aime pas le droit désincarné, j’aime quand le droit sert à quelque chose concrètement, immédiatement. J’aime les personnes (...) »
Tous les chemins mènent à la justice
Mais réduire les motivations féminines à des valeurs humanistes serait une erreur : beaucoup sont tout simplement passionnées par leur travail au quotidien et la jubilation de l’enjeu juridique. « J’aime la part de création qu’offre ce métier. Construire un dossier, c’est élaborer un raisonnement juridique, jouer avec les textes… » raconte Aliénor Kamara-Cavarroc, avocate au barreau de Paris.
Vocation assumée, vocation irrésistible, mais parfois vocation tardive... Parmi tous ces parcours, plusieurs ont pris des chemins de traverse avant de bifurquer vers le droit. L’une rêvait d’être archéologue, une seconde a d’abord fait des études de philosophie, une troisième a fondé une société de production de disques. Quant à Simone Veil, si le droit a toujours été son moteur, elle visait d’abord une carrière d’avocate avant de s’orienter vers la magistrature, puis la politique.
Loin de l’image d’un monde judiciaire et juridique fermé sur lui-même, ces deux ouvrages édités par LexisNexis nous donnent à voir des femmes de droit au cœur de la société, nous rendant la justice plus proche, plus humaine... plus féminine ?
En savoir plus sur ces ouvrages :
Femmes & Justice
Simone Veil, un héritage humaniste