La réalisation de travaux par un copropriétaire : la nécessité d’une autorisation préalable de l’assemblée générale.

Par Joan Dray, Avocat.

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Explorer : # autorisation préalable # travaux copropriété # assemblée générale # sanctions travaux

Lorsqu’un copropriétaire souhaite faire des travaux affectant « les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble », l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 précise que ces travaux ne peuvent pas être librement entrepris par le copropriétaire.

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Les travaux doivent obligatoirement faire l’objet d’une autorisation préalable de l’assemblée générale. Cela permet de vérifier que les travaux sont bien conformes à la destination de l’immeuble et ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires (I). La procédure d’autorisation est spécifique (II).

I/ La nécessaire autorisation préalable de l’assemblée générale.

1) Le principe d’une autorisation préalable de l’assemblée générale.

Seuls les copropriétaires peuvent demander à l’assemblée générale l’autorisation de réaliser les travaux ; ce qui exclu les locataires.

La Cour de cassation réaffirme régulièrement cette exclusion des locataires en considérant qu’il n’existe aucun lien de droit entre le syndicat de copropriété et les locataires.

L’assemblée générale doit donner son autorisation avant toute réalisation de travaux.

L’article 25 de la loi de 1965 est d’ordre public et les parties ne peuvent pas y déroger.

L’autorisation ne peut être accordée que par une décision expresse de l’assemblée générale ; toute autre forme d’agrément serait dépourvue d’effet.

Seule l’assemblée générale est compétente pour donner son autorisation.

Il a été jugé qu’une autorisation du syndic n’était pas valable.

De même, il a été décidé qu’une autorisation administrative telle qu’un permis de construire ne permet pas de se soustraire à l’obligation d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale.

En principe, l’autorisation de l’assemblée générale doit être obtenue avant la demande du permis de construire (Cour d’Appel de Paris, 3 février 1986).

2) L’exception à cette autorisation préalable.

La jurisprudence pose une exception à la nécessité d’obtenir une autorisation préalable de l’assemblée générale.

En effet, les juges admettent que l’irrégularité de travaux engagés sans l’autorisation préalable peut toutefois disparaître du fait de la ratification ultérieure de ces travaux par l’assemblée générale (Cass. 3e civ., 18 mai – Cour d’Appel de Paris, 20 juin 2001).

La Cour de cassation a estimé que le refus de l’assemblée générale de faire sanctionner l’irrégularité des travaux équivalait à une ratification (Cass. 3e civ., 19 nov. 1997 : JurisData n° 1997-004761 - CA Aix-en-Provence, 10 nov. 1998).

Si l’assemblée générale peut, par une autorisation donnée a posteriori, ratifier des travaux exécutés irrégulièrement, c’est à la condition que cette autorisation soit délivrée à la majorité requise par la loi ; à défaut, la décision prise par l’assemblée serait nulle (Cass. 3e civ., 20 mars 2002 : JCP N 2002, p. 1696).

Il arrive que le règlement de copropriété autorise à l’avance l’exécution de travaux pouvant affecter les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.

Cependant, la jurisprudence estime que de telles clauses sont nulles.

3) Sanction du non respect de cette autorisation préalable.

Tous travaux entrepris sans l’autorisation de l’assemblée générale sont irréguliers.

Le copropriétaire pourra être condamné à rétablir les lieux en leur état antérieur, même si les travaux ont été exécutés pour rendre l’immeuble conforme au règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 2 mars 2005 : JurisData n° 2005-027250).

Le syndicat des copropriétaires peut demander la démolition des travaux qui ont été exécutés sans avoir à rapporter la preuve d’un préjudice (Cour d’Appel de Paris, 23e ch., 19 nov. 1993 : JurisData n° 1993-023889).

Cependant, il peut renoncer à exiger la remise en état en échange d’une contrepartie financière ou d’aménagements de travaux permettant de faire disparaître les nuisances inhérentes au projet initial (Cour d’Appel de Paris, 19 nov. 1997 : JurisData n° 1997-024034).

Le juge des référés est compétent pour condamner le copropriétaire d’un lot et, le cas échéant, son locataire, à effectuer les travaux de démolition des ouvrages affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, exécutés sans autorisation (Cass. 3e civ., 21 février – Cour d’Appel de Paris, 19 mars et 11 septembre 2008 : JurisData n° 2008-368903 et n° 2008-370579).

Le syndicat de copropriété représenté par un syndic ou un des copropriétaires a compétence à agir en justice afin de faire cesser les atteintes aux parties communes ou à l’aspect extérieur de l’immeuble et d’obtenir la réparation du préjudice éventuellement subi.

Le délai pour agir est de 10 ans à compter de la date d’exécution des travaux entrepris irrégulièrement (article 42 alinéa 1 de la loi de 1965).

II/ Procédure d’autorisation des travaux

1) L’assemblée générale

Les travaux doivent être prévus à l’ordre du jour de l’assemblée.

Ce dernier doit mentionner avec précision la demande d’autorisation dont elle est saisie, et comporter le projet de résolution qui sera soumis au vote.

La délibération doit intervenir sur le projet de résolution et porter sur les travaux prévus dans l’ordre du jour.

Il suffit de notifier à chaque copropriétaire un projet de résolution énonçant avec précision la nature et les caractéristiques des travaux projetés.

C’est au demandeur qu’il incombe de produire les plans et documents nécessaires pour permettre à l’assemblée générale de se prononcer en connaissance de cause sur le projet soumis à son autorisation (Cour d’Appel de Paris, 7 novembre 1997).

Pour prendre sa décision, l’assemblée générale doit vérifier que les travaux envisagés répondent aux conditions suivantes :

- ne pas compromettre la stabilité de l’immeuble ni la sécurité de ses occupants ;

- être conformes à la destination de l’immeuble telle qu’elle résulte des actes instituant de la copropriété, notamment de son règlement ;

- ne pas porter atteinte aux droits des copropriétaires sur leurs lots.

Le pouvoir de l’assemblée générale n’est pas discrétionnaire : si les conditions sont remplies elle ne peut pas refuser l’autorisation.

2) Les règles de majorité

L’article 25, b, de la loi prévoit que l’autorisation de travaux « affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble » doit, pour être accordée, recueillir la majorité des voix de tous les copropriétaires c’est-à-dire la majorité absolue.

Si la majorité requise n’a pas pu être obtenue, la même assemblée générale a la possibilité de procéder immédiatement à un second vote à la majorité simple de l’article 24 de la loi, à condition que le projet ait réuni lors du premier vote au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat.

A défaut, une nouvelle assemblée doit être convoquée dans le délai maximal de trois mois et statuer à la majorité de l’article 24 (Loi n° 65-557, 10 juillet 1965, article 25-1).

Lorsque les travaux n’ont pas pour seules conséquences d’affecter « les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble  » mais aboutissent matériellement à une véritable et définitive appropriation d’une partie commune ou s’avèrent contraires aux prescriptions du règlement de copropriété, la double majorité de l’article 26 est applicable.

Il en est de même lorsqu’il s’agit d’une construction nouvelle.

Enfin, si les travaux ne sont pas conformes à la destination de l’immeuble ou portent atteinte aux droits des autres copropriétaires, l’assemblée générale ne peut valablement les approuver qu’à la faveur d’une décision adoptée à l’unanimité (Cass. 3e civ., 13 septembre 2005).

3) Décision de l’assemblée générale

L’assemblée générale peut décider :

- de refuser d’autoriser la réalisation de travaux

- d’autoriser la réalisation de travaux : le copropriétaire bénéficie alors, en principe, d’un droit acquis qui ne peut pas être remis en cause par une décision ultérieure sauf si un fait nouveau est survenu ou a été découvert

- d’autoriser la réalisation de travaux à certaines conditions préalables : la décision d’autorisation est suspendue jusqu’à que ces conditions soient remplies.

Si vous souhaitez contester le refus consulter l’article suivant sur les pouvoirs d’un copropriétaire pour contester le refus de réaliser des travaux opposé par l’assemblée générale.

Joan Dray Avocat
joanadray chez gmail.com

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Discussions en cours :

  • J’aimerai savoir si le pétitionnaire (Maître d’Œuvre) a le droit de demander l’annulation de sa demande préalable faite en mairie sans l’autorisation des copropriétaires.
    Faut il que l’annulation soit approuvée en assemblée générale avant le dépôt en mairie ?
    Faut il également que la nouvelle demande soit approuvée en assemblée générale avant dépôt en mairie ?

    • par Grégoire , Le 27 octobre 2020 à 08:39

      Bonjour, j’ai demandé à l’assemblée générale, l’autorisation pour faire une porte dans la cour de l’immeuble, celle-ci a été accepté À l’unanimité c’était en 2005 2006.
      Aujourd’hui je ne retrouve plus le compte rendu de cette assemblée générale qui me prouve que j’avais bien l’autorisation pour faire les travaux. Comment puis-je faire pour récupérer un double de ce compte rendu ? Je veux vendre l’appartement mais le notaire me dit qu’il faut ce papier !

  • par Swann MOULIN , Le 29 juillet 2020 à 16:57

    Bonjour,

    Nous sommes dans une copropriété de 3 lots, nous avons un voisin qui vend à des personnes qui souhaitent construire sur le terrain qu’ils sont en train d’acheter. Nous voudrions savoir à partir de quand leur permis de construire doit être présenté à la copropriété et soumis aux votes svp ? Est-ce quand le permis de construire est validé par la mairie et l’urbanisme, ou avant ?

    Merci d’avance pour votre réponse.

  • S’il n’y a pas eu de demande de permis de construire ni autorisation par A.G de la copropriété, l’architecte mandaté pour exécuter les travaux sur des murs porteurs DOIT IL vérifier si toutes les autorisations préalables ont été obtenues. Merci de me donner les références des textes s’ils existent

    • par Marmonier , Le 14 juillet 2020 à 12:23

      Bonjour Maitre
      Un copropriétaire à reçu l’autorisation du syndicat lors de L’ AG du 19 avril 2019 (art 25 ), de construire une piscine sur le toit- terrasses de notre immeuble, soit sur une partie commune à usage privatif. Cette résolution votée est en contradiction avec le règlement de copropriété, ( rappelé par le promoteur de l’immeuble, par affichage hall immeuble) DTU étanchéité 90kg/m2 , pour l’étanchéité du toit plat de l’immeuble. Nous sommes 4 copropriétaires ayant votées contre . Le projet est important bassin en inox, L 6m /l 2m/H1,10 ? environ, et système flux d’eau pour nage à contre -courant).
      Permis instruit par la métropole et retourné à la mairie de la commune concernée.
      Le projet initial était très peu documenté. En raison du Covid 19+ élections municipales du 28 juin, changement de Maire, je n’ai pas pu avoir le permis de construire à ce jour.
      1.Pouvons-nous avoir un recours encore contre le permis ? délivré le 3/12/ ACR le 10/1/2020
      2. Nous n’avons pas eu l’ AG de 2020, durant laquelle je voulais demander beaucoup de précisions aux bénéficiaires, j’avais demandé en 2019 une réunion informelle au conseil syndical dont les bénéficiaires sont membres, ceci m’a été refusé par le Président.
      Que pouvons-nous faire actuellement ? Merci de votre attention.

  • par libs , Le 8 octobre 2019 à 15:41

    un copropriétaire a fait un branchement sur le compteur électrique des communs, nous avons fait constater cela par huissier en 2019 et par l’électricien en 2018
    ce dernier affirme qu’il y a prescription car il l’aurait installer en 2004- quand les travaux sans autorisation touchent les parties communes le délai n’est il pas de 30 ans .
    2004 est une affirmation de sa part, mais non une certitude personne ne peut dire le contraire.
    le syndicat l’a assigné devant le tribunal après mise en demeure, et lors de l ag il a mis au vote , que le syndicat doit abandonner les poursuites a son encontre : vote qui lui a sourit puisque une amie lui a accordé 4000 tantièmes. Le syndic est sidéré . je vais contester cette résolution puisque elle crée un tort aux autres copropriétaires et assigné le syndicat pour non respect du RGLT Le syndic qui représente le syndicat qui est en accord avec les personnes ayant voté contre, est -il dans l’obligation de présenter avocat pour défendre le syndicat qui a tort .
    merci pour votre réponse

  • Bonjour qui se passe t il si des travaux ont été réalisé sans accord puis revendu par la suite ? Le futur propriétaire est-il responsable ?
    Merci

    • par Prune , Le 27 septembre 2018 à 11:10

      bonjour, j’ai un problème identique sur un de mes biens. Le copropriétaire a agrandi sans mon autorisation. L’expert venu constaté ce matin m’a dit que s’il vend le notaire est obligé d’informer l’acheteur de ce problème car bien sûr l’acheteur sera responsable si je fais un recours.

    • bonjour,
      je suis en cours d’acquisition(dans un immeuble)de 2 lots de 2 pièces transformés en un 4 pièces par ouvertures dans les murs porteurs dont une porte , et ce, depuis plus de 10 ans et sans autorisation du syndic. Y a t’il prescription pour la demande de remise en état des 2 lots au vendeur ? Les lots en question sont au 3ème et dernier étage. Y a t’il un risque, si se présentent des fissures dans les murs et plafonds inférieurs, que je sois responsable des dégâts ?
      Merci

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