Réflexion sur la limitation des mandats et la succession dans la nouvelle constitution Gabonaise. Par Ange Cyrille Bado, Juriste.

Réflexion sur la limitation des mandats et la succession dans la nouvelle constitution Gabonaise.

Par Ange Cyrille Bado, Juriste.

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L'article traite de la limitation des mandats présidentiels et des risques d'un troisième mandat en Afrique, en prenant le Gabon comme exemple. Il souligne les dangers des contournements juridiques et critique une disposition interdisant aux conjoints et descendants du Président sortant de se présenter, jugée contrariante aux droits fondamentaux.
Description rédigée par l'IA du Village

Examinée en Conseil des ministres le jeudi 17 octobre 2024, puis présentée à l’opinion publique nationale le 21 octobre, la nouvelle constitution gabonaise a été plébiscitée à 91,8% par referendum le 16 novembre 2024. Promulguée le 19 décembre 2024 par le Président de la Transition, le Général Oligui Nguema, elle acte officiellement le passage du Gabon à une seconde République. Toutefois, la nouvelle Constitution contient des innovations majeures non moins contradictoires, pouvant s’avérer problématiques à long terme. Il s’agit tant de la limitation du nombre de mandats présidentiels que des conditions de succession du Chef d’Etat sortant. Ces dispositions méritent une attention particulière car elles pourraient être sources de tensions et constituer à bien des égards, une violation de certains droits fondamentaux, en l’occurrence : l’égalité des citoyens et le droit d’être éligible.

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I- Sur la limitation des mandats présidentiels.

L’article 42-1 de l’avant-projet dispose que « le président de la République est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois ». En son alinéa 2, il prévoit que « nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs, quelles que soient les éventuelles révisions de la constitution ».

Nul besoin d’épiloguer sur la question de la limitation des mandats présidentiels en Afrique subsaharienne, tant elle constitue le terreau fertile de plusieurs crises politico-militaires. L’on se rappelle en 2015 que la crise politico-militaire au Burundi ayant débouché sur une tentative de Coup d’Etat, n’est intervenue qu’à la suite de la volonté de l’ex-président Nkurunziza de briguer un troisième mandat alors que la Constitution Burundaise limite à deux, le nombre de mandat présidentiel. Au Burkina Faso en 2014, la volonté du Président d’alors, Blaise Compaore de faire sauter le verrou constitutionnel de la limitation des mandats pour en briguer un énième, avait engendré sur une crise politico-sociale ayant conduit à la chute de son régime, vieux de 27 ans. En 2020 en Côte d’Ivoire, le troisième mandat du Président Alassane Ouattara en violation de la constitution de 2016 avait occasionné une crise socio-politique ayant fait de nombreuses victimes civiles.

Pour revenir au Gabon, si dans l’esprit des rédacteurs de cette nouvelle constitution, le but visé à l’alinéa 2 de l’article 42 est d’empêcher tout troisième mandat, il va sans dire qu’il n’en règle pas moins le problème. Car des subterfuges en la matière sont légion. Loin de vouloir jouer les cassandres, cet article ouvre la voie à un troisième mandat et ce, de façon discontinue à l’instar du scénario Russe bien incarné par le duo Poutine-Medvedev. En effet, le Président Poutine, ayant effectué ses deux mandats constitutionnels, avait fait élire son Premier ministre Medvedev avant de revenir cinq années plus tard au pouvoir. Il va de soi que ce cas de figure n’est pas celui voulu par le peuple gabonais.

Par conséquent, il aurait été judicieux afin de lever tout équivoque, de prohiber tout troisième mandat quel qu’en soit la constitution. D’autant plus que la question du troisième mandat cristallise les tensions et semble être rejeté tant par l’opinion publique gabonaise qu’au sein des masses populaires africaines. Ce rejet peut s’expliquer par le désir d’une alternance politique au plus haut sommet de l’Etat et de renouvellement de la classe politique africaine. Car on le sait, les politiques ne manquent pas d’ingénierie juridique, ne reposant le plus souvent sur aucun fondement juridique, jurisprudentiel ou encore doctrinal, lorsqu’il s’agit de se maintenir au pouvoir.

Effectivement il est de coutume aujourd’hui pour nombre de Présidents africains de faire adopter une nouvelle Constitution, soit en début de leur second mandat, soit un an avant l’échéance de celui-ci, qui, selon eux, remet à zéro le compteur des mandats. Ce subterfuge a été utilisé en Guinée et en Côte d’Ivoire par les Présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara en 2020 excipant d’une remise à zéro des compteurs des mandats présidentiels en raison du passage à une nouvelle République, alors que cela n’est étayé par aucune jurisprudence constitutionnelle.

D’ailleurs en matière de contentieux constitutionnel relatif à l’interprétation de la Constitution, il est important de préciser que l’esprit de la Constitution prévaut toujours sur sa lettre. Il a également été utilisé par le Président Togolais Gnassingbe en 2024, avec à la clé, un changement de régime constitutionnel. Le même stratagème pourrait être utilisé par l’actuel Président Centrafricain Touadera, qui a fait adopter une nouvelle Constitution en aout 2023. Laquelle supprime la limitation des mandats présidentiels, alors que son second mandat arrive bientôt à son terme. Il lui est donc loisible de se représenter à la prochaine présidentielle et sans doute qu’il la remportera, compte tenu de l’embastillement et la mise en coupe réglée des institutions. En République Démocratique du Congo, le Président Tshisekedi, dès l’entame de son second mandat, a introduit un projet d’adoption d’une nouvelle constitution. Certains observateurs politiques bien avisés y voient une volonté de briguer un troisième mandat. Mais avec la résurgence de la guerre à l’Est du pays, notamment dans les régions du Nord et Sud Kivu, ce projet semble ne plus être d’actualité.

Bien que le risque d’un troisième mandat ne soit pas perceptible dans l’immédiat au Gabon, il faut tout de même tirer la sonnette d’alarme. En effet, l’actuel Chef de la transition, le Général Président Oligui Nguema, qui avait clairement affiché son intention de ne pas se présenter à l’élection présidentielle du 12 avril 2025, vient de se dédire le 03 mars en annonçant solennellement sa candidature. Par expérience et au regard de l’histoire politique africaine, il remportera cette élection haut la main avec un score écrasant, comme l’a fait l’actuel Président du Tchad, le désormais Maréchal Mahamat Deby. Surtout que ces discours sont on ne peut plus clairs sur le sujet. Ainsi, lors d’une interview accordée à la télé gabonaise, il affirmait ne pas avoir d’adversaires à cette élection. Ce faisant, une fois réélu, il pourrait trouver des défauts à la constitution qu’il aura fait adopter et en proposera une nouvelle. Cela lui servira de prétexte à se présenter à un troisième mandat, en s’appuyant sur la même antienne d’une prétendue remise à zéro des compteurs utilisés par certains de ses pairs. Ce fut l’argument utilisé par le Président ivoirien Ouattara qui n’hésitait pas à qualifier sa mandature de Premier mandat de la troisième République. Quelle hérésie juridique.

II- Sur la question de la succession du président sortant après avoir effectué ses deux mandats constitutionnels.

A ce propos, l’article 43-3 interdit aux conjoints et descendants du Chef de l’Etat sortant de pouvoir se porter candidat à sa succession. En effet, cette disposition constitutionnelle viole allègrement les droits fondamentaux des citoyens gabonais ; ceux d’être électeurs et éligibles. Et ce, fussent-ils conjoints et/ou descendants du Président sortant.

Ainsi, l’article 43-3 est non seulement contraire à l’article 1 de la constitution gabonaise qui prévoit l’égalité de tous les citoyens devant la loi mais aussi, à celles de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme auxquels la nouvelle Constitution gabonaise réaffirme solennellement son attachement. Il est loisible d’en déduire qu’une telle mesure viserait à éviter l’installation d’une dynastie à la tête de l’Etat, comme ce fut le cas avec la famille Bongo. Cependant, l’épineux problème est ailleurs. En effet, il serait de bon aloi de veiller plutôt à la transparence, à la régularité et à la sincérité du scrutin présidentiel ; ce qui empêcherait toute fraude, même si le candidat est un descendant ou conjoint du président sortant.

Si dans de nombreux pays africains, les successeurs des présidents sortants n’ont pas été élus ainsi que des présidents candidats à leur propre succession battus, comme ce fut notamment l’exemple d’Abdoulaye BA au Sénégal successeur de Macky Sall, de Georges Weah au Liberia et récemment au Ghana, avec la défaite du candidat du Parti du président sortant. Il va de soi que cela a été rendu possible grâce à la transparence et à la sincérité des scrutins. Corolaire d’un fichier national électoral à jour et consensuel et surtout, d’une Commission électorale réellement indépendante. Donc débarrassée de toute suspicion de partialité. C’est ce qu’il convient de faire en lieu et place d’interdire aux conjoints et descendants du président sortant de se porter candidat à sa succession.

Dès lors, les constitutions doivent résoudre ou appréhender de façon holistique les éléments susceptibles de créer des conflits. C’est une lapalissade de dire que tout processus électoral biaisé en amont débouchera nécessairement sur une crise post-électorale. C’est une loi d’airain en la matière.

Ange Cyrille Bado
Juriste de droit public-politologue
Doctorant en droit international pénal

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