Le permis de construire dans la loi gabonaise du 8 juin 1981.

Par Sylvain Obame, Avocat.

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Explorer : # permis de construire # urbanisme # réglementation # sanctions

Au Gabon, le commun des mortels ignore que pour construire dans un périmètre urbain, il faut préalablement avoir obtenu un permis de construire. Les constructions anarchiques qui sont légion dans les villes en sont illustratives. Mais au risque de surprendre, le permis de construire a été institué au Gabon par la loi n°3/81 du 8 juin 1981 fixant le cadre de la réglementation d’urbanisme. Tel est l’objet du présent article, qui se veut pédagogique.

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I. Généralités.

Au Gabon, le commun des mortels ignore que pour construire dans un périmètre urbain, il faut préalablement avoir obtenu un permis de construire. Les constructions anarchiques qui sont légion dans les villes en sont illustratives.

Mais au risque de surprendre, le permis de construire a été institué au Gabon par la loi N° 3/81 du 8 juin 1981 fixant le cadre de la réglementation d’urbanisme, en son chapitre 2, article 28, lequel dispose que :

« Toute personne physique ou morale qui désire entreprendre ou implanter une ou plusieurs constructions dans un périmètre urbain doit, au préalable, obtenir un permis de construire.
Le permis de construire est également exigé pour les clôtures, les modifications extérieures apportées aux constructions existantes, les reprises de gros œuvre et les surélévations ainsi que pour tous travaux entraînant modifications de la distribution intérieure des bâtiments
 ».

Le décret n° 80/PR/MHUL du 2 février 1989, pris en application de la loi n° 3/81 du 8 Juin 1981 fixant le cadre de la réglementation d’urbanisme, définit les formes et délais de délivrance du permis de construire.

On entend par construction, pour l’application du présent décret, tout bâtiment fixé au sol avec ou sans fondations (article 3).

Ce permis de construire n’était toutefois pas généralisé.

En effet, le permis de construire dans la loi du 8 juin 1981 n’était obligatoire qu’à l’intérieur d’un périmètre délimité par le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) dans les agglomérations qui en étaient pourvues, ou constitué sur la base d’un rayon de 10 km dans les autres agglomérations.

Quelle autorité délivrait le permis de construire aux termes de cette loi ?

La réponse se trouve dans son article 29, aux termes duquel, nous pouvons lire que

« Le permis de construire est délivré au nom de l’Etat par le maire, le préfet, le gouverneur ou encore par le ministre de l’habitat et de l’urbanisme dans les formes, conditions et délais déterminés par décret ».

Dire que le permis de construire est délivré au nom de l’Etat par le maire et ainsi de suite, signifie tout simplement qu’au Gabon, le permis de construire est exclusivement délivré par l’Etat.

Pour être plus précis, le permis de construire est délivré au nom de l’Etat par le maire dans les communes [1].

En dehors des communes, la décision est de la compétence du gouverneur.

Le préfet n’est habilité à délivrer le permis de construire que sur délégation expresse du gouverneur accordée par arrêté.

Le ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme est seul compétent pour délivrer le permis de construire lorsqu’il s’agit :

  • De constructions à usage industriel, agricole ou commercial dont la superficie de planchers hors-œuvre ou développée est égale ou supérieure à deux mille mètres carrés
  • D’immeubles de grande hauteur
  • De programmes de construction de plus de vingt logements.

Le permis de construire était-il délivré automatiquement ?

La réponse est un non catégorique. Sa délivrance était conditionnée.

En effet, l’article 30 prévoit que

« Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l’implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l’aménagement de leurs abords, leur accessibilité et si le demandeur s’engage à respecter les règles générales de la construction ».

Le permis de construire doit donc être refusé si le projet viole les règles de prospect (implantation par rapport aux voies publiques, aux limites latérales et de fond de parcelle), son insertion dans son environnement et l’accès à la parcelle (voie carrossable).

Mais force est de constater que la majorité des projets ont été réalisés sans que les pétitionnaires ou les bénéficiaires aient préalablement obtenu un permis de construire.

Le Gabon « paie cache » aujourd’hui ce manque de contrôle de l’urbanisation :

  • Les propriétaires ne prévoient pas les modalités d’évacuation des eaux usées et de pluie, les eaux ne sont pas souvent infiltrées dans la parcelle
  • Le pourcentage d’espace vert de pleine terre est rarement une préoccupation. Nous avons noté que les parcelles sont souvent totalement bétonnées, ce qui empêche une infiltration des eaux dans le sol et crée des inondations
  • Le coefficient d’emprise au sol n’est pas davantage respecté
  • L’aspect extérieur des constructions n’est pas en harmonie avec celles avoisinantes
  • Les parcelles sont souvent enclavées, et sans eau ni électricité.

Cette loi qui était destinée à permettre un développement harmonieux et rationnel des agglomérations et d’assurer la sécurité et le bien être des habitants, a été dévoyée.

L’anarchie est totale.

L’urbanisation n’est pas maitrisée, et cela engendre des bidons-villes qui enlaidissent le paysage urbain et font de plusieurs villes gabonaises, des petits-villages.

Le non-respect de cette loi était pourtant assorti de sanctions.

En effet, son article 31 dispose que

« Tout propriétaire, entrepreneur ou architecte, ou toute autre personne physique ou morale ayant contrevenu aux dispositions de la présente loi, sera puni d’une amende de 10 000 francs à 5 000 000 de francs, selon un barème établi par arrêté du ministre de l’habitat et de l’urbanisme ».

Outre l’amende prévue à l’article 31 ci-dessus,

« le délinquant peut être condamné à des peines d’emprisonnement allant de 6 mois à 5 ans et d’une amende dont le montant est le double de celle encourue initialement.
La décision judiciaire s’accompagne de l’une ou de plusieurs des mesures ci-après :

  • Impossibilité d’obtenir le titre foncier ou de grever l’immeuble d’une sûreté réelle
  • Saisie et vente aux enchères des matériaux existant sur le chantier
  • Démolition des constructions par l’administration aux frais du propriétaire, de l’entrepreneur ou de l’architecte » [2].

Le ministre de l’Habitat et de l’urbanisme ou, sur sa délégation, le gouverneur le préfet ou le maire peut ordonner l’arrêt immédiat des travaux ou leur démolition par le propriétaire, l’entrepreneur ou l’architecte, en cas d’infraction constatée.

La loi allait même plus loin, puisque les constructions édifiées et les travaux réalisés en violation des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application n’ouvrent pas droit à une indemnisation en cas de déguerpissement, d’expropriation ou de démolition.

L’on serait toutefois dans l’incapacité d’évaluer le nombre de sanctions qui ont été prononcées, aucune littérature n’existant à ma connaissance sur cet aspect.

Sur un tout autre aspect, la loi N° 3/81 du 8 juin 1981 fixant le cadre de la réglementation d’urbanisme n’a pas seulement créé le permis de construire, mais également les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) et les plans d’occupation des sol (POS).

En effet, l’article 5 de cette loi dispose :

« Il existe deux types complémentaires de documents de planification urbaine :

  • Les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme
  • Les plans d’occupation des sols ».

Le permis de lotir existe également depuis cette même loi, qui aux termes de son article 26, alinéa 1, dispose que :

« La création et le développement de lotissements en vue de la construction d’immeubles destinés à l’habitation, au commerce, à l’artisanat ou à l’industrie ainsi qu’à leurs annexes sont subordonnés à l’octroi d’un permis de lotir délivré par le ministre de l’habitat et de l’urbanisme ».

Nous reviendrons dans un article ultérieur sur ces documents.

II. Les formes et les délais de délivrance du permis de construire aux termes du décret du 2 février 1989.

La demande de permis de construire n’est recevable qu’aux conditions suivantes, outre celles visant au respect de la réglementation, comme évoqué en amont.

1. La détention d’un titre habilitant à occuper le terrain.

En effet, aux termes de ce décret, en son article 4, Toute personne physique ou morale qui introduit une demande de permis de construire doit justifier d’un titre non périmé l’habilitant à occuper le terrain sur lequel les travaux doivent être entrepris.

2. Le dépôt d’un dossier complet.

Le dossier du permis de construire, toujours selon ce décret, comprend :

  • Une demande indiquant l’identité du demandeur et revêtue d’un timbre municipal pour les communes ou d’un timbre fiscal pour les autres agglomérations
  • Un titre d’occupation du terrain, en cours de validité
  • Le plan de situation du terrain, comportant l’orientation et les voies de desserte, établi à l’échelle comprise entre 1/2 000e et 1/5 000e
  • Le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier, côté dans les trois dimensions établi à l’échelle de 1/500e à 1/100e et comportant l’orientation, l’implantation, la composition et l’organisation des constructions ainsi que l’expression de leur volume
  • Les vues en plan, les façades, les coupes et les plans de toiture à l’échelle de 1/100e ou 1/50e
  • Les plans de détails à l’échelle de 1/20e
  • Le plan d’assainissement à l’échelle de 1/500e à 1/100e
  • Le tableau des surfaces constructibles
  • Le devis descriptif sommaire de l’ouvrage, précisant la nature des travaux et des matériaux à utiliser ainsi que la destination de la construction projetée
  • Deux enveloppes timbrées à l’adresse du demandeur.

Qui instruisait cette demande ?

La demande de permis de construire était instruite dans chaque circonscription administrative par une commission dite commission permanente du permis de construire, dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme.

La même commission instruisait également les demandes de dérogation aux prescriptions des règlements d’urbanisme et aux régies générales de construction.

L’Ordonnance N°6/2012 du 13 février 2012 fixant les règles générales relatives à l’urbanisme en République gabonaise, ratifiée par la loi n°7/2012 du 13 août 2012 tranche avec la loi du 8 juin 1981.

Quel était le délai d’instruction et à partir de quelle date courait-il ?

Le délai d’instruction de la demande de permis de construire était de deux mois.

Ce délai est porté à trois mois, si la demande concerne la construction de plus de vingt logements ou l’édification de bâtiments dont la superficie de planchers au sol ou développée hors-œuvre est égale ou supérieure à deux mille mètres carrés.

Le délai d’instruction est fixé à cinq mois lorsque le projet nécessite une enquête foncière préalable sur les lieux d’implantation de la ou des constructions.

Le délai d’instruction de deux mois ne courrait qu’à compter de la date de réception d’un dossier complet par l’administration compétente.

Si le dossier est incomplet, l’administration invite le demandeur à fournir les pièces complémentaires dans les quinze jours de la réception de la demande.

Le délai d’instruction court à compter du jour de la réception de ces pièces.

La commission permanente recueille les avis des administrations concernées par le projet, lesquelles sont tenues de se prononcer dans le délai d’un mois à compter du jour où elles ont été consultées.

A l’expiration de ce délai, il est passé outre à leur avis.

Le silence des administrations compétentes à l’expiration des délais mentionnés ci-dessus équivaut à l’octroi tacite du permis de construire sollicité.

Sous quelle forme le permis de construire peut-il être délivré ?

Le permis de construire est délivré sous forme d’arrêté.

Le titre doit être adressé au demandeur par lettre recommandée avec accusé de réception, ou remis directement à l’intéressé contre décharge.

Les décisions de refus, dûment motivées sont notifiées dans les mêmes conditions.

Devant quelle autorité pouvait-on contester la délivrance ou le refus de permis de construire ?

La décision de refus ou de délivrance de permis de construire peut être contestée par toute personne intéressée devant le ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme, sous réserve d’établir l’existence du droit en cause ainsi que la nature du grief invoqué.
Il faut donc démontrer un intérêt à agir.

Le ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme fait connaître sa décision dans un délai de quatre mois.

Le permis de construire délivré doit être rendu public.

En effet, dès le début des travaux, l’arrêté portant délivrance du permis de construire fait l’objet d’un affichage sur le terrain par son bénéficiaire de manière visible de l’extérieur, à la mairie pour les communes et à la préfecture pour les autres agglomérations.

Le non-respect de l’obligation d’affichage sur le terrain est puni d’une amende de police de 2 000 à 24 000 francs CFA.

Le permis de construire est-il valable indéfiniment ?

Non. Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de sa date de signature. Il peut être prorogé une seule fois et pour un an, à la demande de son bénéficiaire formulée deux mois avant l’expiration du délai de validité.

Cette prorogation peut être refusée si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives affectant le projet de construction ont évolué de façon défavorable.

Sylvain Obame
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en Droit Public

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Notes de l'article:

[1Article 20 du décret précité.

[2Article 34.

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Discussion en cours :

  • par NGOUA Dhalins , Le 28 décembre 2023 à 12:31

    L’article est très aspirant et instructif j’ai vraiment beaucoup appris, merci grand frère

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