Le dépôt de la déclaration prévue à l'article 34 (6) du protocole créant la Cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples, un impensé des autorités de la transition démocratique au Gabon. Par Yonnel Moubele, Doctorant.

Le dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole créant la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples, un impensé des autorités de la transition démocratique au Gabon.

Par Yonnel Moubele, Doctorant.

781 lectures 1re Parution: 1 commentaire 4.97  /5

Explorer : # droits de l'homme # gabon # transition démocratique # cour africaine

Ce que vous allez lire ici :

L'article aborde la question du dépôt de la déclaration prévue à l'article 34 (6) du protocole portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités gabonaises. Il souligne l'absence de ce sujet dans les discours et le programme d'action des nouvelles autorités, ce qui impacte l'accès à la justice et la consolidation de la démocratie au Gabon. Le dépôt de cette déclaration est donc présenté comme un souhait pour renforcer les droits des justiciables et consolider le respect des droits humains.
Description rédigée par l'IA du Village

Le droit au juge a intégré le champ des droits fondamentaux. Mais son exercice demeure encore dans certains mécanismes régionaux de protection des droits humains subordonné à l’accomplissement de certaines formalités étatiques. Depuis deux décennies que le Gabon a ratifié le protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, il n’a toujours pas satisfait à cette exigence. Il en résulte que l’exercice du droit d’accès au juge régional est limité pour le justiciable au Gabon. Le vent de transition démocratique qui souffle à nouveau dans le pays actuellement pourrait être une occasion du dépôt de cette déclaration par l’État gabonais via ses nouvelles autorités. Encore faudrait-il que ces dernières expriment cette volonté.

-


« L’institution judiciaire est et demeurera de tout temps un sujet d’hypocrisies nationale et internationale en ce sens que tout le monde déclare lui reconnaitre une mission sociale fondamentale, et s’ingénue à la priver de moyens de toute nature qui lui permettraient de s’assumer comme telle ».

La justice, outre le fait que ce soit une vertu ou un idéal philosophique, une fonction, un pouvoir, demeure avant tout un droit fondamental inhérent de la personne humaine. Ce droit ne peut être effectif que si les potentiels justiciables ont un accès au juge libéré de tout obstacle aussi bien juridique que non juridique. En adoptant et ratifiant le 20 février 1986 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte ADHP), le Gabon a pris l’engagement de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires afin de permettre que toute personne relevant de sa juridiction puisse avoir un accès aisé au juge. Si cet engagement semble partiellement effectif sur le plan national , il demeure pour autant limité sur le plan régional. En effet, plus de vingt (20) ans après que le Gabon eut ratifié le protocole relatif à la Charte ADHP portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour ADHP), les justiciables de cet État, victimes des violations de leurs droits fondamentaux, ne sont toujours pas autorisés à saisir directement la Cour ADHP pour défendre leur cause et ce, même après avoir épuisé les voies de recours internes.

Cette situation regrettable était devenue insupportable pour le citoyen ou le résident gabonais qui pouvait voir à chaque fois sa requête contre l’État gabonais, devant la Cour ADHP pour violation des droits fondamentaux, rejetée comme irrecevable pour ce motif. Toutefois, bien que les conceptions divergent sur la prise du pouvoir par les militaires gabonais le 30 août 2023, l’arrivée de ces derniers aux commandes de l’État peut être perçu pour notre part comme la fin de la politique du non-dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole menée depuis déjà vingt-quatre (24) ans par la République gabonaise. Cette observation est d’autant plus renforcée dès lors que les nouvelles autorités gabonaises réunies au sein du Comité de la transition et de la restauration des institutions (CTRI) se sont engagées sur la voie non seulement d’une restauration des institutions mais surtout d’une amplification de la démocratie et de l’État de droit au Gabon en promettant de faire adopter par référendum une nouvelle constitution et d’organiser des élections libres, sans préciser les échéances ni la durée de la transition.

Seulement, un peu plus de six mois après l’arrivée du CTRI aux commandes du Gabon, il semblerait que nos regains espoir et en particulier celui qui nous faisait croire du possible dépôt de la déclaration n’auraient pas gain de cause. Ce constat trouve son explication dans le fait que le sujet de ce dépôt demeure un impensé du débat politique, des discours des nouvelles autorités ainsi que du programme d’actions de celles-ci. Ce qui ne peut qu’être dommageable aussi bien pour les justiciables gabonais que pour la démocratie que les nouvelles autorités entendent pourtant restaurer au point que c’est devenu une antienne pour celles-ci à chaque prise de parole.

Tout espoir cependant pourrait semble-t-il encore survivre à l’aune où le pays s’apprête à organiser un dialogue national. Ce forum pourrait être le terreau de la résurgence de cette problématique essentielle que constitue le dépôt par l’État gabonais de ladite déclaration. Ces quelques lignes entendent non seulement contribuer à la réflexion sur les politiques des Etats africains notamment de l’État gabonais envers la Cour ADHP mais surtout exhorter les nouvelles autorités gabonaises de satisfaire à cette exigence relative au dépôt de cette déclaration.

Dès lors, dans quelle mesure le sujet portant sur le dépôt de cette déclaration demeure un impensé des nouvelles autorités ? Comment faire pour que ce sujet entre dans l’agenda des nouvelles autorités ? Et quels peuvent être les effets de l’entrée de ce sujet dans ledit agenda ?

De la réponse à ces différentes questions réside tout l’enjeu de cette contribution. On l’aura compris, le dépôt de déclaration désigne l’acte unilatéral par lequel un État accepte que les personnes privées qui sont sous sa juridiction saisissent directement la Cour ADHP en cas de litige entre lui et ces personnes sur les questions de droits humains et sous réserve du respect des conditions de recevabilité de requête prévues par la Charte ADHP.

Du point de vue théorique, l’hypothèse du dépôt de cette déclaration par les nouvelles autorités gabonaises donnera l’occasion à la Cour ADHP de préciser certaines notions et pratiques tant juridiques que judiciaires de droit gabonais et de juger de leur conformité ou de leur compatibilité avec le droit africain des droits de l’homme. En outre, par ce dépôt, la Cour ADHP pourra également se prononcer sur la conformité de la législation gabonaise notamment en matière électorale au même droit.

À l’échelle pratique, ce serait un apport considérable pour le justiciable et l’État de droit au Gabon, si ce dépôt est rendu effectif par les nouvelles autorités gabonaises. Le justiciable s’en trouverait partiellement épargné du formalisme auquel est soumis l’accès direct des personnes privées à la Cour ADHP. Quant à l’État de droit, il sera conforté par cette nouvelle voie d’accès au juge.

En tout état de cause, si le dépôt de la déclaration demeure bel et bien un sujet impensé (I), un souhait vers une réflexion du dépôt de cette déclaration ne peut qu’être suggéré (II).

I/ Le dépôt de la déclaration, un sujet réellement impensé des nouvelles autorités gabonaises.

Le dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole créant la Cour ADHP est une condition sine qua non que tout État ayant ratifié ledit protocole doit remplir pour que la Cour ADHP examine les requêtes directement déposées par les individus et les organisations non gouvernementales (ONG) devant son prétoire. Toutefois, deux décennies après que le Gabon ait ratifié le protocole créant la Cour ADHP , il n’a jamais satisfait à cette exigence. Si une lueur d’espoir semblait naitre concernant le dépôt de cette déclaration au regard de la transition démocratique en vigueur actuellement au Gabon. Celle-ci reste désormais incertaine en raison du fait que le sujet semble être oublié des nouvelles autorités gabonaises. En effet, cette affirmation pourrait s’expliquer entres autres par deux motifs. D’une part, en raison du fait que le sujet soit absent au sein des discours des nouvelles autorités et de la classe politique (A) et en raison d’autre part, de son absence du programme d’action (B) de ces nouvelles autorités.

A/ Un sujet absent des discours des nouvelles autorités et de la classe politique.

Le discours désigne le propos que l’on tient ou encore le développement oral effectué par une personne ou un groupe de personne. Depuis leur prise de pouvoir dans la nuit du 30 août 2023, les nouvelles autorités gabonaises, réunies au sein du CTRI ont fait le choix de faire état des actions qu’elles mènent ou entendent mener par le biais des communiqués qui sont lus par le porte-parole désigné par leurs soins. Il est en effet, possible d’inventorier aujourd’hui, près d’une quarantaine des communiqués depuis l’arrivée de ces autorités aux commandes du Gabon. Cependant, il n’en ressort d’aucun communiqué de ces autorités faisant état d’une possible ou éventuelle action en vue du dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole portant création de la Cour alors que l’espoir d’entendre une telle déclaration reste profond pour tout citoyen qui suit avec attention cette question. Ce qui ne peut qu’être une situation préoccupante pour celui-ci.

Cette préoccupation est d’autant plus grandissante au regard du silence de la classe politique gabonaise. En effet, depuis l’avènement du multipartisme au Gabon au sortir des années 1990, la vie politique gabonaise ou encore sa classe politique a toujours été bipolarisée entre les partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition. Bien que dès leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités ont entendu par la voix de leur leader mettre fin à ce cloisonnement de la classe politique, en raison des intérêts supérieurs de la nation qui exigent un syncrétisme des idées en période de transition.

Il était possible de penser toutefois que la nécessité du dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole portant création de la Cour devrait être mise en avant par cette classe politique d’autant plus que certains de ses membres ont été nommés à l’Assemblée nationale et au Sénat de la transition. Mais là également, les réactions allant dans ce sens sont introuvables. Il n’est possible que d’observer un inquiétant silence. Ce mutisme ne peut qu’être regrettable dès lors que la prise en compte du sujet du dépôt de cette déclaration par les nouvelles autorités gabonaises dans leur agenda ne peut que passer par une forte mobilisation de la classe politique autour de cette question qui demeure en outre absente du programme politique de ces nouvelles autorités.

B/ Un sujet manquant au sein du programme d’action des nouvelle autorités.

Le plan d’action pour des autorités publiques renvoie à l’ensemble des politiques publiques qu’elles entendent mener à court, moyen et à long terme. Il constitue un repère pour lesdites autorités ; un véritable outil d’évaluation des actions mises en place, en cours d’exécution et en gestation. En effet, conformément à l’article 43 de la Charte de la transition au Gabon, le Président de la transition a nommé un Premier ministre de transition. Après avoir reçu une feuille de route, le Premier ministre de la transition a été chargé de constituer un Gouvernement de transition afin de mener à bien les actions arrêtées durant cette période. Il en ressortait de cette feuille de route deux grandes actions à mettre en place notamment une envisageant la relance de l’économie et une autre prévoyant la mise en œuvre des réformes structurelles dans les secteurs clés comme la justice l’éducation ou la santé. Abstraction faite à tous les autres secteurs, dans celui portant sur le domaine de la justice, on aurait cru que la question du dépôt de la déclaration précitée a été posée. Toutefois, aucune information n’a été divulguée dans cette optique. Pas plus qu’une telle information n’aurait surgi lors de la première convention annuelle du système judiciaire gabonais organisée du 21 au 24 novembre 2023 alors que l’occasion, l’endroit, les débats pouvaient se prêter à cet exercice.

Par ailleurs, l’absence de ce sujet dans l’esprit des nouvelles autorités semble de nouveau se confirmer au sein du nouveau plan national de développement (PND) évalué à près de 4600 milliards de Fcfa que vient de publier en janvier 2024 le CTRI. Puisque ce nouveau programme reprend les actions des anciens plans d’actions en incluant quelques nouvelles variantes en l’occurrence sur le plan infrastructurel, institutionnel et social. En effet, il en ressort de ce nouveau PND que si les autorités entendent mettre l’action sur le développement des infrastructures routière et sociales ainsi que l’éclosion des PME-PMI gabonaises, la pensée du dépôt de la déclaration de l’article 34 (6) demeure introuvable. C’est ici, le lieu de rappeler que le développement économique et social n’est pas incompatible avec le respect des droits humains et en particulier du droit au juge.

Toutefois, l’absence du sujet du dépôt de cette déclaration au sein du programme des autorités de transition n’est pas moins surmontable. Il suffit d’une volonté et d’une réflexion des nouvelles autorités sur la question. Cette absence peut semble-t-il s’expliquer par le grand nombre des besoins primaires à dimension socio-économique exprimés par la majorité de la population gabonaise et qui auraient pour conséquence de saturer à eux seuls l’agenda desdites autorités. Vivement cependant, que les nouvelles autorités intègrent ce sujet dans leur programme au regard des apports multiformes que peut procurer le dépôt de cette déclaration par la République gabonaise au sein de celle-ci.

II/ Le dépôt de la déclaration, un souhait suggéré.

À la différence de la transition politique, la transition démocratique traduit le passage d’un régime non démocratique vers un régime démocratique. En effet, outre l’approche célèbre de la démocratie retenue par le Président des États-Unis Abraham Lincoln, l’expression traduit en pratique le respect des droits fondamentaux . Et au nombre desquels le droit au juge. Le dépôt de la déclaration de l’article 34 (6) du protocole portant création de la Cour ADHP demeure une suggestion conseillée aux nouvelles autorités de la transition démocratique au Gabon en raison des apports que ce dépôt produira au profit tant du justiciable (A) que de la démocratie (B) gabonaise.

A/ Le dépôt de la déclaration, une nouvelle voie de recours au profit du justiciable au Gabon.

La notion de voie de recours désigne un mécanisme judiciaire permettant à un requérant de demander le réexamen de son litige lorsqu’il n’est pas satisfait par la décision rendue par le juge. Le mécanisme permet également à tout requérant de faire valoir les irrégularités observées au sein d’une décision de justice ou lors du déroulement de la procédure judiciaire. On parle en effet dans le premier cas de voie de reformation alors que les seconds cas renvoient plutôt aux voies de rétraction selon la distinction bien connue du droit interne .
Le dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole créant la Cour ADHP entre plutôt dans la catégorie des voies de réformation bien qu’il faille garder à l’esprit que la Cour ADHP n’est pas une juridiction d’appel. Le dépôt de ladite déclaration sera d’un considérable apport pour le justiciable au Gabon en ce qu’il aura pour conséquence entres autres d’offrir à ce dernier une nouvelle voie de recours. Tout justiciable désormais insatisfait d’une décision prise par les juridictions gabonaises y compris la juridiction constitutionnelle en matière de droits fondamentaux pourra s’il estime opportun saisir le juge international africain des droits de l’homme afin que celui-ci statue sur l’existence ou pas d’une violation de ses droits. C’est le cas actuellement pour certains citoyens africains notamment les Burkinabés et les Maliens qui en raison du dépôt de cette déclaration par leur Etat respectif se sont vu offrir cette nouvelle voie de recours . Pour ne prendre que le cas burkinabé, la Cour ADHP, saisie par une franche des citoyens de cet Etat n’a pas hésité à faire droit à leurs demandes.

Les justiciables gabonais en revanche, ne pourront avoir cette opportunité qu’en présence d’un dépôt de la déclaration exigée par l’article 34 (6) du protocole. Cette situation met en exergue le fossé qui existe en République gabonaise entre d’une part, la garantie normative des droits humains et de l’autre, leur protection juridictionnelle. Celle-ci ne peut se faire que par la saisine du juge tant national qu’international. En effet, la saisine directe du juge international africain ne peut passer que par le dépôt de cette déclaration. C’est la position qu’a adoptée et rappelée la Cour ADHP dans sa première décision . Vivement que les autorités de la transition démocratique y songent, puisque le bien que le dépôt de cette déclaration procurera au justiciable au Gabon ne laissera pas indifférente la démocratie dans cet État.

B/ Le dépôt de la déclaration, un affermissement de la démocratie au Gabon.

Née en Grèce avant de se diffuser dans toute l’Europe et dans d’autres continents par la suite, la démocratie désigne un régime politique dans lequel les dirigeants sont élus au suffrage universel direct : cela signifie que tous les citoyens, hommes et femmes, ont des droits parmi lesquels le droit de vote. Toutefois, au-delà du droit du vote, dans une démocratie, chaque personne a droit à ce que sa cause soit entendu et ce, le plus largement possible. Ce qui suppose dans une logique positive que l’État démocratique doit mettre tout en œuvre afin que les personnes qui sont sous sa juridiction puissent effectivement jouir de ce droit. Dans la même veine, la logique négative imposerait audit État de s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient limiter la jouissance de cette prérogative.

Ainsi, toute mesure, qu’elle soit active ou passive qui aurait pour conséquence de compromettre l’exercice du droit au juge ou de permettre son exercice partiel par les citoyens ou résidents d’un État s’analyserait comme une atteinte à la démocratie. Or, bien que relevant de la souveraineté d’un État , le fait pour celui-ci de ne pas satisfaire à cette exigence qu’il sait cruciale pour l’exercice du droit au juge par les personnes relevant de sa juridiction ne participe pas à la consolidation de la démocratie. C’est justement l’hypothèse dans laquelle se trouve la majorité des Etats africains dont le Gabon qui alors qu’il sait l’importance du dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole créant la Cour ADHP n’a pas plus de vingt ans après avoir ratifié ledit protocole, satisfait au dépôt de cette déclaration.

De ce comportement pour le moins regrettable, il en est résulté furtivement entres autres un affaiblissement de la démocratie dans cet Etat puisque les justiciables insatisfaits des décisions rendues par les juridictions gabonaises et saisissant la Cour ADHP ont toujours vu leur requêtes rejetées par celle-ci faute pour l’Etat gabonais de n’avoir pas satisfait à l’exigence du dépôt de la déclaration spéciale pour reprendre le terme de la Cour ADHP dans son premier arrêt.

Ainsi, à l’aune de la transition démocratique, le dépôt de cette déclaration par le Gabon, serait non seulement un symbole conséquent mais surtout un élément de la consolidation de la démocratie dans cet Etat. Les justiciables pourraient dans l’hypothèse de ce dépôt, librement jouir de leur droit au juge tant à l’échelle nationale qu’internationale. Ce qui marquera inlassablement le passage du CTRI à condition que les prochaines autorités ne fassent dans le retrait de ladite déclaration comme une minorité des États africains. Toutefois si cela advenait le Gabon à notre avis, intégrerait le rang des États africains anti-libéraux que nous opposons aux États africains libéraux. Les premiers désignent pour nous, les États africains qui n’ont pas fait le dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole ou qui l’ont retiré alors que les seconds renvoient auxdits États qui ont fait ce dépôt en plus d’avoir ratifié cette déclaration et ne l’ont jamais retiré jusqu’à maintenant.

C’est l’occasion pour finir de lancer un appel aux juges de la Cour ADHP et à l’Union africaine (UA). C’est le moment pour ces derniers, à l’heure où le Gabon entend restaurer ses institutions, d’encourager les autorités actuelles à satisfaire au dépôt de cette déclaration. Ce faisant, les premiers satisferaient à leur mission de sensibilisation alors que la seconde s’acquitterait de sa mission de coopération. Dans tous les cas, même en présence des actions de ces derniers, la décision finale portant dépôt de cette déclaration appartiendrait toujours aux nouvelles autorités gabonaises en raison du principe de souveraineté. Mais en réalité, à notre avis la règle posée par l’article 34 (6) du protocole ne se justifie plus en raison de l’existence du principe de l’épuisement des voies de recours internes dont l’appréciation est selon la jurisprudence de la Cour ADHP très stricte.

Sources et notes :
- Maitre Douala Moutome, ancien ministre de la justice, Garde des Sceaux du Cameroun, Préface de l’ouvrage de Roger Sockeng, Les institutions judicaires au Cameroun, Coll. Lebord, 1995, p.v
- La justice est un concept « pluriforme ». Elle épouse des contours divers. Elle est à la fois une vertu, une technique d’organisation sociale et un service public. (v. R. Sockeng, op cit., p.2)
- Joël Andriantsimbazovina, L’accès à la justice au sein des droits de l’Homme, in Presses de l’Universitaire de Toulouse Capitole, Contribution orale. Selon l’auteur : « […]. Grâce à l’internationalisation et à l’européanisation des droits de l’homme l’accès à la justice acquiert son statut de droit de l’homme à travers l’accès au juge et au tribunal et par le biais du droit à un recours effectif » (lire §14 du texte) (En ligne).
- La Charte ADHP consacre le droit au juge en son article 7. Ainsi, tout État qui ratifie ledit texte (traité international) s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires afin que les individus qui vivent sur son territoire puissent avoir accès à la justice en vertu de cet article.
- Client Earth, Outil d’évaluation de la législation nationale : le droit d’accès à la justice au Gabon, 2014 (En ligne). Selon cette étude, il existe au Gabon des dispositions légales notamment dans la charte ADHP ou la DUDH qui prévoient l’accès au juge. Mais cet accès aux services judiciaires demeure parfois entravé par les obstacles pratiques : défaut de connaissance par les citoyens du système judiciaire en raison de la faible information des autorités sur ce système. (v., aussi Alden Virgil Hury Moukouangui, L’assistance judiciaire en république gabonaise, in Village de la justice, 2023. L’auteur dénonce entres autres, le caractère flou du champ d’application de l’assistance judiciaire au Gabon)
- Lire Décision CONASYSED c/ République du Gabon, requête n°12/2011 rendue par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuple (La Cour ADHP) via son site en ligne. En effet, selon la Cour ADHP entres autres, « La République de Gabon n’ayant pas déposé la déclaration prévue à l’article 34 (6) de son protocole, elle n’est pas compétente pour connaitre des requêtes faisant état des violations des droits de l’homme contre ce dernier » (rejet).
- Cette règle une condition nécessaire à remplir pour que la Cour ADHP puisse connaitre la requête d’un requérant au fond. (v. Mpiga-Nkouomi J-S, La règle de l’épuisement des voies de recours internes dans la jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Mémoire, Université Omar Bongo, 2018)
- Notamment, l’absence de dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole de la Cour, par l’État gabonais.
- Doit-on condamner ce mode de prise de pouvoir ou au contraire l’acclamer au regard de la liesse populaire ? (Lire, Francis Laloupo, Coup d’État au Gabon : quelles conséquences géopolitiques ? in Institut de relations Internationales et Stratégiques (IRIS), 2023 (leur site en ligne).
- Lire, l’article 56 de la Charte ADHP qui prévoit les conditions de recevabilité des requêtes des personnes privées.
- La pratique en vigueur en droit positif gabonais attribuant le contentieux administratif de second degré (les recours en appel) à la seule Cour d’appel administrative de Libreville au lieu de créer les Cours d’appel administrative dans chaque chef-lieu de province comme prévu par le législateur en 1994. Cette situation qui prive les requérants n’ayant pas assez de ressources pour se rendre à Libreville, quoiqu’on le veuille, du droit au juge
- Partiellement en raison du fait que si l’État fait le dépôt de déclaration, pour que la Cour ADHP apprécie au fond la requête du justiciable, celle-ci devra satisfaire aux exigences liées aux conditions de recevabilité de la requête prévues à l’article 56 de la Charte et à la Règle 40 du Règlement intérieur de la Cour ADHP.
- F. Ntsatsiesse, L’accès des personnes privées à la Cour africaine des droits de l’homme te des peuples, mémoire, 2016, p.39
- V. Article 34 (6) du protocole créant la Cour ADHP. Selon cet article : « À tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».
- Soit le 14/08/2000. Lire, Rapport d’activité de la Cour ADHP du 1er janvier au 31 décembre 2021, p. 2. (V. site de la Cour ADHP)
- V. Les raisons de ce choix dans la Charte de la transition en vigueur au Gabon. Lire également le discours prononcé lors de la première prise de parole du président du CTRI et actuel président de la transition au Gabon.
- Cette expression regorge plusieurs synonymes entres autres : programme politique, feuille de route, agenda. Il sera fait recours à ces derniers dans ladite étude.
- À nos yeux, la transition politique s’entend simplement comme le changement d’un régime politique. C’est ainsi par exemple lorsqu’on passe d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Dans cette optique, elle se distingue de la transition démocratique qui suppose le passage d’un régime non démocratique à un régime démocratique.
- La Cour internationale de justice (CIJ) a estimé que le respect de ces droits demeure une « obligation erga omnes ». (Lire, Affaire Barcelona traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne)(Nouvelle requête : 1962) in site internet de la CIJ.
- Guillaume Protière, Fiche 39. Les voies de recours, Dans Fiches de Droit administratif (2018), pages 253 à 259
- Lexique des termes juridiques, 20 édition, Éd. Dalloz, 2012, p.941
- M.A Namountoungou, La saisine du juge international africain des droits de l’homme, RTDH ; 2011, p.261-294 cité par Ntsatsiesse Flore, L’accès des personnes privées à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, mémoire, 2016, p.15
- Aujourd’hui, le nombre des États africains qui ont fait ce dépôt reste dérisoire. Sur 55 États parties à la Charte ADHP et 30 États ayant ratifié le Protocole portant création de la Cour ADHP, seuls 8 Etats ont satisfait à cette exigence. Le Gabon pourrait être le 9ème État à condition que les nouvelles autorités suivent notre suggestion. (Lire, Rapport d’activité de la Cour ADHP 2021, in site de la Cour ADHP).
- Lire, Affaire Ayants droits de feu Norbert Zongo et autres c/ Burkina Faso du 28 mars 2014. La Cour ADHP avait estimé dans cette affaire que « le fait pour l’État burkinabé de n’avoir pas recherché, poursuit, arrêté et jugé les assassins de feu Norbert Zongo et ses compagnons apparaissait comme une violation de certaines dispositions de la Charte ADHP notamment du droit à la vie ». (cf site de la Cour ADHP)
- Lire, Affaire Michelot Yogogombaye c/ République du Sénégal du 15 décembre 2009 (cf. Site de la Cour ADHP). V., A.D. Olinga, Regard sur le premier arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Michelot Yogogombaye c. Sénégal, 15 décembre 2009, RTDH, 2010, p.749-768.
- Stéphanie Hennette Vauchez et Diane Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Dalloz, 2020, p.49 (selon les auteures, « La démocratie (démos-cratein littéralement le pouvoir du peuple) est née dans la Grèce antique, à Athènes (Ve et IVe siècles avant J.-C). Les citoyens d’Athènes ont formé la première expérience de la démocratie politique directe en participant, par leurs décisions adoptées au sein de l’Ecclesia (assemblée des citoyens), au gouvernement de la cité (polis). Le tirage au sort, souvent préféré à l’élection, permettait des désigner les magistrats et les titulaires des charges officielles. L’idée de citoyenneté, fonction sociale associant droits et devoirs (service militaire, paiement de l’impôt, vertu civique) est forgée à cette époque […] »).
- Lire, le livret du citoyen, in site du Ministère de l’intérieur français, p.4
- Lire, article 7 de la Charte ADHP.
- La dépôt de la déclaration prévue à l’article 34 (6) du protocole est un acte unilatéral de l’État.
- Lire, Affaire CONASYSED c/ République gabonaise, 2011, op cit.,
- Le Rwanda (2016), La Tanzanie (2019), Le Bénin (2020) et La Cote d’Ivoire ( 2020) se sont négativement illustrés dans ce sens.
- Le Burkina-Faso, La Gambie, Le Ghana, La Guinée-Bissau, Le Malawi, Le Niger et La Tunisie forment le groupe des Etats « libéraux » du système africain de protection des droits de l’homme et des peuples.
- Yves Broussolle, Fiche 8. La souveraineté, Dans Fiches d’Introduction au droit public (2019), pages 44 à 52 (selon l’auteur, « La souveraineté désigne le pouvoir reconnu à l’État, mais aussi le principe fondant ou légitimant cette suprématie. Dans cette perspective, deux théories doivent être distinguées concernant la conception de la souveraineté en droit interne : la théorie de la souveraineté nationale et celle de la souveraineté populaire. Pour les tenants de la théorie de la souveraineté nationale, la nation constitue une entité abstraite distincte des individus qui la compose. Titulaire de la souveraineté, la nation ne l’exerce pas elle-même, mais par l’intermédiaire de représentants. Toutefois, chaque député pris isolément ne représente que lui-même : il n’est qu’un des éléments constitutifs d’un organe (l’assemblée) qui, pris dans son ensemble, représente la nation. Dès lors, chaque représentant ne peut recevoir de consigne de vote de la part de ses électeurs (le mandat impératif est exclu, cf. par exemple, art. 27 de la Constitution du 4 octobre 1958). La théorie de la souveraineté nationale est en fait une fiction juridique élaborée par Sieyès en 1789, et destinée à écarter le peuple du pouvoir. Entre la souveraineté et le peuple, s’interpose le filtre de la représentation. Les électeurs ont pour seule mission de désigner et d’élire des représentants. En cela, ils n’exercent pas un droit mais accomplissent une fonction qui n’est pas nécessairement confiée à tous. La souveraineté nationale s’accommode ainsi du suffrage restreint (censitaire en particulier). À noter La théorie de la souveraineté nationale a été élaborée par Sieyès en 1789 pour écarter le peuple du pouvoir. Pour les défenseurs de la théorie de la souveraineté populaire (Rousseau notamment), le peuple souverain n’est pas autre chose que le total des individus physiques qui le composent […]). La souveraineté dont nous parlons reste la souveraineté internationale de l’Etat.

Yonnel Moubele
Doctorant au Centre d’Études et de Recherches en Droit administratif, Constitutionnel, Financier et Fiscal (CERDACFF) de l’Université Côte d’Azur (UCA).
Doctorant au Centre d’Études et de Recherches en Droit administratif, Constitutionnel, Financier et Fiscal (CERDACFF) de l’Université Côte d’Azur (UCA).

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

Commenter cet article

Discussion en cours :

  • par ERD , Le 15 août 2024 à 22:18

    Analyse intéressante qui rappelle ce qu’ont nos États africains en commun : un fort attachement à leur souveraineté et un oubli total de l’épanouissement des libertés individuelles des citoyens.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs