La refonte du Règlement Bruxelles II bis, son impact sur le divorce par consentement mutuel français.

Par Noémie Houchet-Tran et Claire Roussel, Avocats.

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Explorer : # divorce par consentement mutuel # droit international privé # reconnaissance des actes juridiques # union européenne

Le 25 juin 2019, le Conseil de l’Union européenne a adopté un texte portant refonte du Règlement Bruxelles II bis relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants.
On peut y noter une nouveauté très attendue, à savoir la clarification des règles sur la transmission des « actes authentiques » et des accords.

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En effet, en sa section 4, le nouveau Règlement Bruxelles II ter (refonte) prévoit ainsi cinq articles sur la circulation des « actes authentiques qui ont été dressés ou enregistrés formellement dans un État membre dont les juridictions sont compétentes au titre du chapitre II et aux accords qui y ont été enregistrés en matière de divorce, de séparation de corps et de responsabilité parentale ».

Ces quelques articles viennent ainsi mettre fin, au sein des États membres de l’Union Européenne, à une interrogation systématique depuis la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ayant introduit le divorce par consentement mutuel sans juge :

La convention de divorce entre époux prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats, telle que visée par le nouvel article 229-1 du Code Civil, bénéficie-t-elle de la reconnaissance dans les autres États membres prévue à l’article 21 du Règlement Bruxelles II Bis alors qu’il ne s’agit ni d’une « décision » rendue dans un État membre au sens prévu par le Règlement autrement rendue par un juge ni d’un acte authentique (acte notarié) ?

À l’évidence le législateur français, sous couvert de simplification de la procédure de divorce amiable, n’avait pas pensé aux conséquences pratiques de son texte en droit international privé. Ce nouvel acte sous seing privé contresigné par avocats et simplement enregistré par notaire ne semble rentrer dans aucune des cases.

Or les familles étant de plus en plus mixtes et se déplaçant toujours davantage, il était pourtant primordial de prévoir une reconnaissance possible de ce nouveau divorce sans juge à la française.

Depuis l’entrée en vigueur de ce dernier le 1er janvier 2017, le flou législatif sur ce point rendait ainsi périlleux l’exercice de ce divorce pour des couples internationaux souhaitant le voir bien évidemment reconnu en dehors de France. L’absence de certitude quant à sa reconnaissance débouchait effectivement sur une certaine frilosité des avocats français, une interprétation au cas par cas selon les pays concernés et les conséquences du divorce ainsi que sur une multiplication des « faux contentieux » afin d’assurer la reconnaissance effective du divorce via une décision de justice en bonne et due forme.

Cette problématique est à présent résolue, le Règlement Bruxelles II Ter introduisant en son nouvel article 65 le principe selon lequel « les actes authentiques et les accords relatifs à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine sont reconnus dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. »
Désormais, tous les « accords », peu importe la qualification qu’on peut leur donner, doivent être reconnus dans toute l’Union Européenne s’ils sont reconnus comme contraignants dans le pays de signature.

Munis du certificat concernant la convention de divorce visé par l’article 66 du même Règlement et délivré par le notaire, les futurs ex-époux n’auront ainsi plus aucun mal à faire reconnaitre automatiquement leur divorce français dans les autres États membres de l’Union européenne.

Si le débat sémantique concernant cette zone géographique est donc à présent clos (car pour le reste du monde, le cas par cas demeure la règle et il est préférable d’interroger les consulats concernés quant à la reconnaissance du divorce sans juge français), il va néanmoins encore falloir s’armer de patience quant à la pratique, le Règlement Bruxelles II Ter n’étant applicable qu’à partir du 1er août 2022.

Il est donc fortement conseiller de consulter un avocat exerçant en droit de la famille international afin d’éviter les écueils du nouveau divorce par consentement mutuel français pour des familles mettant en jeu différents pays.

Sources :
- Règlement Bruxelles II Ter ;
- Règlement Bruxelles II Bis ;
- LOI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Noémie HOUCHET-TRAN
Avocat au Barreau de Paris
nhtavocat.com
Spécialiste en Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine
Droit international de la famille

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Discussion en cours :

  • par SCP LEVY & BUGNET LEVY Avocats associés, Barreau de BESANCON, (Cabinets VALDAHON MORTEAU PONTARLIER) , Le 9 septembre 2019 à 16:38

    Il me semble que cette reconnaissance par le Règlement de Bruxelles II Ter ne concerne que le divorce proprement dit et non pas les mesures accessoires afférentes par exemple à la prestation compensatoire de sorte que resteraient en suspens l’exécution forcée et le recouvrement forcé desdites prestations compensatoires et contributions alimentaires ...

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