[Point de vue] Règlement Bronner, le cri ultime pour la démocratie en ligne !

Par Jane Kochanski, Expert judiciaire.

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Explorer : # Éducation aux médias # désinformation # algorithmes # publicité en ligne

Le rapport de la Commission Bronner, remis le 11 janvier 2022, est l’un des rapports les plus ambitieux de l’ère numérique, arrivé à un moment opportun pour combattre la démocratie contre la prévalence de l’information en ligne. Ce rapport reflète l’aboutissement des tentatives nationales et européennes de lutte contre l’extrémisme en ligne, avec, notamment, la loi Avia du 8 juillet 2020 contre les contenus haineux, le projet de loi « Studer » pour le contrôle parental afin de protéger les enfants contre la violence des contenus pornographiques en janvier, en attente devant le Sénat, et également les initiatives européennes, avec le Digital Services Act, proposé le 15 décembre 2020 pour assurer un environnement en ligne sûr et responsable, afin de mieux réguler l’espace en ligne.

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Bronner est altruiste dans ce rapport, montrant l’intention de limiter la diffusion de contenus préjudiciables, par une sanction accrue pour les pratiques illégales. Par ailleurs, le rapport souligne que la prévention des risques doit être améliorée par une éducation accrue depuis l’école primaire jusqu’à l’âge adulte pour développer la maîtrise des médias et de l’information. Il faut un enseignant par classe dès le collège pour assurer l’éducation digitale à la future génération.

Une formation continue doit être mise en place dans les entreprises également et même dans les mairies pour s’assurer que les individus sont des utilisateurs avertis de tous les risques envisageables en ligne. Les entreprises devraient offrir cette formation à leurs employés de manière régulière pour être en mesure d’utiliser les réseaux et médias sociaux « à bon éscient ». Bronner souligne que dans la plupart des cas, l’utilisateur est ignorant des risques importants engendrés sur l’internet.

De même, les chercheurs de ce comité se concentrent sur l’impact puissant des algorithmes, influençant quotidiennement les utilisateurs en ligne. Ces algorithmes sont configurés en fonction de la popularité et de l’influence en ligne d’un utilisateur. Ces mesures de popularité doivent être désactivées selon les suggestions faites dans ce rapport. Les classifications d’algorithmes en ligne induisent souvent le public en erreur sur l’état réel des connaissances et des informations. La désinformation cible les utilisateurs en fonction des préjugés et du comportement en ligne.

De ce fait, les utilisateurs doivent également réfléchir attentivement avant de partager des informations pour éviter cet effet « boule de neige » des algorithmes qui peuvent aggraver l’environnement en ligne, le rendant hostile. Une fois que les informations sont publiées en ligne sur les réseaux sociaux, cela ouvre une véritable boîte de pandore pour les paramètres et l’influence des algorithmes. Il faut également porter un regard critique sur les actualités en ligne. Faire défiler l’énorme quantité d’informations publiées peut sembler fastidieuse, mais, selon les recommandations de Bronner, il s’agit d’une étape essentielle afin d’ajuster équitablement les paramètres de l’algorithme.

Un autre sujet épineux évoqué dans ce rapport est celui de la publicité en ligne. Les publicités « click on » et les cookies en ligne doivent être surveillés selon les recommandations. Ces cookies et publicités alimentent souvent la désinformation et doivent être réglementés voire même interdits. Il s’agit d’un exercice difficile et quasiment impossible d’après les consignes de ce rapport, car créer un écosystème en ligne plus sain n’est pas facile face à l’élément « toxique » de la désinformation et de l’extrémisme en ligne (la violence et la haine pour en citer quelques exemples du rapport). Une réforme technique forte est nécessaire pour réglementer ces publicités à la source afin d’atténuer les dommages et de promouvoir un environnement en ligne plus sain et plus productif. Les liens sponsorisés issus des espaces publicitaires devraient être interdits, selon les recommandations du rapport Bronner.

Par ailleurs, la commission propose de conserver l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881, mais d’y ajouter un nouvel article pour engager la responsabilité civile de l’internaute, qui diffuse intentionnellement de fausses nouvelles préjudiciables. En engageant la responsabilité de l’utilisateur, le comité entend que cela soit utilisé comme un moyen de dissuasion pour empêcher l’internaute de publier intentionnellement de fausses nouvelles préjudiciables contre une autre personne. Cela favorise à nouveau le mécanisme altruiste de ce rapport qui oriente les utilisateurs vers une utilisation plus productive de l’information en ligne.

Un cri de civilisation des espaces publics prévaut dans ce rapport. Les recommandations ne visent pas à "éradiquer" les informations dites "toxiques" en ligne mais visent plutôt à décourager la malveillance en ligne en augmentant les connaissances des internautes. Le rapport Bronner souligne que la technologie doit être utilisée comme un atout et qu’une augmentation de l’informatique. L’éducation et une bonne utilisation digitale sont nécessaires pour améliorer la prévention des risques.

Le gouvernement français et le Premier ministre Jean Castex réclament des sanctions renforcées contre les utilisateurs mettant en ligne des informations malveillantes et une sensibilisation accrue du public, plus particulièrement depuis 2020, suite au projet de loi séparatiste devant le Parlement.

Le rapport Bronner propose le droit pour les organisations de saisir l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) lorsque les fake news créent des troubles à l’ordre public.

L’enjeu principal n’est pas de « bloquer » la désinformation mais d’empêcher l’amplification et la diffusion de telles informations en ligne. Le rapport indique clairement qu’il serait impossible d’empêcher la mise en ligne de telles informations puisque chacun est libre de poster des informations, mais que les mécanismes de prévention et de compréhension éducative devraient être utilisés intelligemment et renforcés pour atténuer les conséquences néfastes de la désinformation, qui pourraient causer du tort et des préjudices au public au sens large.

Enfin, l’Internet a un public innombrable et nécessite une régulation non seulement par les organismes de contrôle nationaux, européens et internationaux mais principalement et avant tout par nous-même, les utilisateurs.

Par Jane Kochanski
Expert Judiciaire Cour d\’appel de Paris
Traduction FR-EN / EN-FR

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