Ma mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mon père, que j’ai accompagné en tant que tuteur jusqu’à son dernier souffle, n’est plus là aujourd’hui. Il reste la mémoire de ce que j’ai tenté de faire pour lui. Il me reste surtout la présence de ma maman, fragile, désorientée, parfois absente à elle-même, mais toujours là dans cette douceur d’un regard, d’un murmure. Être tuteur de ses propres parents, c’est vivre une inversion des rôles. C’est porter l’autorité, signer les chèques, gérer les comptes, répondre aux appels de la banque ou de l’EHPAD, surveiller les contrats, être l’intermédiaire entre le monde administratif et une personne qui ne peut plus s’en défendre. C’est, aussi et surtout, rester l’enfant de ses parents - et cela, aucun article du Code civil ne vous y prépare.
Un cadre juridique exigeant, mais vital.
Le Code civil encadre la tutelle avec rigueur, et pour cause : elle retire à la personne protégée l’exercice de ses droits civils les plus essentiels. Chaque acte de disposition (vente d’un bien, gestion d’un héritage, etc.) exige l’accord du juge. Le rôle du tuteur est d’être le garant, non seulement des intérêts financiers de la personne protégée, mais aussi de sa dignité.
Le juge des tutelles : un allié, pas un obstacle.
Dans ce parcours semé d’embûches, la relation avec le juge des tutelles est capitale. Le juge de la protection des majeurs n’est pas là pour vous compliquer la vie. Il est là pour s’assurer que la personne vulnérable ne sera jamais l’oubliée du droit. J’ai eu la chance d’être entendu, soutenu, parfois même consolé, dans des moments où le doute me rongeait. Il faut oser dialoguer avec lui, dire ses limites, demander conseil. Il est un maillon essentiel d’une chaîne qui vise la justice et la bienveillance.
Ne pas rester seul : l’appui des professionnels.
Être tuteur d’un proche, surtout quand il s’agit de ses parents, peut être émotionnellement épuisant. Il est vital de ne pas s’enfermer dans la solitude. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont des professionnels formés, dévoués, qui peuvent prendre le relais, conseiller, ou simplement alléger le fardeau administratif. Leur aide peut être précieuse, voire nécessaire, surtout dans les situations complexes ou urgentes.
Protéger aussi des prédateurs.
Ce que la loi encadre difficilement, en revanche, ce sont les manipulations. Les personnes vulnérables sont des cibles. Un regard absent, un oubli de mot, un moment d’égarement, et certains s’engouffrent. J’ai dû, plus d’une fois, me dresser entre ma mère et ceux qui voulaient l’abuser. Être tuteur, c’est aussi être gardien contre l’indignité des autres.
Un acte d’amour, avant tout.
Ce rôle, je ne l’ai pas choisi par obligation. Je l’ai accepté parce que c’était ma manière d’aimer mes parents. C’est difficile, oui. Mais c’est un honneur, aussi. Il m’arrive de craquer. Il m’arrive d’être en colère. Il m’arrive de me sentir seul. Mais jamais je ne regrette. Si vous vous apprêtez à devenir tuteur familial, je vous le dis avec le cœur : n’ayez pas peur de demander de l’aide. Le droit est un outil, pas une prison. Il existe des ressources, des soutiens, des humains derrière les procédures. Et surtout, n’oubliez jamais que derrière le tuteur, il y a un fils, une fille, un cœur qui bat.