L'e-réputation. Par Blandine Poidevin et Clémence Vancostenoble, Avocats

L’e-réputation.

Par Blandine Poidevin et Clémence Vancostenoble, Avocats

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Explorer : # e-réputation # contenu illicite # responsabilité des hébergeurs # diffamation en ligne

Le développement des sites communautaires, des réseaux sociaux, des forums de discussions ou encore des blogs a de manière incontestable entraîné une nette augmentation des contentieux relatifs à internet.

L’internaute n’hésite pas à s’exprimer en ligne, au risque de commettre des infractions. Si la liberté d’expression est applicable aux publications en ligne, il n’en demeure pas moins que tout propos n’est pas bon à tenir sur la toile.

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Il ne s’agit pas de considérer que le web est une zone de non-droit et le législateur, tout comme le juge, sont là pour réglementer les actes des internautes et rechercher les responsables en cas d’infractions commises en ligne.

Le préjudice subi par une personne, physique ou morale, lié à la publication en ligne de propos lui portant atteinte – que ce soit une atteinte faite à son image, à sa vie privée, à sa personne ou à sa réputation – se doit d’être réparé, comme tout autre préjudice.

Ainsi, l’objet de cette étude est donc, notamment à travers des exemples récents, jurisprudentiels ou non, de dresser un état de ces contentieux affectant internet et la réputation de l’internaute de manière générale, puis de comprendre qui est responsable et comment réagir lorsque l’on constate la diffusion en ligne de propos illicites.

I/ Quelques exemples des comportements illicites en cause

- L’exemple de TWITTER

Dans ce domaine, les réseaux sociaux, et particulièrement le site Twitter, apparaissent régulièrement, et de plus en plus, au cœur de l’actualité juridique et judiciaire.

En effet, quoi de plus facile et de plus rapide que de poster un commentaire (un « tweet ») sur ce formidable outil de communication instantanée pour partager une réaction face à l’actualité, une critique face à une personnalité, ou encore toute sorte d’avis personnel sur le sujet de son choix.

En quelque sorte, l’internaute supplante le journaliste. Il n’en demeure pas moins que, tout comme dans un journal, ou sur tout autre support de communication, ce Tweet ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers et constituer un propos illicite.

Toutes sortes d’infractions peuvent être commises via Twitter et la chanteuse anglaise Sophie Ellis-Bextor l’a appris à ses dépends. En « tweetant » qu’elle allait se produire dans un show produit par la BBC (Tweet publié le 21 juin dernier), elle a contrarié ladite chaîne avec laquelle elle avait signé un contrat. En conséquence, la chaîne a déclaré réfléchir à l’idée d’étendre la clause de confidentialité qui la lie à l’artiste aux réseaux sociaux et notamment à Twitter afin d’éviter ce genre de désagréments. Nous serions bien inspirés de réfléchir à cette occasion à nos propres pratiques rédactionnelles.

En Grande-Bretagne, un footballeur professionnel a également eu à faire face au célèbre site de micro-blogging, mais cette fois, la publication du Tweet n’était pas de son fait. Cherchant à protéger sa liaison avec une sulfureuse star de télé-réalité, il avait, sous couvert d’anonymat, obtenu de la Haute Cour de Londre une « Super Injonction » afin que les tabloïds britanniques ne révèlent pas son « secret ».

Il convient de remarquer que cette procédure est propre à la Grande-Bretagne et permet aux tribunaux d’empêcher les médias, à la demande d’une personnalité, de publier des informations (« the Injonction ») ou l’existence d’une procédure en cours (« the Super Injonction ») la concernant.

C’était sans compter sur Twitter, puisque un internaute, via un compte intitulé « SuperInjonction », a révélé l’identité de ce joueur, enfreignant ainsi la décision de la Cour britannique.

La réaction du célèbre joueur a été d’attaquer directement en justice le site Twitter ainsi que tous les internautes ayant tweeté l’information mais il semble que ses chances de succès d’obtenir gain de cause soient assez minces. D’une part, parce qu’en raison de la nationalité américaine de la société Twitter, le demandeur britannique risque de se heurter à un problème de loi applicable et de tribunaux compétents. Et, d’autre part, il est probable que si Twitter réagit, le site se réfugiera derrière le principe de la liberté d’expression protégé par le célèbre 1er Amendement de la Constitution américaine.

Les conséquences d’un « Tweet » peuvent ainsi être lourdes. En effet, un pdg d’entreprise avait dénigré un prestataire sur son Twitter personnel, cependant le Tribunal de Commerce de Paris a condamné directement la société et non le pdg, considérant que ce dernier avait été en contact avec le prestataire à titre professionnel et non personnel (Tribunal de Commerce de Paris, 26 juillet 2011).

- L’exemple de DAILYMOTION

Publier une vidéo sur Dailymotion est tout aussi facile pour l’internaute et peut s’avérer tout aussi risqué.
Nombreuses sont les décisions juridiques qui ont eu à trancher de contentieux mettant en cause la responsabilité du célèbre site de partage de vidéo quant à la diffusion de contenus protégés.
Toute la problématique dans ces affaires est de déterminer si Dailymotion est hébergeur ou non du contenu, ce qui a un impact considérable sur sa responsabilité (cf. infra).

C’est ainsi que, par exemple, les célèbres humoristes Omar et Fred, ainsi que leurs sociétés de production, ont notifié à Dailymotion la présence sur le site de partage de vidéos de quatre séquences de l’un de leur spectacle, lui demandant de retirer ce contenu portant atteinte à leurs droits. Constatant que le contenu litigieux était cependant toujours en ligne, les demandeurs ont ensuite assigné Dailymotion en contrefaçon (CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 14 avril 2010, n°2008/08604).

Dans une affaire similaire, c’était l’humoriste Roland Magdane et ses producteurs qui avaient agi pour des faits identiques (CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 13 octobre 2010).

Ainsi, à travers ces exemples des sites Twitter et Dailymotion, il est possible d’entrevoir un aperçu de l’étendue des contentieux qui peuvent naître sur Internet. Quelle procédure alors mettre en place lorsqu’est constatée la présence de telles infractions en ligne ?

II/ La suppression d’un contenu illicite sur le web

L’acteur du web qui va être principalement concerné en matière de e-réputation sera l’hébergeur du site internet. Rappelons que la LCEN définit l’hébergeur comme : « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » (article 6-I-2 de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique du 21 juin 2004 – LCEN).

- Les obligations de l’hébergeur face aux commentaires litigieux

L’article 6 de la LCEN prévoit que l’hébergeur n’est pas soumis à une obligation générale de surveillance des contenus qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou circonstances révélant des activités illicites, contrairement à l’éditeur du site.

Il ne peut être tenu responsable des contenus qu’il héberge que dans la mesure où ceux-ci sont manifestement illicites, ce qui est le cas des contenus de pédophilie, de crime contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale. L’adverbe « manifestement » a, par ailleurs, été ajouté par le Conseil Constitutionnelle dans une décision du 10 juin 2004 (décision n°2004-496).

En revanche, s’agissant des contenus qui ne sont pas manifestement illicites, tels que la contrefaçon ou la diffamation, l’hébergeur n’est tenu responsable que pour autant qu’il ait eu connaissance effective du caractère manifestement illicite des contenus stockés.

Pour ces contenus, les faits doivent être soumis à l’appréciation du juge, l’hébergeur ne devant pas se substituer à ce dernier.

L’hébergeur n’est donc tenu de retirer les commentaires illicites que dans la mesure où il en a été informé par le biais d’une notification de contenu illicite (répondant aux conditions posées par l’article 6-I-5 de la LCEN) et qu’il considère que les commentaires en cause sont effectivement illicites.

Il est donc nécessaire de préciser, au sein de la notification, les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de fait.

Les tribunaux ont aussi récemment rappelé que préalablement à la notification à l’hébergeur, l’internaute qui se plaint de la présence de propos diffusés en ligne, doit écrire à l’auteur des propos litigieux. Selon le tribunal de Béziers, il s’agit d’une « formalité essentielle dont le refus de procéder leur suppression déclenche alors le mécanisme susceptible d’engager la responsabilité de l’hébergeur ». En l’espèce, l’internaute se plaignait de calomnies contre lui et de la divulgation de son identité alors qu’il utilisait un pseudonyme. Il a donc notifié ces contenus aux forums de discussion hébergés par le site OVERBLOG, mais le juge a considéré qu’il aurait préalablement dû contacter l’auteur des propos (TGI Béziers, Ordonnance de référé, 8 avril 2011).

L’objectif de la notification de contenu illicite est donc le retrait par l’hébergeur du contenu litigieux.

La jurisprudence, abondante en la matière, précise encore actuellement les contours de cette procédure de notification et semble octroyer aux hébergeurs une certaine obligation de suppression définitive du contenu illicite en ligne puisqu’elle semble s’attendre à ce que le contenu supprimé ne réapparaisse plus ultérieurement.

C’est ainsi que, récemment, Google Vidéos et Google images ont été condamnés par la Cour d’appel de Paris pour contrefaçon, la Cour estimant que leur responsabilité en tant qu’hébergeur devait être engagée pour ne pas avoir accompli les diligences nécessaires pour empêcher la remise en ligne d’un contenu manifestement illicite précédemment notifié (deux arrêts CA Paris, 2ème Ch. 5, 14 janvier 2011 et CA Paris, 4 février 2011, n°09-21941).

On aura donc compris que l’enjeu est grand pour les sites internet que de se voir appliquer le régime de l’hébergeur. Au fur et à mesure de l’évolution jurisprudentielle, il apparaît que les sites 2.0 tels que Dailymotion, Youtube, Facebook et autres se voient reconnaître ce statut et partant, appliquer le régime allégé de responsabilité, surtout depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2011 concernant Dailymotion.

La jurisprudence de la Cour d’appel de Paris dessine, au fil de ses jugements, un critère de distinction entre hébergeur et éditeur, qui semble être celui de la capacité d’action sur les contenus, c’est-à-dire la capacité ou non de déterminer quels contenus sont mis en ligne.

- Précisions à l’égard de la notion de contenu illicite

Toute la difficulté réside alors dans le fait de caractériser le contenu comme étant illicite.

Sont ainsi notamment considérés comme étant des contenus illicites devant être retirés par l’hébergeur : les commentaires constituant des actes de diffamation ou d’injure au sens de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

Constitue un acte de diffamation : «  toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé  » (article 29, alinéa 1).

Constitue une injure : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (article 29 alinéa 2).

La distinction entre injure et diffamation fait régulièrement débat devant les tribunaux ; toute la différence entre ces deux délits reposant sur la notion d’ « imputation d’un fait précis ».

A titre d’illustration, le terme « irresponsable » n’a pas été considéré comme contenant l’imputation d’un fait précis, et constitue dès lors une injure.
En l’espèce, le premier président de la Cour d’appel de Paris avait qualifié d’irresponsable le fait qu’un magistrat ait lancé des mandats d’arrêts contre cinq personnalités marocaines dans l’affaire BEN BARKA avant le voyage de Nicolas Sarkozy à Rabat. A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que « pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » (Cour de Cassation, 13 avril 2010, n°09-82.389).

Par ailleurs, il est essentiel d’être vigilent car les infractions en matière de presse (diffamation et injures) sont soumises à une prescription spécifique et particulièrement courte, à savoir un délai de trois mois (article 65 de la loi du 29 juillet 1881). Il est évident que ce délai s’applique aux infractions de presse sur internet. En outre, la jurisprudence a précisé que le point de départ de ce délai doit être fixé à la date du premier acte de publication, à savoir la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à disposition des utilisateurs (Cour de cassation, 6 janvier 2009, n°05-83.491).

Le dénigrement sur Internet constitue également un contenu illicite devant être retiré. Celui-ci relève quant à lui du régime de responsabilité de droit commun.

En effet, dénigrer les produits ou les services d’une société constitue un acte dont l’auteur doit être puni et la « victime » indemnisée.

Cependant, les tribunaux peuvent parfois se montrer sévères quant à l’indemnisation de ce préjudice. C’est ainsi que, le Tribunal de commerce de Montpellier a refusé d’indemniser le demandeur dont le site de ventes immobilières avait été dénigré sur des forums de discussion ternissant par là-même sa réputation. Cependant, selon le Tribunal, le demandeur n’a pas prouvé que seuls les messages émanant de son concurrent étaient à l’origine de son préjudice. Afin d’obtenir l’allocation de dommages et intérêts, le demandeur aurait dû apporter la preuve que des internautes s’étaient détournés de son site à cause des actes de son concurrent (Tribunal de Commerce de Montpellier, 17 janvier 2011).

Un autre acte constitutif de dénigrement (ainsi que de concurrence déloyale et parasitisme en l’espèce) réside dans le fait pour une société d’avoir tenté de supprimer la référence à un site concurrent sur la célèbre encyclopédie en ligne WIKIPEDIA. L’affaire concernait deux sociétés de publicité en ligne et de micro-paiement : la société HI-Media avait tenté de faire supprimer de la fiche « Micropaiement » son concurrent, la société Rentabiliweb. Pour ces faits, le Tribunal de commerce de Paris l’a condamnée à verser 25 000 euros à son concurrent dénigré (Tribunal de commerce de Paris, 1er juillet 2011).

En sens contraire, une nouvelle pratique a récemment été constatée sur le web, particulièrement déconcertante. En effet, les agences de e-réputation françaises ou étrangères proposent à présent comme services aux sociétés du web de poster sur leur site ou sur des forums des commentaires élogieux de faux clients. Cette pratique constitue évidemment une infraction au Code de la consommation, en ce sens qu’elle consiste en une pratique déloyale trompeuse (voir : l’article de Geoffrey Le Guilcher publié le 19 juillet 2011).

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes s’est naturellement chargée de ce dossier et une enquête est actuellement menée par ses agents afin de sanctionner le plus rapidement possible ces « pratiques déviantes » selon les termes de la DGCCRF.

Enfin, la qualification du contenu illicite peut également relever de l’atteinte à la vie privée ou du droit à l’image de l’internaute.

Prévu à l’article 9 du Code civil, le droit au respect de la vie privée – qui n’y est cependant pas défini – permet de s’opposer à la divulgation d’informations concernant, notamment, la vie conjugale, la vie familiale, la santé, la sexualité ou encore le patrimoine de l’individu.

De ce concept de vie privée, la jurisprudence a développé la protection du droit à l’image, permettant alors de protéger l’individu contre toute publication, sans son autorisation, d’images, de photographies, ou de films le représentant.

- La possibilité d’obtenir l’identité de l’auteur des propos

Par ailleurs, il convient de remarquer que, selon la LCEN, l’hébergeur a l’obligation de conserver les données permettant l’identification de quiconque ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne.

Ces données doivent être conservées pendant une durée d’un an (article 3 du décret n°2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne).

Ainsi, par le biais d’une injonction motivée faite au juge, la personne qui entend vouloir agir directement contre l’auteur des propos mis en ligne, a la possibilité d’obtenir l’identité de cet auteur.

L’objectif de cette procédure est donc d’agir directement devant le juge à l’encontre de l’auteur des faits litigieux, afin de le voir condamné.

- La possibilité d’exercer son droit de réponse en ligne

En outre, l’article 6-IV LCEN prévoit que toute personne nommée ou désignée dans un service de communication en ligne dispose d’un droit de réponse en ligne. La demande d’exercice de ce droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou à l’hébergeur si l’éditeur non professionnel a conservé l’anonymat. Elle doit être présentée au plus tard dans un délai de 3 mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant la demande.
Cette réponse est gratuite. Elle prendra la forme d’un écrit limité à la longueur du message qui l’a provoquée et ne peut être supérieure à 200 lignes.

Les modalités d’exercice de ce droit de réponse en ligne sont prévues par le décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne et pris pour Application du IV de l’article 6 de la LCEN.

- La possibilité de se rapprocher de la CNIL

Chargée de veiller à la protection des données personnelles, la Commission Nationale Informatique et Libertés est également souvent sollicitée par les internautes se plaignant de la publication de propos gênants.

Dans un premier temps, par le biais de son droit d’opposition, l’internaute peut réagir. L’article 38 de la Loi Informatiques et Libertés du 6 janvier 1978 modifiée prévoit en effet que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l’objet d’un traitement ou soient utilisées à des fins de prospection par le responsable du traitement.

Si l’exercice du droit d’opposition s’avère inefficace, l’internaute peut également porter plainte auprès de la CNIL qui contacte alors la personne concernée afin de voir le propos retiré. En outre, la CNIL propose également sur son site internet des lettre types à envoyer aux responsables de sites ou de forums afin de faire supprimer les contenus litigieux.

Ainsi, depuis début janvier, la CNIL a reçu plus de 200 plaintes sur son site.

- Le rôle du juge et la réparation du préjudice

L’appréciation par les tribunaux des atteintes à l’e-réputation est assez difficile. En tant que matière récente, elle demande aux juges de s’intéresser de près aux problématiques de l’internet et les conduit à se spécialiser.

En matière de presse, par exemple, une chambre spécialisée du Tribunal de Grande Instance de Paris est spécialisée et gère une part importante de ce contentieux, accompagnée d’une section spécialisée au Parquet.

Ainsi, les juges élaborent la jurisprudence en matière d’e-réputation et créent ce nouveau droit.

Il leur incombe également d’évaluer le préjudice moral subi par les internautes, ce qui s’avère être une tâche délicate.

En matière de violation de la vie privée ou du droit à l’image, le principe du préjudice est acquis du seul fait de l’atteinte. Reste ensuite à l’évaluer pour le réparer.

Le juge, dont l’appréciation est souveraine en matière d’évaluation du préjudice, prendra alors en compte la nature de la publication, sa durée, sa réitération, si les faits sont anodins ou déjà connus du public.

Des éléments subjectifs sont également pris en compte par le juge, tels que : la discrétion de la victime témoignant de la volonté de protéger son intimité, ou encore sa tolérance à l’égard des propos diffusés.

En termes d’allocation de dommages et intérêts, les montants sont assez variables.
À titre d’illustration, en 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a octroyé aux victimes de 500 à 15 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de l’atteinte aux droits de la personnalité (données issues de l’article «  La réparation de l’atteinte aux droits de la personnalité  » Légipresse n°273, juin 2010). Certaines juridictions octroient également parfois 1 euro « symbolique » aux victimes, à titre de réparation de principe. On constate également que ces montants ont tendance à diminuer depuis dix ans.

A côté de l’indemnisation par l’octroi de dommages et intérêts, le juge peut également prononcer la publication du jugement ou encore des mesures d’interdiction, à savoir des mesures conservatoires visant à faire cesser l’atteinte ou à empêcher sa réitération.

- Les ambitions législatives en matière d’e-réputation

Sujet indéniablement d’actualité, l’e-réputation fait naturellement couler beaucoup d’encre et interesse le législateur. Ainsi, le Sénat a-t-il proposé le 23 mars 2010 une loi prévoyant le droit à l’oubli numérique.

Cette proposition de loi des sénateurs Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne prévoit la suppression des données sur simple demande par courriel et l’information sur la durée de la conservation. L’objet de cette proposition serait donc de faciliter les recours en cas d’abus et également d’octroyer davantage de pouvoirs à la CNIL.

En octobre 2010, le droit à l’oubli numérique a fait l’objet d’une Charte pour les réseaux sociaux et les moteurs de recherche. En la signant, ces derniers se sont engagés à protéger plus particulièrement les mineurs et à mettre en place un système de signalement et de recours pour les internautes désirant faire supprimer leurs informations. Seulement, l’effet de cette Charte reste mesuré dans la mesure où les géants que sont Google, Twitter et Facebook n’en sont pas signataires, contrairement à Bing de Microsoft ou encore la plate-forme Skyblog.

Cette proposition de loi relative au droit à l’oubli numérique n’a, à ce jour, pas encore été examinée par l’Assemblée Nationale.

Blandine Poidevin
Avocat aux Barreaux de Lille et Paris,
Cabinet Jurisexpert.

Clémence Vancostenoble
Avocat au Barreau de Lille

Cabinet Jurisexpert

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