La responsabilité des pharmaciens face à la vaccination contre la Covid-19. Par Dan Griguer, Avocat.

La responsabilité des pharmaciens face à la vaccination contre la Covid-19.

Par Dan Griguer, Avocat.

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L’ouverture de la vaccination contre la Covid-19 aux pharmaciens : rappel utile des obligations auxquelles se conformer sous peine de sanctions.
Article vérifié par son auteur en septembre 2023.

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A compter du 15 mars 2021, les pharmaciens sont autorisés à prescrire et injecter des vaccins contre la Covid-19.

Cette autorisation les place au cœur de la stratégie de vaccination massive arrêtée par le ministère des Solidarités et de la Santé pour lutter contre la Covid-19.

Malgré l’urgence, les pharmaciens vont cependant devoir prendre leurs dispositions pour s’assurer d’être en conformité avec les nombreuses obligations qui pèsent sur eux, au risque de voir leur responsabilité disciplinaire, civile et pénale engagée.

Aux termes de l’article 1er du Décret n°2021-248 du 4 mars 2021 [1], les pharmaciens sont autorisés à prescrire et injecter des vaccins anti-Covid à compter du 15 mars 2021.

La possibilité de vacciner n’est pas une nouveauté pour les professionnels de pharmacie, qui sont autorisés depuis le 1er mars 2019 à procéder à l’injection de vaccins antigrippaux dans leurs officines.

Il leur faut pour autant avoir suivi l’une des formations existantes en matière de vaccination antigrippale.

La question se pose de savoir si une certification spécifique pour l’injection de vaccins contre la Covid-19 est obligatoire.

A ce stade, il existe une incertitude à ce sujet : si l’USPO considère que cela n’est pas nécessaire, certains organismes de formation laissent entendre le contraire et entretiennent ainsi le flou.

A l’heure à laquelle cet article est publié, l’ARS n’a pas donné de consigne claire sur cette question.

Il est en tout état de cause nécessaire que les pharmaciens aient à l’esprit les nombreuses obligations qu’un tel acte implique, qui rendent nécessaires de prendre des dispositions organisationnelles particulières.

Le décret paru le 5 mars 2021 interdit les pharmaciens de vacciner :
- Les personnes ayant des antécédents de réaction anaphylactique à un des composants de ces vaccins ;
- Les personnes ayant présenté une réaction anaphylactique lors de la première injection.

Le professionnel doit donc prendre le temps de se renseigner au cas par cas, quand bien même le flux de patients à venir susciterait l’urgence.

A ce sujet, il est recommandé de conserver un écrit attestant du respect de cette formalité à accomplir scrupuleusement pour éviter toute sanction par la suite.

Le professionnel qui serait tenté de vouloir céder à l’urgence et s’affranchir de cette obligation doit se rappeler que le pharmacien est par ailleurs, et de manière générale, tenu d’un devoir de conseil, notamment « sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins » [2].

Les bonnes pratiques de dispensation des médicaments en vigueur depuis le 1er février 2017 consacrent d’ailleurs désormais une section entière au devoir de conseil du pharmacien, témoignant de l’intérêt porté à cette obligation qui devra nécessairement être mise en œuvre dans le cadre d’une vaccination.

La vaccination n’étant à ce jour, pas obligatoire, le professionnel devra également s’assurer de recueillir le consentement du patient avant l’intervention.

Cette problématique peut sembler inopérante car l’intéressé qui se présente au professionnel pour un vaccin est présumé consentant.

Cependant, dans l’hypothèse où une difficulté apparaitrait postérieurement à l’injection, le pharmacien devra être en mesure de justifier du recueil du consentement.

Finalement, les pharmaciens devront agir avec la même diligence et le même soin que ceux avec lesquels ils accomplissent habituellement les actes de dispensation, conformément aux exigences légales qui exigent que « tout acte professionnel doit être accompli avec soin et attention, selon les règles de bonnes pratiques correspondant à l’activité considérée » [3] dans la mesure ou « une dispensation de qualité constitue un enjeu de santé publique important puisqu’elle doit contribuer à une efficacité optimale des traitements » [4].

Il convient de relever que la vaccination de personnes n’entrant pas dans le champ de la population prioritaire définie par le gouvernement (à ce jour, la vaccination concerne principalement les personnes de plus de 75 ans et de 50 ans souffrant de comorbidités et certaines professions), pourrait caractériser un manquement aux obligations déontologiques, et justifier une poursuite disciplinaire par l’Ordre des pharmaciens.

La vaccination « de complaisance », bien que tentante, est ainsi à proscrire.

Plusieurs exemples de vaccination de personnes non prioritaires ont déjà été constatés, parfois à l’insu de celui qui a réalisé l’acte d’injection, ce qui témoigne de la difficulté à laquelle les professionnels déjà autorisés à le faire doivent faire face pour s’assurer que la stratégie vaccinale mise en place soit respectée.

Ils devront donc s’astreindre à une grande rigueur pour éviter ce genre de situation.

Afin de s’assurer de cela, il est conseillé aux professionnels de mettre en place des processus internes permettant de garantir que le patient sollicitant une injection soit bien éligible à une telle intervention (mise à jour des informations disponibles concernant la population autorisée à être vaccinée et attestation sur l’honneur des patients qu’ils appartiennent à cette population).

Les professionnels devront par ailleurs s’assurer que la configuration de l’officine permet de proposer des vaccinations.

Rappelons à ce titre que le Code de la Santé Publique prévoit en son article R4325-12 :

« […] Les officines, les pharmacies à usage intérieur, les établissements pharmaceutiques et les laboratoires d’analyses de biologie médicale doivent être installés dans des locaux spécifiques, adaptés aux activités qui s’y exercent et convenablement équipés et tenus […] ».

Par ailleurs, l’officine doit permettre que l’injection soit dispensée avec « la discrétion que requiert le respect du secret professionnel », comme le prévoit l’article R4235-55 du Code de la Santé Publique, ce qui n’est pas possible dans toutes les structures pharmaceutiques.

Concrètement, cela implique d’avoir à disposition une salle ou un espace fermé en retrait et à l’abri des regards où pourront être effectuées les vaccinations.

En outre, la question de la configuration et de l’équipement de l’officine est à rattacher à la problématique de la conservation des doses de vaccins, qui doit répondre à des critères strictement définis ; deux des trois vaccins ARNm doivent être conservés à - 80°C pour le vaccin du laboratoire Pfizer et - 20°C pour le vaccin Moderna.

Pour conclure, l’acte de vaccination n’est pas anodin et sa préparation doit être anticipée et envisagée sérieusement par les pharmaciens.

Il convient de rappeler à toutes fins utiles que la responsabilité du pharmacien peut être engagée sur le fondement civil lorsque ce dernier, auteur d’une faute commise dans l’acte de dispensation, aura causé un préjudice au patient dont il avait la charge, l’obligeant ainsi à l’indemniser.

En outre, toute faute commise dans l’exercice de ses fonctions, à l’origine d’un préjudice ou non, pourra faire l’objet de poursuites disciplinaires devant l’ordre des pharmaciens.

Cela pourrait conduire, dans les cas les plus graves, à une interdiction définitive d’exercer.

Enfin, et lorsque cette faute sera également constitutive d’une infraction, l’auteur de la faute pourra également encourir une amende voire une peine de prison.

A titre d’illustration, dans une affaire relative à l’absence de contrôle de conformité d’une préparation magistrale et ayant entraîné le décès de la patiente, un pharmacien dispensateur a été condamné pour homicide involontaire à une peine d’emprisonnement avec sursis [5].

Un raisonnement par analogie pourrait laisser à penser que de telles sanctions pourraient être prononcées pour le pharmacien ne respectant pas les consignes de conservation d’un vaccin contre la Covid-19.

Pour éviter tout manquement et assurer le déploiement de la stratégie voulue par le gouvernement, ce dernier a mis en place des guides à destination des professionnels « vaccinateurs » [6].

Ces documents ont vocation à les aider dans leur démarche et répondre aux différentes interrogations avec notamment des questionnaires types à poser au patient pour s’assurer des critères de vaccination.

Cela permet également, pour chaque type de vaccin, de connaître les modalités de préparation et d’injection de la dose.

Dan GRIGUER
Avocat Associé
Ancien Secrétaire de la Conférence

GRIGUER & NAYVES Avocats
31 Rue la Boétie - 75008 Paris
TEL : 01.48.24.10.70
FAX : 01.85.76.21.00
www.gnavocats.fr

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Notes de l'article:

[1Décret 2021-248 du 4 mars 2021 modifiant les décrets n°2020-1262 du 16 octobre 2020 et n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

[2Civ. 1re, 14 nov. 2018, n°17-27.980 et 17-28.529.

[3Article R4235-12 du Code de la Santé publique.

[4Arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments dans les pharmacies d’officine, les pharmacies mutualistes et les pharmacies de secours minières, mentionnées à l’article L5121-5 du code de la santé publique.

[5TGI 15e ch. correctionnelle de Bobigny, 29 novembre 2007, n° 0218606038.

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