La saga réglementaire de la publicité des préservatifs. Par Arnaud de Verdelhan, Consultant Affaires Réglementaires.

La saga réglementaire de la publicité des préservatifs.

Par Arnaud de Verdelhan, Consultant Affaires Réglementaires.

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Explorer : # publicité # préservatifs # réglementation # prévention vih

Les préservatifs sont des dispositifs médicaux utilisés dans la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST).
Comme beaucoup de produits de santé leur publicité est encadrée.
Cette réglementation a été chahutée par le temps et pas toujours des plus cohérentes...

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Dans un récent post LinkedIn [1], j’émettais l’idée que la PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition ou Pre-Exposure Prohylaxis en anglais) [2] puisse bénéficier de publicités auprès du grand public, comme peuvent le faire certains vaccins au titre de l’exception prévue à l’article L5122-6 du Code de la santé publique (CSP), ceci afin de mieux faire connaître cet outil de prophylaxie contre le VIH.

Parmi les autres outils de prévention, la destinée réglementaire des publicités en faveur des préservatifs n’a pas non plus été un long fleuve tranquille : revenons un peu en arrière.

2012 : les dispositions de la loi “Bertrand” relatives à la publicité des dispositifs médicaux entrent en vigueur à la fin de l’année [3]. Les entreprises du secteur sont un peu paniquées. Presque toutes… car les entreprises spécialisées dans la fabrication et la distribution des préservatifs en sont exemptées par l’article L5213-6 du CSP… et pour cause : les dispositions relatives à la publicité des médicaments auprès du public leur étaient déjà applicables !

En effet, des dispositions parfois méconnues [4], en vigueur depuis 1996, encadraient la publicité des préservatifs. Celle-ci était donc déjà soumise à un contrôle a priori de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui, par analogie avec le visa GP (publicité des médicaments auprès du grand public), délivrait des visas PR (préservatifs).

En terme de contrôle, la commission de publicité de l’Afssaps, disparue en 2012 avec la création de l’ANSM, examinait ces demandes et pouvait parfois effectuer quelques corrections. Elle exigeait notamment que les publicités en faveur des préservatifs mentionnent "Il est rappelé l’intérêt des préservatifs dans la prévention du VIH / SIDA et des autres infections sexuellement transmissibles."

Après 2012, ces publicités demeurent contrôlées a priori par l’ANSM, dans un canal parallèle à celui des publicités pour les autres DM soumis à autorisation préalable.

Les bases légales n’étant pas les mêmes, les modalités de dépôt divergent sur deux points non sans importance pour les opérateurs :
- si la publicité des DM n’est pas contrainte par des périodes de dépôts, celle des préservatifs l’est, au même titre que pour les médicaments ;
- celles du DM ne sont pas soumises à redevance alors que chaque dépôt coûte 510 € pour les préservatifs.
Ce second point sera corrigé par le décret n° 2013-103 du 29 janvier 2013 pris pour l’application de l’article 1635 bis AE du code général des impôts relatif aux droits perçus à l’occasion de demandes de visa ou d’autorisation de publicité déposées à l’ANSM qui imposera la même redevance aux publicités en faveur des dispositifs médicaux.

A contrario, l’ensemble des mentions obligatoires prévues pour les DM à l’article R. 5213-1 du CSP ne sont pas formellement exigibles, notamment la précision “Ce dispositif médical est un produit de santé réglementé qui porte, au titre de cette réglementation, le marquage CE”.

Cette incongruité disparaît à la faveur de l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’ANSM qui abroge l’article L. 5213-6 précité. Si les dispositions réglementaires n’ont jamais été toilettées du CSP, la hiérarchie du droit les rend caduques et rebascule les préservatifs dans le régime de contrôle de leurs comparses DM. 

Les principes généraux de la publicité des DM leurs sont donc appliqués. Rappelons que selon leur niveau de risque pour la santé publique, les DM sont soumis à un contrôle a priori ou a posteriori de leurs publicités. L’arrêté du 24 septembre 2012 du ministre chargé de la santé précisant les DM dont la publicité est soumise à autorisation préalable n’ayant pas été modifié, la publicité des préservatifs auprès du public relève depuis lors d’un contrôle a posteriori, sans nécessité de dépôt à l’ANSM. 

Voilà comment le visa PR a capoté.

L’histoire pourrait s’arrêter là si la PrEP n’était pas venu bousculer une ligne dans la prévention VIH, celle du remboursement.
En effet, d’aucun pourrait voir un paradoxe, voire une inégalité, à ce que la PrEP fasse l’objet d’un remboursement alors que le préservatif devait être payé de sa poche par le public bien que sa place dans l’arsenal de prévention soit déjà bien établie.
C’est ainsi qu’en 2018, Agnès Buzyn annonce fièrement qu’un premier préservatif masculin sera remboursé par l’Assurance maladie. En pensant favoriser la lutte contre le VIH, elle ouvre malgré elle une nouvelle incongruité fâcheuse pour la publicité des préservatifs.

En effet, les préservatifs sont des dispositifs de classe IIb. Or, seuls les dispositifs médicaux remboursables de classe I ou IIa sont éligibles à la publicité auprès du public, selon l’arrêté du 21 décembre 2012 fixant la liste des dispositifs médicaux pouvant faire l’objet d’une publicité auprès du public en application de l’article L5213-3 du Code de la santé publique.

Alors même que l’objectif de la mesure était d’en favoriser l’accès, les préservatifs remboursables sont donc privés de publicité auprès du public, alors que ceux non remboursables peuvent en faire sans encombre.

Si on estime à 2 millions de couples utilisateurs du préservatif masculin, seuls 345 000 assurés auraient eu recours aux préservatifs remboursables entre décembre 2018 et octobre 2020. A ce jour, seules deux marques sont concernées : Eden et Sortez couverts !. Le dispositif reste mal connu et sous-employé, en particulier par les jeunes.

Comme pour la PrEP, le législateur devra s’interroger sur l’opportunité de revoir ce cadre réglementaire…

Concluons par un dernier pied de nez en rappelant que, d’un point de vue marketing, la publicité des préservatifs aura tour à tour été timide, suggestive, provocante… mais surtout drôle comme l’illustre ce ver luisant [5].

Arnaud de Verdelhan, Consultant Affaires réglementaires,
Docteur en pharmacie et DESS droit de la santé
www.linkedin.com/in/arnaud-de-verdelhan

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Notes de l'article:

[3Articles L5213-1 et suivants du CSP.

[4Article R. 5051-4 devenu R. 5134-15 du CSP.

[5Accès à la publicité pré-citée : lien vers la publicité.

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