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(Art / Acquisition) : Coupe Hope de Jean-Valentin Morel : Un chef-d’œuvre des arts décoratifs acquis par le Musée d’orsay.
Par Jean-Louis Roux-Fouillet
Il est rare de voir un musée français acquérir à l’étranger et aux enchères, une pièce aussi exceptionnelle et pour un montant aussi conséquent : 2 117 000 $, frais inclus.
Chef-d’œuvre de l’Exposition universelle de 1855, la coupe Hope de Jean-Valentin Morel est sans équivalent dans l’art lapidaire du XIXe siècle. Véritable tour de force technique inspiré des gemmes de la Couronne et d’autres collections de pierres dures montées des XVI et XVIIe siècles, elle associe la monumentalité et la robustesse d’une coupe en jaspe à la poésie et à la finesse d’une monture en or émaillé fourmillant de détails, avec un sens de la dramaturgie exceptionnel.
- Coupe Hope, jaspe sanguin, base en argent doré, reste de la monture en or repoussé et émaillé, émail opaque et translucide © Musée d’Orsay
Haute de 65 cm et pesant environ 16 kg, la coupe Hope est constituée de quatre blocs de jaspe, le vaisseau étant supporté par trois blocs superposés, taillé, poli et gravé, d’une monture foisonnante où se détachent diverses figures en ronde-bosse ainsi qu’un décor végétal luxuriant en or repoussé et émaillé. Représenté chevauchant Pégase, Persée, muni de la tête de Méduse qu’il vient de décapiter, menace de sa lance le dragon, qui, agrippé au côté de la coupe, jette ses dernières forces dans l’action. Andromède, enchaînée à son rocher au niveau du nœud de la coupe, attend d’être délivrée.
Six néréides sont figurées sur le pied de la coupe tournoyant autour de la jeune fille, rappelant ainsi pourquoi elle devait être sacrifiée. Le bec de la coupe est couvert d’un cartouche en or émaillé orné en son centre d’un camée en jaspe figurant la tête de Méduse dont la chevelure de serpent, en or émaillé, s’entrelace dans la pierre. Sur le bord de la coupe sont assis deux génies qui portent des globes au naturel fendus évoquant les armes du commanditaire, Henry Thomas Hope (ndlr : Ce dernier a été propriétaire du célèbre diamant bleu, hérité d’Henry Philip Hope son oncle). Un rappel de l’épisode au cours duquel Persée trancha la tête de Méduse fait par ailleurs pendant à la figure d’Andromède, au revers de celle-ci sur le nœud de la coupe, et donne une nouvelle occasion à l’orfèvre de présenter des émaux aux dégradés de couleurs saisissants.
Jean-Valentin Morel est l’un des bijoutiers les plus reconnus de la génération romantique. Initié par son père, lapidaire, à la taille des pierres dures, puis à l’orfèvrerie par Adrien Vachette. Leur production, raffinée et d’une qualité technique irréprochable, les fit connaître lors des différentes expositions des produits de l’industrie - Morel remporta une médaille d’or en 1844. Ayant rompu avec Duponchel en 1848, Morel s’installa à Londres et s’entoura d’excellents collaborateurs comme Constant Sévin, Henri Fourdinois, ou encore l’émailleur Lefournier. Après son triomphe en 1851 à l’Exposition universelle de Londres, il rentra en France et s’installa à Sèvres, où il exécuta la coupe Hope.
- Coupe Hope, Poinçon : maître, Jean-Valentin Morel /Signature sur la base en jaspe : Morel/1855 © Musée d’Orsay
La composition de la coupe revient à Constant Sévin. Une aquarelle datée de 1854, dont il est probablement l’auteur, est conservée dans les collections Chaumet et permet d’apprécier quelques changements survenus durant l’exécution de la coupe sur la base d’orfèvrerie. La « sculpture » de la coupe, c’est-à-dire le modèle du décor émaillé, est dû à Alexandre Schoenewerk, sans doute aidé du sculpteur ornemaniste Willms. La ciselure a été confiée à Dalbergue, ciseleur réputé formé dans les ateliers de Vechte, et les émaux à un certain Richard de la manufacture de Sèvres. Enfin, le camée figurant la tête de Méduse a été exécuté par Jean-Baptiste Salmson, graveur en pierres fines et père du sculpteur Jules Salmson.
Cette œuvre est donc issue de la collaboration d’un nombre important d’artistes virtuoses dans leur domaine, sous la direction de Morel, dont il faut donc souligner la qualité d’ouvrier-fabricant, à une période où cela n’était plus le cas de tous orfèvres.
- Musée d’Orsay, la grande horloge intérieure
La coupe a été commandée par Henry Thomas Hope (1808-1862) quelques années avant l’exposition parisienne de 1855, sans doute dans le sillage de l’Exposition universelle de Londres, où les travaux de Morel avaient été très remarqués, plusieurs étant acquis par le Museum of ornamental art et par des amateurs anglais. Membre d’une riche famille de banquiers, Henry Thomas Hope se passionna pour les arts et rassembla une collection exceptionnelle. Il fut également membre de l’Art Union of London et de la Royal Botanic Society, et fut l’un des organisateurs de l’Exposition universelle de 1851, en tant que membre du jury de la 23ᵉ classe (joaillerie), ce qui explique en grande partie sa commande auprès de Morel.
Présentée aux expositions universelles de Paris en 1855 et de Londres en 1871, la coupe Hope apparaît comme un sommet de l’art lapidaire et le point d’orgue de la carrière de Jean-Valentin Morel, qui obtient en 1855 la grande médaille d’honneur.
L’œuvre représente un enrichissement exceptionnel pour les collections du musée d’Orsay, et est désormais l’un des chefs-d’œuvre de la collection, au même titre que la Toilette de la duchesse de Parme de Froment-Meurice ou le médaillier de Diehl.
Informations : www.musee-orsay.fr
Photo en logo : Coupe Hope, 1855, 65,5 x 50 x 22 cm © Musée d’Orsay