L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juillet 2017 aurait pu passer inaperçu et se perdre dans le flot des nombreux arrêts rendus dans les deux domaines susvisés. En réalité, c’est avec intérêt que nous découvrons que la haute cour est encore capable de développer des interprétations inédites des textes applicables à ces sujets. Si l’apport de l’arrêt visé est novateur et intrinsèquement lié à l’espèce, il n’en demeure pas moins que cela puisse être de nature à devenir une constante de la chambre commerciale tant ses développements reposent sur des arguments classiques et fondateurs.
Dans cette affaire, une banque avait consenti un prêt à une société au vu de la création d’un fonds de commerce. Le prêt avait été partiellement garanti par un cautionnement consenti par le dirigeant de la société. La société placée en redressement puis en liquidation judiciaire, le dirigeant était poursuivi par la banque au titre de l’acte de cautionnement, mais ce dernier mettait en cause la responsabilité de cette dernière pour manquement à son devoir de mise en garde.
Pour sa défense, la banque invoquait les dispositions de l’article L 650-1 du Code de commerce selon lesquelles « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».
En effet, la banque et notamment son conseil considéraient ici que la responsabilité bancaire ne pouvait être engagée dans la mesure ou le prêt consenti dans le but de financer la création d’un fonds de commerce n’était ni abusif, ni constitutif d’une fraude ou d’une immixtion caractérisée dans la gestion de l’entreprise. De plus le cautionnement pris était proportionné et adéquat à la situation.
Les banques ont quasiment tout le temps recours à ce procédé lorsqu’une société (généralement les PME) sollicitent un prêt bancaire. Le dirigeant qui se porte caution est un gage de sérieux et rassure les établissements bancaires. En pareille situation, le cautionnement est commercial et la caution bénéficie d’un droit à l’information. C’est bien sur ce dernier point sur lequel se basait le dirigeant en l’espèce, pour contester l’appel en garantie de la banque.
La chambre commerciale écartant ici l’argumentaire de la banque basée sur l’application stricte de l’article L 650-1 du Code de commerce, consiste à faire application de la notion de perte de chance pour la toute première fois à un cas d’appel en garantie de la caution (dirigeant) dans une situation où la société ayant contractée le prêt est placée sous le régime des procédures collectives.
Dans un arrêt en date du 20 octobre 2009 (n° 08-20-274), les juges du droit avaient estimé que le préjudice subi par la caution appelée en garantie pouvait ne pas résider dans le fait du prêt consenti mais bel et bien dans le fait de ne pas avoir permis à la caution d’éviter la situation dans laquelle elle se trouve. En d’autres termes, la perte de chance de ne pas avoir souscrit le cautionnement si elle avait été mise en garde sur les risques liés.
La nouveauté se retrouve dans le fait d’appliquer cette théorie dans le cas d’une société placée en liquidation et dont le dirigeant s’est porté caution d’un prêt souscrit par la société. Il est légitime de se demander dans quelle mesure le dirigeant d’une société peut-il prétendre ne pas avoir été informé et mis en garde du risque lié à l’endettement de la société et donc au risque de se porter caution. En effet, en sa qualité de représentant légal de la société, comment peut-il ne pas avoir été clairement informé ?
La Cour de cassation souhaite-t-elle durcir le ton à l’égard des banques y compris lorsqu’elles consentent des prêts à des professionnels ? Bien que ne prenant pas en considération les faits, a-t-elle simplement voulue rendre un arrêt « sanction » au regard des faits de l’espèce ?
En tout état de cause, si le raisonnement se veut simple, il n’en reste pas moins sévère.