1) Présomption de salariat.
En s’inspirant de la législation californienne, le projet de directive « sur l’amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateformes » propose l’instauration d’une présomption de salariat.
Un travailleur de plateforme doit être considéré comme un salarié lorsque sa situation répond à deux des critères suivants :
la plateforme fixe le niveau de rémunération ;
la plateforme impose au travailleur des contraintes spécifiques (apparence, comportement à l’égard du destinataire du service ou exécution du travail) ;
la plateforme supervise l’exécution du travail ou vérifie la qualité des résultats du travail, y compris par des moyens électroniques ;
la plateforme applique des sanctions au travailleur, organise son travail, limite sa liberté de choix de ses horaires de travail ou ses périodes d’absence, accepte ou refuse des tâches, refuse que le travailleur ait recours à des sous-traitants ou à des substituts ;
la plateforme restreint effectivement la possibilité du travailleur de se constituer une clientèle ou d’effectuer des prestations pour un tiers (Proposition de directive, art. 4).
2) Protection du travailleur contre une utilisation abusive des algorithmes.
La Commission européenne souligne en outre que l’utilisation des algorithmes par les plateformes numériques, officiellement dans le but de mettre en relation l’offre et la demande, emporte d’importantes conséquences sur leurs conditions de travail.
Ces algorithmes sont en effet aussi utilisés pour évaluer et contrôler le travail réalisé, comme l’illustre très clairement l’arrêt « Take eat easy » du 28 septembre 2018 de la chambre sociale de la Cour de cassation (Voir notre article Take it easy : un livreur à vélo est salarié selon la Cour de cassation).
Selon le projet de directive, le « management » des salariés par le biais des algorithmes doit donc faire l’objet de plus de « transparence ».
En complément de la directive 2019/1152 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne, l’article 6 de la proposition de directive du 9 décembre 2021 pourrait imposer aux Etats membres de créer une obligation d’information pour les plateformes numériques principalement sur :
les systèmes de contrôle automatisé utilisés pour surveiller ou évaluer le travail réalisé et les « performances » du travailleur ;
les décisions automatiques rendues par les algorithmes qui affectent significativement les conditions de travail des travailleurs de plateformes et leur rémunération.
3) Conséquences pratiques : tout travailleur de plateforme remplissant deux des critères indiqués ci-dessus au paragraphe 1) sera considéré comme salarié.
Le texte doit encore être discuté par le Conseil et le Parlement européen.
Sa modification peut donc aisément être envisagée.
Cependant, dans l’hypothèse où la présomption de salariat proposée par la Commission européenne était adoptée, elle entraînera un « changement de paradigme » [1].
Actuellement, en application de l’article L8221-6 du Code du travail, c’est en effet au travailleur de démontrer l’existence d’un lien de subordination avec la plateforme pour être qualifié de salarié (C. trav., art. L8221-6).
De son côté, le gouvernement poursuit la réflexion autour d’un statut spécifique aux travailleurs des plateformes (Voir le rapport de M. Frouin « Réguler les plateformes numériques de travail » [2].
Inversement, en cas de transposition de la présomption de salariat, telle que proposée le 9 décembre 2021 par la Commission européenne, tout travailleur de plateforme remplissant deux des critères indiqués ci-dessus au paragraphe 1) devra bénéficier de l’application du Code du travail et sera considéré comme salarié.
En cas de contestation, il appartiendra à la plateforme numérique de démontrer l’absence de lien de subordination.
La charge de la preuve pourrait donc être inversée, cette fois-ci, en faveur des travailleurs de plateforme.
Source :
Sur la requalification en contrat de travail des travailleurs des plateformes, voir nos articles :
Chauffeurs VTC / Uber : que demander devant le Conseil de prud’hommes.
Les chauffeurs UBER sont des salariés selon la Cour de cassation.