Forum : Questions techniques et entraide entre juristes

Sujet : CDD - Indemnité de précarité

Echanges sur des points de droit.
 

de Camille   le Dim 27 Déc 2009 21:09

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Bonsoir,

Il faut bien reconnaître que, dès qu'on commence à tripatouiller/décortiquer/consolider ces textes, pourtant assez simples en apparence, on arrive à des conclusions assez bizarres (y compris sur un point annexe au présent débat, lié à mon hypothèse de départ, d'ailleurs).
"En premier examen", comme on dit à l'Assemblée Nationale, j'aurais tendance à adopter la démarche historico-archéologique de Laure74, sauf qu'elle aboutit quand même à un hiatus.

L1243-2 au lieu du L1243-4 dans le D1243-1 ?
Ben non…
Parce que le L1243-4 ne traite que du seul cas de "la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur". Or, le D1243-1 ne traite que du seul cas où "le salarié rompt son contrat de travail à durée déterminée avant l'échéance du terme", donc à l'initiative du salarié.
Le D1243-1 se référerait alors plutôt au L1243-3.
Sauf qu'on ne va quand même pas accorder une prime de précarité à un salarié qui, par ailleurs, va devoir verser de douloureux "dommages et intérêts correspondant au préjudice [* gravissime *] subi" par l'employeur victime d'une rupture "à la hussarde" de son employé. Non mais, sans blague !
Donc, ça ne colle pas non plus.
Et quand bien même on admettrait cette hypothèse en dehors de toute logique, le D1243-1 resterait néanmoins imperturbablement incompatible avec le L1243-10 4°…


Et une chose est au moins certaine, tirée du raisonnement précédent, le D1243-1 ne peut s'appliquer que dans le cas où le salarié rompt prématurément pour un motif admis comme légitime. Or, à part le cas du L1243-2, je n'en vois pas d'autre, puisque même la force majeure semble exclue du dispositif par ce même article L1243-10 4°.
Bref…

La soluce ? Traduction en clair et après moult déductions :
Article L1243-2 façon Camille, consolidé avec le D1243-1 et le L1234-10 4°, et explicités ensemble :
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1243-1, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
En application du présent article et de l'article D1243-1, l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 1243-8 est calculée sur la base de la rémunération déjà perçue et de celle qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat… mais n'est pas à verser au salarié en application de l'article L1243-10 4°…

Le patron doit impérativement faire le calcul de l'indemnité, comme c'est dit au D1243-1, sous peine de sanction(s) grave(s) – voire gravissime(s) - , pour ensuite se la garder in ze pocket, comme c'est dit au L1243-10…
En somme (si je puis dire…)
:roll:

Sans parler de la curieuse ponctuation du D1243-1 :
Ce n'est pas écrit "Lorsque le salarié rompt son contrat de travail à durée déterminée avant l'échéance du terme en application de l'article L. 1243-2, l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 1243-8 …" mais "Lorsque le salarié rompt son contrat de travail à durée déterminée avant l'échéance du terme, en application de l'article L. 1243-2, l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 1243-8 …", ce qui pourrait ne pas s'interpréter du tout de la même manière…
Et pourrait bien s'interpréter : "Lorsque le salarié rompt son contrat de travail à durée déterminée avant l'échéance du terme, l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 1243-8, en application de l'article L. 1243-2, est calculée…"
Ce qui pourrait tout changer…
Parce qu'il n'empêche que dans cet article, le seul point incontournable et indiscutable est bien la formulation "Lorsque le salarié rompt son contrat de travail à durée déterminée… l'indemnité de fin de contrat… est calculée…"
Mais bon, je pinaille, peut-être... :wink:

Une autre chose est certaine également, quand bien même un texte de loi ou de code serait unanimement reconnu par les spécialistes comme complètement idiot, voire contradictoire avec un autre, un conseiller/juge est quand même tenu de s'y conformer et de l'appliquer.

Donc, si le client de Rom aime jouer au poker juridique, voire au poker menteur…
lol -)



P.S. : La circulaire n° 2002-8, comme son n° l'indique, date de 2002 et a donc été rédigée sous l'empire de l'ancienne mouture du code du travail à laquelle elle fait expressément référence ("En effet, la disposition de l’article L.122-3-4, d) prévoyant…"). Donc, on pourrait aussi dire que, depuis, il a coulé beaucoup d'eau sous le Pont Aux Ânes et, notamment, il y a eu la parution d'un nouveau code du travail, refondu et transformé…
B-l

   

de Camille   le Dim 27 Déc 2009 21:13

  • "Vétéran"
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  • Profession: Autre métier non lié au droit
Re,
Un autre point qui m'interpelle aussi, finalement, mais un peu hors sujet, c'est cette exclusion en cas de force majeure visée au L1243-10 4°.
Il est vrai que l'article L1243-4 limite un peu cette condition :
Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l'employeur.


"sinistre relevant d'un cas de force majeure" = (je suppose) incendie détruisant tous les locaux, inondations catastrophiques, destruction des locaux par secousses sismiques, etc., bref, tous événements suffisamment graves pour empêcher la poursuite normale des activités à plus ou moins brève échéance…


Mais quid d'autres cas de force majeure ? Lesquels pourraient priver le salarié de cette indemnité alors que, par définition d'un cas de force majeure quelle qu'en soit la source, le salarié n'y est pour rien - et l'employeur non plus - et alors que cas de rupture pourtant bien admis comme n'étant pas le cas de "rupture due à son initiative" visé juste au-dessus et alors que le salarié va bien se retrouver en situation de précarité après cette rupture.

Sauf, bien sûr, à ce que ce soit l'un ou l'autre qui ait volontairement flanqué le feu à l'usine ou ouvert les vannes du barrage en amont, l'un par vengeance ou pour se faire licencier ou l'autre pour toucher les assurances ou pour faire disparaître les traces d'une activité illégale clandestine ?
Et encore, si on lit bien le texte entre les lignes, le salarié pyromane/émule de Noé aurait bel et bien droit à son indemnité compensatrice de précarité, puisqu'on serait bien dans le cadre de cet alinéa qui n'exclut pas clairement l'acte criminel !
:roll:

D'autant qu'apparemment, tous ces textes parlent bien de la faute grave mais pas de la faute lourde, est-ce bien normal ? Alors qu'il me semble bien me souvenir, malgré mon Alzheimer naissant, que la Cour de cassation, elle, fait bien le distinguo…
8)

J'aime aussi la formule " Cette indemnité est à la charge de l'employeur."
Etant expressément à verser au salarié dans le cadre du code du travail et "relevant d'un" (pour reprendre cette expression sibylline) contrat du même nom, qui d'autre aurait bien pu en avoir la charge, alors que cette mention ne figure dans aucun autre article ?
B-l

 
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