En l’espèce, deux mineurs ont été déclarés coupables par le tribunal pour enfants d’avoir provoqué un incendie ayant partiellement détruit un immeuble. Par la suite, une personne a acquis ce bien endommagé en toute connaissance de cause. Ce nouveau propriétaire a tenté de se constituer partie civile devant la juridiction pénale afin d’obtenir réparation du préjudice résultant des dommages causés à l’immeuble, ainsi que des préjudices nés postérieurement à la vente et notamment la nécessité de sécuriser les locaux endommagés pendant les investigations judiciaires.
Le tribunal, suivi par la cour d’appel, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile devant la juridiction répressive. En effet, l’immeuble litigieux a été acquis postérieurement à la commission de l’infraction et en toute connaissance de cause. Insatisfait de cette décision, l’acquéreur se pourvoit en cassation.
Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était celle de savoir si un individu ayant acquis un bien endommagé en toute connaissance de cause peut se constituer partie civile devant la juridiction pénale afin d’obtenir réparation du préjudice résultant des dommages causés par l’incendie criminel ainsi que des préjudices nés postérieurement à la vente.
La Cour de cassation répond par la négative sur le fondement des dispositions du Code de procédure pénale. Elle affirme que « le nouveau propriétaire du bien, bien que cessionnaire des droits sur cet immeuble, ne peut demander, devant la juridiction pénale, l’indemnisation d’un préjudice résultant pour lui de la même infraction dès lors que, n’étant pas titulaire des droits de propriété au moment où elle a été commise, il ne peut avoir subi qu’un dommage indirect ».
Par cet arrêt, les juges du Quai de l’Horloge rappellent que l’exercice de l’action civile devant la juridiction pénale est un droit exceptionnel soumis à des limitations strictes (I). C’est la raison pour laquelle le nouveau propriétaire, victime d’un dommage indirect, ne peut se prévaloir d’une indemnisation (II).
I-Les strictes limites de l’action civile devant la juridiction pénale.
L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 février 2025 (n° 23-86.752) réaffirme une règle essentielle du procès pénal : l’action civile exercée devant le juge pénal constitue un mécanisme exceptionnel, strictement encadré par le Code de procédure pénale.
En effet, l’article 2, alinéa 1er du Code de procédure pénale dispose que : « l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».
Ce critère cumulatif (préjudice personnel, direct et actuel) vise à réserver l’accès à la juridiction répressive aux seules victimes immédiatement concernées par l’infraction, et non à celles qui en subiraient les effets de manière indirecte ou différée.
Cette exigence a été confirmée de manière constante par la jurisprudence. La Cour avait déjà affirmé, dans un arrêt du 9 novembre 1992 (n° 92-81.432), que : « L’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale » .
En l’espèce, cette rigueur se manifeste dans le refus d’admettre la constitution de partie civile du nouveau propriétaire d’un immeuble endommagé par un incendie volontaire.
II-L’absence de droit à l’indemnisation pour le nouveau propriétaire.
La Cour de cassation écarte les autres arguments avancés par le propriétaire, notamment l’existence d’un préjudice résultant de la nécessité de sécuriser les lieux endommagés après l’achat, ou encore la transmission de droits par un tiers. Acquéreur du bien après la commission de l’infraction et en pleine connaissance de l’état du bien, le nouveau propriétaire ne peut prétendre à une indemnisation devant le juge pénal. Le préjudice allégué, bien qu’économiquement réel, n’est pas directement causé par l’infraction à son encontre, mais résulte d’une situation antérieure que le nouveau propriétaire a accepté lors de l’achat.
Ainsi, en refusant l’extension de l’action civile à des tiers n’ayant pas subi personnellement le dommage initial, la Cour protège la finalité répressive du procès pénal et prévient une dérive indemnitaire susceptible d’en compromettre l’efficacité et l’équilibre. Ce principe vise à éviter une extension indue de l’action civile, au-delà de l’objectif premier de la répression, qui est de sanctionner dans l’intérêt public.
En somme, cet arrêt confirme la ligne constante de la Cour de cassation : l’action civile devant le juge pénal n’est ouverte qu’aux victimes d’un préjudice personnel et direct. Ce faisant, la haute juridiction rappelle les fondements d’une justice pénale centrée sur la répression de l’infraction et non sur la réparation de tous les dommages patrimoniaux découlant de celle-ci. La fonction du juge pénal ne saurait être étendue à l’indemnisation de toutes les implications économiques, parfois éloignées, d’une infraction pénale.
Ce refus d’accès à la juridiction pénale ne prive pas nécessairement le nouveau propriétaire d’une voie de recours, mais le renvoie vers le juge civil.