de
michel
le Jeu 11 Nov 2004 22:08
- "Vétéran"
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Profession: Avocat
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Bonjour,
JSM ayant demandé quelles règles déontologiques ont pu être violées, voici une situation vécue :
- Il s'agit d'une demande d'annulation de la vente d'un piano, le conjoint qui l'a vendu seul par l'intermédiaire d'un dépôt-vente pour financer sa demande en divorce ayant approuvé au-dessus de sa signature une clause comme quoi il déclarait en être le seul propriétaire.
Or il s'agissait d'un bien commun ; l'époux lésé fait assigner son conjoint, le dépôt vente et l'acquéreur final devant le TGI pour obtenir l'annulation de la vente et la restitution du piano.
Au préalable, il remplit un dossier de demande d'aide juridictionnelle, car il perçoit les minimums sociaux (équivalent RMI), et se trouve séparé judiciairement de son conjoint.
Le Bureau d'aide juridictionnelle ne répond pas, ne prend aucune décision.
Heureusement, il a un ami avocat, qui accepte de prendre son dossier, mais lui demande de se débrouiller seul au maximum.
Le demandeur qui est aussi juriste mais pas avocat, choisit un TGI distinct de celui qui ne décide toujours pas de l'AJ, mais cependant compétent car c'est celui de l'acquéreur final et du dépôt vente ; il rédige un projet d'assignation et la fait délivrer par l'huissier compétent, en mentionnant bien la constitution d'avocat, il transmet une copie à son avocat.
Puis, comme ce TGI est saisi, le BAJ de ce TGI, distinct de celui de son domicile, devient compétent : il y dépose une demande d'AJ, qui est acceptée, ce qui permet à son avocat de prendre son dossier à l'AJ;
Problème : l'avocat du dépot vente, invoquant la déontologie, se plaint auprès de l'avocat du demandeur, plus jeune que lui au barreau, que le projet d'assignation ne lui a pas été communiqué préalablement à la délivrance de l'assignation à son client : menaçant le confrère de porter l'affaire devant le bâtonnier, il obtient de lui une lettre comme quoi l'assignation n'a pas été préparée par lui ; l'avocat du dépot vente produit cette lettre entre avocats en justice devant le TGI, dans l'affaire du piano (cette lettre ne comporte même pas la mention "officielle" ainsi que 2 autres correspondances entre avocats.
Le TGI rend son jugement sur le fondement de ces lettres entre avocats : il en conclut que l'assignation n'émanant pas de l'avocat alors qu'il y avait obligation de représentation, l'assignation est nulle, et pire encore, le TGI en a déduit qu'étant nulle, l'assignation est inexistante, qu'elle n'a pas pu interrompre le délai de prescription abrégé (1 an), donc que les faits sont prescrits.
BIen entendu, le demandeur a ensuite fait appel invoquant la violation de l'article 66-5 de la loi de 1971 sur les avocats, il demande que les correspondances entre avocats soient écartées des débats, et il démontre que l'assignation est parfaitement valable : en la plaçant auprès du tribunal, l'avocat s'est approprié le négotium, quant à l'instrumentum, c'est un acte d'huissier, pas un acte d'avocat. Il demande donc des dommages intérêts supplémentaires au dépôt vente (et non à son avocat) pour production en justice de pièces interdites par la loi.
L'affaire pourra être jugée à nouveau en 2006 ou 2007.... Heureusement, le TGI n'avait pas prononcé d'exécution provisoire des 3000 euros d'article 700 et de dépens qu'il avait infligés au demandeur...
Une telle affaire ne peut que susciter des réactions négatives des justiciables envers la déontologie des avocats et leur privilège de juridiction devant le bâtonnier pour les honoraires, et obligation de représentation par un avocat (leur confrère...) dès qu'il faut engager leur responsabilité devant les tribunaux.
Remarquons que jusqu'à la loi nouvelle de février 2004, aucune correspondance entre avocats ne pouvait être produite en justice, malgré la disposition de certains règlements intérieurs de barreaux qui prévoyaient que ces lettres pouvaient être produites si elle comportaient la mention "officielle" (la clause correspondante de ces réglements a même été annulée comme illégale...). La loi de février 2004 prévoit dorénavant que ces lettres ne pourront être produites en justice que si elles comportent cette mention "officielle".
Je vous laisse imaginer le préjudice causé si la cour d'appel rend un mauvais arrêt et que le justiciable doit se pourvoir en cassation pour obtenir ses droits.
Il faut souligner par ailleurs que le premier bureau d'aide juridictionnelle, celui qui ne répond pas, n'a toujours pas répondu à ce jour ; d'ailleurs, depuis les 3 ou 4 années qui se sont écoulées, il a subi un incendie, des dossiers ont été détruits, on n'en connaît pas l'état exact...
Cordialement.