Insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

Par Houssam Hassani, Juriste.

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Explorer : # insaisissabilité # liquidation judiciaire # résidence principale # droits des créanciers

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La Cour de cassation a confirmé que la résidence principale d'un entrepreneur en liquidation judiciaire est insaisissable et ne fait pas partie du gage commun des créanciers. Les indemnités pour réparation affectées à cette résidence échappent également au liquidateur, renforçant ainsi la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur.
Description rédigée par l'IA du Village

Il ressort des dispositions des articles L526-1 et L641-9 du Code de commerce que l’immeuble insaisissable de plein droit appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire n’entrant pas dans le gage commun de ses créanciers, le liquidateur n’est pas investi par l’effet du jugement d’ouverture du pouvoir d’accomplir les actes de disposition et d’administration sur ce bien de sorte qu’étant sans qualité pour agir en réparation des désordres affectant cet immeuble, il ne peut obtenir le versement de l’indemnité allouée à ce titre qui n’entre pas dans le gage commun des créanciers.

Tel est le sens de l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 30 avril dernier (Cass. Com. 30 avril 2025, n°24-10.680).

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Faits et procédure.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte par le Tribunal de commerce de Saint-Etienne le 11 octobre 2017 à l’encontre d’un mécanicien.

Avec son épouse, le mécanicien a obtenu une indemnité judiciaire (par un jugement du 18 janvier 2018) d’un montant de 36 680,80 euros, correspondant aux désordres qui ont affecté la toiture de leur résidence principale.

Du fait de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et des effets de celle-ci, le liquidateur judiciaire a sollicité la banque détentrice des fonds alloués au couple, leur renversement entre ses mains.

Ce à quoi le couple a assigné en justice le liquidateur judiciaire aux fins de la restitution des fonds querellés.

Le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a fait droit aux demandes du couple. Toutefois, la Cour d’appel de Lyon a infirmé cette décision dans son arrêt du 9 novembre 2023 [1].

Dans leur pourvoi, le couple soutenait que l’indemnité versée au titre de la réparation de désordres affectant la résidence principale de l’entrepreneur individuel, en raison de son insaisissabilité de plein droit, ne peut pas être compris dans le gage des créanciers.

La Cour de cassation a suivi ce raisonnement en retenant que l’immeuble insaisissable de plein droit appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire n’entrant pas dans le gage commun des créanciers, le liquidateur judiciaire, dépourvu de pouvoir d’administration et de disposition sur ce bien en vertu du jugement d’ouverture, est sans qualité pour agir en réparation des désordres l’affectant. Il ne peut, dès lors, prétendre au versement de l’indemnité correspondante, celle-ci échappant également au gage commun des créanciers.

A la lecture de ce dispositif, on retient que la cour confirme l’exclusion de la résidence principale, insaisissable, du gage commun des créanciers dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (I), d’une part, et rappelle les limites de mission du liquidateur judiciaire (II).

I- L’exclusion de la résidence principale insaisissable du gage commun des créanciers.

L’une des particularités de la procédure de liquidation judiciaire par rapport aux autres procédures de traitement des difficultés d’une entreprise, c’est la disparition de l’entreprise défaillante. Pour cela, la principale problématique qui se pose réside sur la liquidation des actifs de la société afin de désintéresser les potentiels créanciers. Tous les biens du débiteur (du moins ceux qui relèvent de son activité professionnelle) constituent ce qu’on appelle le “gage commun des créanciers”.

Toutefois, la loi interdit la cession de certains biens telle que la résidence principale du débiteur, sauf cas exceptionnels.

Au cas d’espèce, la question portait essentiellement sur les indemnités judiciaires reçues par le couple suite au remboursement résultant des désordres affectant la toiture de leur résidence principale.

En effet, c’est au visa des articles L526-1 et L641-9 combinés du Code de commerce que la Cour de cassation a fondé sa décision. La cour a tenu à rappeler que l’immeuble qui constitue la résidence principale d’un entrepreneur placée dans une procédure de liquidation judiciaire n’entre pas dans le gage commun des créanciers, et ce a fortiori, lorsque l’entrepreneur défaillant avait gardé le libre exercice de ses droits et actions sur l’immeuble litigieux, mais aussi, sur les indemnités destinées à assurer la réparation de celui-ci.

À travers cet énoncé, on retient que la cour ne limite pas l’insaisissabilité à la seule résidence principale de l’entrepreneur, mais l’étend également aux indemnités destinées à la réparation des désordres l’affectant. Ces indemnités, allouées dans une procédure distincte de celle de la liquidation judiciaire, échappent donc, elles aussi, au gage commun des créanciers.

Cette position de la Haute juridiction ne fait que renforcer les droits de l’entrepreneur sur sa résidence principale.

Rappelons également que les entrepreneurs ont vu la protection de leur patrimoine être renforcée par la loi du 14 février 2022 [2].

II- La restriction des pouvoirs du liquidateur judiciaire sur les biens insaisissables.

En excluant la résidence principale de l’entrepreneur du gage commun des créanciers, la Cour de cassation a tenu également à rappeler les prérogatives dont bénéficie le liquidateur judiciaire à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Selon la cour, par l’effet de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur n’est pas investi du pouvoir d’accomplir les actes de disposition et d’administration sur l’immeuble litigieux, de sorte qu’étant sans qualité à agir en réparation des désordres affectant cet immeuble, il ne peut obtenir le versement de l’indemnité allouée à ce titre qui n’entre pas dans le gage commun des créanciers.

Il ressort de l’article L641-9 que les pouvoirs du liquidateur se limitent aux biens affectés à l’activité professionnelle du débiteur. Le patrimoine personnel, incluant ici la résidence principale insaisissable, demeure en dehors de sa compétence, sauf disposition contraire. Il ne peut donc prétendre obtenir les indemnités afférentes à la réparation de ce bien.

À la lecture de cette disposition, il apparaît clairement que seuls les droits et actions portant sur le patrimoine du débiteur affecté à son activité professionnelle relèvent des pouvoirs du liquidateur. En revanche, les droits et actions relatifs au patrimoine personnel demeurent de la compétence exclusive du débiteur, sans que le liquidateur puisse y prétendre ou y intervenir.

D’ailleurs, l’alinéa 2 du même article prévoit que

le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l’administrateur lorsqu’il en a été désigné”.

La position de la Cour de cassation s’aligne parfaitement sur l’objectif visé par cet article. Dès lors que l’immeuble litigieux ne rentre pas dans le gage commun des créanciers, mais reste dans la sphère du patrimoine non affecté à l’activité professionnelle du débiteur, le liquidateur ne peut pas, sauf à aller à l’encontre de cette disposition, prétendre s’approprier des indemnités destinées à la réparation de la toiture de l’immeuble des époux.

Toutefois, le souhait du liquidateur qui attend, désintéresser les différents créanciers, peut légitimement être compris notamment lorsque le passif à apurer est très élevé et que l’actif à vendre apparaît minime. Ce sont de facto les intérêts des créanciers qui sont menacés.

Néanmoins, dès lors qu’il est établi sans ambiguïté que l’immeuble constituant la résidence principale du débiteur est affecté au patrimoine personnel de l’entrepreneur, sans qu’une dérogation ait eu lieu antérieurement à l’ouverture de la procédure, il n’est nullement possible de s’affranchir de cette règle.

Il appartient dès lors aux créanciers de demander au débiteur de déroger au principe insaisissabilité de la résidence principale au moment d’entrer en affaire avec lui, afin de se protéger d’une éventuelle défaillance du débiteur.

Conclusion.

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme une ligne jurisprudentielle cohérente et protectrice du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, en particulier de sa résidence principale. En rappelant que le liquidateur n’a pas qualité pour agir sur un bien exclu du gage commun des créanciers, la cour réaffirme l’étanchéité entre les patrimoines professionnel et personnel, telle que voulue par le législateur, notamment depuis les réformes de 2022.

Cette solution, si elle peut heurter les attentes des créanciers en quête d’actifs à réaliser, est l’aboutissement logique d’un principe d’insaisissabilité renforcé par la loi, auquel seul le débiteur peut renoncer expressément. Elle invite ainsi les créanciers à faire preuve de diligence en amont, en exigeant, le cas échéant, la renonciation à cette protection lors de la conclusion du contrat.

Houssam Hassani,
Diplômé d’un master en droit bancaire

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Notes de l'article:

[1Cour d’appel de Lyon, 9 novembre 2023, 22/02931.

[2Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante.

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