Captation de l’image de Marine Le Pen dans le cadre de sa vie privée et diffusion sur TikTok.

Par Jonathan Pouget, Avocat.

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Explorer : # atteinte à la vie privée # droit pénal # liberté d'expression # responsabilité civile

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Cet article rappelle que la captation d'images d'une personne dans un lieu privé sans son consentement est un délit passible d'emprisonnement et d'amende. La diffusion de ces images sur les réseaux sociaux aggrave l'infraction, notamment lorsqu'elle vise une personne publique. Des sanctions juridiques et disciplinaires s'appliquent.
Description rédigée par l'IA du Village

Le 18 mai 2025, une vidéo virale publiée sur TikTok montrait Marine Le Pen recevant un colis à son domicile, filmée à son insu par une livreuse. Cette vidéo, qui cumule plusieurs millions de vues, soulève une problématique juridique de taille : filmer une personne dans un lieu privé et diffuser ces images sans son consentement est-il légal ? Quelles sont les responsabilités pénales, civiles et professionnelles de l’auteur de cette captation et de son employeur ?

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I. L’atteinte à l’intimité de la vie privée par captation d’image.

La captation d’images d’une personne se trouvant dans un lieu privé sans son consentement constitue une infraction pénale prévue à l’article 226-1, 2° du Code pénal :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait […] de fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

Le lieu privé inclut le domicile, mais également tout espace où l’accès est limité ou contrôlé, comme une cour fermée ou même une pièce d’habitation visible de l’extérieur [1]. Il est donc certain que la scène filmée à l’entrée d’un domicile est couverte par cette protection.

La diffusion ultérieure de cette vidéo sur un réseau social sans autorisation aggrave la situation juridique de l’auteur.
L’article 226-2 du Code pénal dispose en effet :

« Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers […] tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 ».

En l’espèce, la vidéo a été captée à l’insu de la personne filmée, dans un lieu privé, puis diffusée massivement sur TikTok, ce qui caractérise l’infraction.

II. Une atteinte d’autant plus répréhensible qu’elle vise une personne titulaire d’un mandat électif.

Depuis la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 (art. 4), les peines prévues à l’article 226-1 du Code pénal sont portées à deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique, titulaire d’un mandat électif ou d’un membre de sa famille.

Marine Le Pen, députée et présidente d’un groupe parlementaire, entre clairement dans le champ de cette protection renforcée.

III. La liberté d’expression ne saurait justifier une telle atteinte.

La Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt fondamental du 24 juin 2004 [2], rappelle que :

« Toute personne, même connue du grand public, doit pouvoir bénéficier d’une espérance légitime de protection et de respect de sa vie privée ».

Ainsi, si la liberté d’expression couvre la publication de photos ou de vidéos, cette liberté connaît des limites strictes lorsqu’il s’agit d’images prises dans un lieu privé et de nature à porter atteinte à la vie privée.

Dans cette affaire, il ne s’agit nullement d’un débat d’intérêt général, mais d’une captation gratuite, dans un contexte quotidien sans lien avec une quelconque actualité politique.

IV. Le rejet de la QPC sur les articles 226-1 et 226-2.

La Cour de cassation a déjà jugé que la question prioritaire de constitutionnalité visant à contester les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal n’était pas sérieuse (Civ. 1re, 5 févr. 2014). En effet, ces dispositions sont compatibles avec la liberté d’expression, dès lors qu’elles visent uniquement des captations clandestines portant atteinte à l’intimité de la vie privée. Elles n’ont pas une portée générale et absolue, et n’excluent pas la liberté de la presse dès lors qu’elle ne méconnaît pas les droits fondamentaux d’autrui.

V. La responsabilité potentielle de l’employeur.

Outre la responsabilité personnelle de la livreuse, son employeur pourrait également voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1242, alinéa 5 du Code civil :

« Les maîtres et les commettants [sont responsables] du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »

L’acte a été commis pendant le temps de travail, potentiellement avec un matériel professionnel (le téléphone ayant servi à confirmer la livraison), et dans le cadre d’une prestation de livraison. L’abus de fonction ne pourra être caractérisé que si l’on démontre que la salariée a agi hors de toute autorité et de toute mission confiée. En pratique, cela pourrait difficilement exonérer totalement l’employeur de sa responsabilité civile envers la personne lésée.

VI. Sanctions disciplinaires et prud’homales.

Le comportement de la livreuse constitue à tout le moins une faute disciplinaire. L’entreprise peut prononcer un licenciement pour faute simple, grave ou lourde, selon son degré de tolérance et les usages internes. Le caractère public et volontaire de la violation de la vie privée d’un tiers, aggravé par le fait qu’il s’agit d’une personne publique, pourrait justifier un licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.

VII. Droit à l’effacement et actions ouvertes à la victime.

Marine Le Pen dispose d’un droit à l’effacement de la vidéo (droit au déréférencement et à la suppression), ainsi que d’une possibilité d’action en référé devant le juge civil pour obtenir le retrait immédiat sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile. Une plainte pénale pour atteinte à la vie privée est également envisageable.

Conclusion.

Le cas d’espèce illustre une dérive inquiétante du numérique, où l’instantanéité des réseaux sociaux pousse certains à ignorer les frontières élémentaires du droit à la vie privée.
Le droit positif est pourtant clair : capter l’image d’autrui dans un lieu privé sans son accord, et la diffuser, constitue un délit pénalement et civilement sanctionné. L’excuse de la viralité ne saurait être opposée à la dignité de la personne humaine.

Jonathan Pouget
Avocat au barreau d’Aix-en-Provence
DPO et Docteur en droit
jonathan chez pouget-avocat.fr
Site Web : https://pouget-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1Crim. 25 avr. 1989, n° 86-93.632.

[2CEDH, 24 juin 2004, Von Hannover c/ Allemagne.

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