Experts judiciaires : des professionnels au service de la justice.

Clarisse Andry
Rédaction du Village de la Justice

Qui sont les experts judiciaires ? Souvent cantonnés, par les médias, à la matière pénale, ils sont pourtant sollicités dans tous les types de procédures judiciaires ou administratives. Leur rôle : apporter un avis technique au juge, afin de lui donner des éclaircissements dans un dossier.
Exercée comme une activité annexe, pourquoi un professionnel se lance t-il dans l’aventure de l’expertise de justice ? « Parce que c’est passionnant », répondent Didier Faury, expert-comptable et président du Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ) [1], et Robert Giraud, son vice-président et ingénieur de profession.

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« Nous participons au fonctionnement de la justice »

L’expert de justice est avant tout un professionnel reconnu dans son métier, ayant acquis une spécialité grâce à son expérience professionnelle. C’est cette expérience qu’il va mettre au service de la justice, première motivation des experts judiciaires, pour Didier Faury : « Nous avons vraiment l’impression de participer au fonctionnement de la justice, et c’est un plaisir noble, qui s’inscrit dans un coin de notre vie professionnelle ». Toutes les disciplines peuvent être représentées (architecture, ingénierie, comptabilité, médecine, …) dès lors qu’elles peuvent aider les magistrats dans l’instruction de leurs dossiers. « Les experts sont toujours là pour démontrer des faits » confirme le président du Conseil.

Didier Faury, président du CNCEJ

Car c’est le juge qui nomme l’expert afin qu’il lui apporte son analyse sur des éléments précis et techniques d’un dossier. Pour ce faire, il doit être inscrit sur les listes tenues par les cours d’appel au niveau régional, et la Cour de cassation au niveau national. « L’expert doit présenter un dossier de candidature soumis à l’appréciation souveraine de chaque cour d’appel, explique Didier Faury. Il y a une enquête de police et une enquête du parquet, et les dossiers des candidats sont également soumis aux compagnies d’experts pour avis. En général, on ne présente pas un dossier d’inscription avant 35 ou 40 ans, parce qu’il faut avoir un parcours professionnel déjà réussi. ». Robert Giraud souligne que « certaines cours d’appel exigent aussi une formation préalable à l’expertise judiciaire, dispensée par des magistrats. »
Si la candidature est acceptée, l’expert est inscrit pour une période probatoire de trois ans. A l’issue de cette période test, il doit représenter une demande d’inscription, pour une période de cinq ans, renouvelable tant que la cour d’appel l’estime nécessaire.

Quant à la liste de la Cour de cassation, il s’agit d’une liste « de prestige », plus restreinte et regroupant les experts les plus confirmés, qui interviennent sur les affaires les plus difficiles.

Une organisation de la profession au niveau régional et national

N’étant pas une profession réglementée, la loi a organisé l’expertise, mais pas la profession d’expert. Les professionnels ont donc pris les choses en main, en créant très tôt des compagnies, soit au niveau régional, toutes spécialités confondues, soit au niveau national par discipline.
Vient ensuite le Conseil national des compagnies d’experts de justice, qui fédère ces institutions sous une entité unique. « Le Conseil national regroupe 80 compagnies nationales ou régionales, et représente 10 à 11.000 experts, sur 13.000 en France, explique Didier Faury. Nous sommes le seul organisme national avec une telle représentativité et l’interlocuteur naturel de la Chancellerie ».

Robert Giraud, vice-président du CNCEJ

Avec cette position privilégiée, le CNCEJ s’est d’ailleurs vu confier la mise en place d’un nouveau système de dématérialisation de l’expertise avec le logiciel OPALEXE. « Cette dématérialisation concerne à la fois les avocats, les experts et les magistrats, souligne Robert Giraud. La Chancellerie nous a ainsi délégué le déploiement de ce logiciel sur le plan national, l’organisation de formations de correspondants au sein des compagnies ainsi que des avocats. »
Le CNCEJ a également signé, le 15 juin 2016, une convention avec le Conseil national des barreaux, afin de mettre en place une communication entre OPALEXE et le RPVA et de faciliter la communication entre les deux systèmes.

Un système à la française « qui fonctionne »

Comme toutes les professions qui composent le système judiciaire, les experts sont également confrontés à certaines difficultés – et notamment dans l’expertise pénale. Faibles rémunérations, retard dans les paiements, modification de leur régime de protection sociale en décembre 2015 – entrainant une levée de boucliers des experts salariés d’hôpitaux publics [2], ...
Mais le tableau n’est pas si noir pour Didier Faury : « Aborder l’expertise par l’expertise pénale tarifée peut donner l’image d’un système défaillant. Pourtant ce système à la française, quand on parle d’expertise civile, ne fonctionne pas si mal que ça, notamment quand on le compare au système anglo-saxon. C’est un système assez équilibré, au service du justiciable ».
Le CNCEJ organise d’ailleurs un congrès à Strasbourg, le 25 septembre prochain, sur l’expertise en Europe, afin de confronter les différents systèmes des États européens et « d’entendre les institutions européennes quant à leur perception de l’expertise en Europe et à leur vision de son évolution ».

Président et vice-président ont donc confiance en leur système. Leur inquiétude : la relève. « On participe à la vie citoyenne de son pays, et nous avons aussi plaisir à nous retrouver, à échanger, … Mais est-ce que cela se retrouvera chez les plus jeunes ? » s’inquiète Didier Faury.
« Ce qu’il faut, c’est les encourager, et mettre en avant tout ce qui nous anime, affirme Robert Giraud. Nous avons l’impression d’être utiles à la vie publique. »

Clarisse Andry
Rédaction du Village de la Justice

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Notes de l'article:

[1Le Conseil national des compagnies d’experts de justice a été créé en 1931, et a pour but notamment de regrouper les compagnies constituées par les experts inscrits sur les listes des juridictions judiciaires ou administratives, d’étudier toutes les questions concernant l’expertise judiciaire en vue de parvenir à une unité de doctrine et à une unification des méthodes et procédures expertales, ou encore de centraliser les suggestions et doléances des Compagnies, d’assurer la défense de leurs intérêts moraux et matériels et de les représenter en toutes circonstances et devant toutes administrations et juridictions.

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Discussion en cours :

  • par Sagace , Le 28 juin 2016 à 20:33

    Je connais un expert judiciaire attaché à la Cour d’Appel à Paris. Il a prêté serment voici des années et est un des éminents représentants de sa profession.
    Son activité principale est de proposer des contrats à des particuliers mal informés par leur notaire. Contrats illégaux par simple lecture du Code de la Consommation ou de Commerce. Mais il bénéficie de l’indépendance de magistrats à l’égard des lois, qui lui ont concocté des jurisprudences de règlement pour lui permettre de perpétrer ses lucratives affaires. Il s’est même vanté publiquement de bénéficier de la violation du secret professionnel notarial, ce qui bénéficie à l’essentiel de son C.A. Cela se passe aussi comme ça dans le monde du droit. Allez-vous encore censurer ?

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