Leguide.com : requalification de l’activité commerciale de comparateur de prix en activité publicitaire.

Par Antoine Cheron, Avocat.

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Explorer : # pratiques commerciales trompeuses # protection du consommateur # activité publicitaire # commerce électronique

A l’occasion de la requalification de l’activité commerciale d’un site comparateur de prix en une activité publicitaire, la Cour de cassation réitère sa conception relative au respect de l’intégrité du consentement du consommateur en présence d’une pratique commerciale trompeuse et déloyale. (Chambre commerciale 4 décembre 2012 - Les sociétés Pewterpassion et Saumon’s c/ Leguide.com)

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Face au développement continu de l’économie numérique et afin de ne pas rester trop en arrière par rapport à certains grands pays où le commerce en ligne est déjà très avancé, les pouvoirs publics français et européens mènent depuis quelques années une politique de protection du consommateur-internaute très efficace. En effet, grâce aux efforts conjugués du législateur et de la jurisprudence pour encourager et susciter la confiance du consommateur dans l’utilisation du commerce électronique, la part de marché du commerce sur l’internet s’accroît à un rythme exponentiel.

Dans un récent arrêt en date du 4 décembre 2012, la Chambre commerciale vient confirmer cette politique de protection du consommateur. A l’occasion de la requalification de l’activité commerciale d’un site comparateur de prix en une activité publicitaire, la Cour de cassation réitère sa conception relative au respect de l’intégrité du consentement du consommateur en présence d’une pratique commerciale trompeuse et déloyale.

En l’espèce, les sociétés Pewterpassion et Saumon’s avaient engagé une action en justice contre le site comparateur de prix, Leguide.com., avec lequel elles avaient conclu un contrat de référencement prioritaire (payant), permettant à leurs produits d’être présentés avant ceux d’autres concurrents. Cependant, le contrat fut très rapidement dénoncé par les sociétés Pewterpassion et Saumon’s avec pour conséquence un nouveau référencement automatique, gratuit cette fois et donc sans priorité par rapports aux autres produits.

Dès lors, ne bénéficiant plus du référencement prioritaire et le site Leguide.com continuant d’utiliser certaines de leurs données (mots et images), les sociétés Pewterpassion et Saumon’s ont estimé avoir subi un dommage financier du fait que les internautes cliquant sur leurs données étaient systématiquement redirigés vers des sites concurrents, c’est-à-dire vers les e-marchands bénéficiant d’un référencement prioritaire, classant leurs produits de façon prioritaire avant ceux des autres.

Ainsi, les sociétés Pewterpassion et Saumon’s sollicitent principalement la condamnation de la société Leguide.com à identifier sur ses sites les espaces dans lesquels sont référencés de manière payante les marchands et les produits, comme étant un contenu à caractère publicitaire, dans le respect de l’article 20 de la loi du 21 juin 2004. Puis, de faire constater que cette absence d’identification claire du référencement prioritaire constitue une pratique commerciale trompeuse et déloyale, altérant le consentement du consommateur. La cour d’appel de Paris a fait droit à ces demandes dans son arrêt du 28 septembre 2011, condamnant la société Leguide.com à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts. La Chambre commerciale ne fera que confirmer cette décision.

L’activité publicitaire des comparateurs de prix

Parmi les prestations proposées par le site Leguide.com figure celle permettant à des sites e-marchands de bénéficier d’un référencement prioritaire de leurs produits, moyennant le versement d’une rémunération en fonction du nombre de clics des internautes.

Pour la société Leguide.com, cette activité commerciale ne fait qu’indexer les sites des e-marchands ainsi que leurs offres dans des moteurs de recherche et annuaires, elle n’exerce donc aucune sollicitation du public et ne fait par conséquent aucune publicité. En d’autres termes, il n’y aurait aucune surprise pour l’internaute, celui-ci étant d’ailleurs « très précisément informé » de la manière dont il peut distinguer les marchands payants de ceux qui sont gratuits grâce à l’existence d’un lien intitulé « en savoir plus sur les résultats ».
Cette argumentation n’a pas convaincu la Chambre commerciale qui a confirmé l’activité publicitaire du site Leguide.com. Pour ce faire, elle constate que pour être informé de la distinction opérée entre les deux types de référencement, payant et gratuit, l’internaute est contraint de consulter les termes « en savoir plus sur les résultats », ce qui le renvoyait sur une autre page Internet. Or, en proposant ce renvoi, Leguide.com assurait indirectement la promotion des seuls e-marchands disposant d’un contrat de référencement prioritaire, puisque leurs produits étaient en priorité présentés aux internautes.

La solution retenue par la Cour de cassation coïncide avec une décision rendue par la CJUE le 5 juillet 2012 venue mettre en cause la pratique du lien hypertexte destiné à informer le consommateur (aff. 49/11, 3e ch., Content Services Ltd). L’arrêt du 5 juillet 2012 vient préciser que la pratique du lien hypertexte ne satisfait pas aux exigences des articles 5, § 1 de la directive du 20 mai 1997 et L.121-19 du Code de la consommation, lesquels précisent que les informations doivent être « fournies » et « reçues » par le consommateur, ce qui n’est pas le cas lorsque celui-ci est obligé pour y accéder, de cliquer sur un lien qui, de plus, le renvoie sur une autre page.

La protection du consommateur et l’exigence d’une identification claire de la publicité
Une fois admise l’activité publicitaire du site Leguide.com et l’absence d’identification de cette publicité en tant que telle, il ne reste plus à la Chambre commerciale qu’à en tirer les conséquences : l’internaute est « orienté d’abord vers les produits et e-marchands payants », ce qui le prive de « critères objectifs de choix ». L’orientation de son consentement puis la privation de critères objectifs de choix sont susceptibles d’altérer de manière substantielle son comportement économique. Par conséquent cette pratique commerciale sera qualifiée de déloyale et trompeuse en application des articles L.120-1 et L.121-1 du Code de la consommation.

Dans son pourvoi la société Leguide.com faisait valoir que la cour d’appel s’était prononcée sur des motifs purement abstraits pour retenir l’existence d’une altération substantielle du comportement économique du consommateur. Se fondant sur les articles 1er, 5, 6 et 7 de la directive européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, la cour d’appel aurait dû, selon la requérante, se livrer à une vérification concrète de ce que la pratique contestée était susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique. En tous les cas, selon le site Leguide.com les juges du fond auraient dû rechercher concrètement si la pratique litigieuse a conduit un nombre significatif de personnes à « acheter le produit sur la foi du message trompeur ».

L’argumentation développée par le site Leguide.com s’inspire directement de l’arrêt Kelkoo rendu le 29 novembre 2011 par la même Chambre de la Cour de cassation. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale avait censuré l’arrêt d’appel qui avait qualifié de pratiques déloyales et trompeuses l’omission de certaines informations essentielles concernant les produits sur le site Kelkoo, sans vérifier si ces omissions étaient susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

La Chambre commerciale a donc refusé de statuer dans la présente affaire comme elle avait pu le faire dans l’affaire Kelkoo. D’une part, dans l’affaire Leguide.com les textes relatifs à l’identification claire de toute publicité ne comportent pas d’ambiguïté d’interprétation et d’autre part, contrairement au site Kelkoo où il était clairement indiqué sur la page Internet « nous sommes une plate-forme permettant aux internautes de comparer les offres de nos partenaires e-marchands  », le site Leguide.com ne faisait aucune allusion à l’existence de référencements payants.

Antoine Cheron

ACBM Avocats

acheron chez acbm-avocats.com

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