Le changement de marque nominative « Les Aéroports de Paris » en « Paris Aéroport » : beaucoup de bruit pour rien.

Par Dominique Summa, Avocat.

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Explorer : # changement de marque # propriété intellectuelle # validité juridique # marketing

La nouvelle marque Paris Aéroport, marque déceptive, à la limite valable, peut-elle redorer la réputation des aéroports de Paris et persuader les usagers de la « qualité d’accueil à la française » prônée par l’établissement ?
La marque - signe distinctif d’une activité commerciale, production ou prestation de services - valeur patrimoniale est-elle aussi une « baguette magique ? ». Il est permis d’en douter. Une opération de communication ne suffit pas.

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I- L’annonce médiatique du changement de marque nominative

Le 14 avril 2016, la Tribune annonçait la nouvelle dénomination des Aéroports de Paris en « Paris Aéroport » indiquant que cette marque destinée aux voyageurs devrait « incarne(r) les promesses de qualité de services et instaure(r) un cercle vertueux dans la relation avec nos clients ».
A cette nouvelle dénomination, ont été adjoints, une signature « Paris aéroport, Paris vous aime » et un nouveau logo qui rappelle à la fois l’éclatement d’une patrouille aérienne et la Tour Eiffel.

Force est de constater le caractère très déceptif de cette pseudo nouvelle dénomination, dépourvu d’originalité, à la limite non valable par l’utilisation plurielle du nom de la Ville de Paris outre du modèle de la Tour Eiffel (II). Et de proposer des pistes pour donner aux aéroports de Roissy et d’Orly, une meilleure opinion de l’accueil des touristes – les Chinois étant visés - à Paris - sans la nécessité d’avoir un Ministre pour les accueillir à la descente de leur avion (III).

II- Validité d’une marque comportant le nom d’une ville

Il n’y a pas si longtemps, il était interdit d’utiliser les noms d’un pays ou d’une ville dans une marque.
Les foudres du syndicat des parfumeurs à l’époque du lancement du parfum « Paris » d’Yves Saint Laurent sont mémorables. Un usage étant de ne pas prendre de noms des localités comme marque de parfum. Souvenons-nous de « Soir de Paris » aujourd’hui disparu.
Le conflit se termina par l’introduction du sigle YSL dans le nom Paris et la dénomination « Paris YSL » qui évoque le printemps à Paris.

Depuis la loi du 17 mars 2014, les communes peuvent protéger leurs noms et déposer dans toutes les classes d’activités et de prestations - ce qu’elles font pratiquement toutes.

Les produits dérivés (T-shirts, papèterie au nom de la ville, cartes postales, boutiques à Deauville notamment, foulards, affiches, bougies parfumées...) rapportent des recettes bien supérieures et tout est payant. Le syndicat d’initiatives et ses prospectus gratuits est dépassé.

Une commune peut s’opposer et attaquer une marque contenant son nom.

Le Code de propriété intellectuelle (CPI) le prévoit expressément à l’article L711-4 : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (...) h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale ».
La Ville de Paris surveille et attaque les marques qui empiète son domaine réservé. Toutefois, il lui faut démontrer que la marque est de nature à porter atteinte aux intérêts publics ou porte préjudice à la collectivité, ou qu’il y a un risque de confusion avec un service assuré par la commune.

La Ville de Paris a été déboutée de sa demande d’annulation de la marque « Jeunes à Paris » (TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 24 novembre 2004, Sarl Studyrama c/ Ville de Paris), marque exploitant un magazine pour les jeunes. Le tribunal a déclaré que la Ville de Paris ne prouvait pas que « la dénomination critiquée est de nature à tromper le public quant à l’origine des produits ou à la garantie qu’il penserait être en droit d’attendre de la collectivité ». Et qu’il n’y avait pas de risque de confusion avec un service municipal : « un tel raisonnement conduirait à interdire toute marque comportant le nom Paris en association avec d’autres mots ».
Par contre le nom de domaine www.jeunes-paris.fr, enregistré par la ville de Paris, a été annulé par le tribunal.

Par contre, la Ville de Paris a obtenu gain de cause pour la marque « Paris sans fil » dans un jugement du 6 juillet 2007. Le tribunal de grande instance de Paris a annulé la marque pour atteinte au nom, à l’image et à la renommée de la Ville de Paris, par application de l’article L. 711-4 h du Code de la propriété intellectuelle, au motif qu’il y avait un risque de confusion avec la Ville de Paris et risque d’association entre cette marque et les services de la Ville , très active « dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication et notamment dans le développement du haut et du très haut débit et du système Wifi ».

Les mêmes principes s’appliquent pour les noms de domaine.
Il est possible de déposer un nom de domaine comportant le nom d’une commune à condition d’avoir un intérêt légitime et d’être de bonne foi (voir art.45-2 et suivants. et R 20-44-43 et suivants du Code des postes et communications électroniques.

III - Marque distinctive et marque déceptive

Pour être valable, une marque doit être distinctive, être originale, créative par rapport aux produits ou aux services qu’elle désigne. La marque « Aéroport » n’est pas distinctive puisqu’elle désigne l’activité de l’aéroport.

Une marque ne doit pas être déceptive, tromper le public. La marque « PARIS » pour désigner Roissy ou Orly est déceptive. Les touristes ne sont pas à Paris.

Donc, cette marque ne vaut rien. Et pourtant, elle a été acceptée.

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