Quid de la Responsabilité des véhicules autonomes ?

Par Jean-Pierre Mistral, Director Global Data Privacy.

3237 lectures 1re Parution: 4.95  /5

Explorer : # véhicules autonomes # responsabilité # assurance automobile # technologie

Cette année on a pu constater au Salon Mondial de l’Automobile l’importance du développement de la voiture autonome. Il s’agit d’un véhicule automobile robotisé capable de traiter rapidement des informations et ainsi prendre des décisions face aux événements qu’un conducteur rencontrerait lors de la conduite.

-

Le véhicule autonome n’est pas une complète nouveauté. Il existe déjà des modes de transport complétement automatisé. Par exemple les aéroports sont déjà équipés de trains sans chauffeur pour se rendre d’un terminal à un autre.

Le développement concernant le véhicule autonome a connu une grande accélération depuis 2010. La voiture autonome de Google en 2012 était déjà capable de se déplacer dans notre environnement routier actuel. La voiture Google a parcouru plus de 2 millions de kilomètres avant d’être le sujet d’un accident causé par le conducteur d’un véhicule traditionnel.

En 2013 une Mercedes s’est déplacée d’une manière complétement autonome pendant 100 kilomètres. En 2015 une voiture autonome sans chauffeur a traversé d’est en ouest le territoire des USA.

Dans le domaine de la sécurité, le raisonnement se base sur le fait que l’humain est la cause des accidents de voiture. Enlever le conducteur et les risques de l’erreur humaine disparaissent. Google supporte cette position avec le développement de la voiture sans volant et pédales (pas d’autre choix que de se connecter et surfer sur les services de Google).

Tesla prend une position différente en conservant l’être humain (avec un permis de conduire, et non pas un enfant de 6 ans) afin de prendre le contrôle du véhicule si nécessaire, et donc de rester vigilant à tout moment en imposant même que les mains touchent le volant toutes les quelques secondes.

Face à cette évolution la question que nous devons nous poser est : qui est responsable si la technologie est défective, provoquant un accident ?

Aujourd’hui le droit de l’assurance automobile en France, codifiée au titre 1, livre 2 partie règlementaire du Code des assurances, concerne « tout engin destiné au transport de personnes ou de choses circulant sur le sol mû par une force motrice » et couvre la responsabilité du chauffeur et le propriétaire du véhicule pour le dommage causé, l’assureur intervenant pour procéder à l’indemnisation.

La prime d’assurance auto est calculée en fonction des caractéristiques du conducteur et de son véhicule. Donc si le conducteur être humain est remplacé par un système robotique, notre droit actuel ne permet pas d’apporter une réponse.

Une des solutions serait de rendre le constructeur automobile entièrement responsable des dommages causés par le véhicule ou au véhicule. Le raisonnement serait que, le véhicule n’ayant plus besoin de chauffeur, la seule responsabilité d’un accident doit être attribué au système robotique assurant le déplacement sécurisé de la voiture. Le système étant de la création du constructeur automobile, il appartient donc à ce dernier d’en assumer la défectuosité. Les constructeurs Volvo, Mercedes et la société Google ont déclaré qu’ils acceptent la responsabilité si le véhicule cause un accident.

Ici donc on se rapproche en partie la responsabilité du fait des produits défectueux issu de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. » Mais Il s’agit d’une responsabilité de droit commun, avec de ce fait l’exigence de rapporter la preuve de l’existence du dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre ces derniers. Alors que dans la solution envisagée on recherche une responsabilité automatique « sans faute », ce qui signifie que les personnes victimes d’un accident causé par un véhicule autonome sont automatiquement indemnisées, charge ensuite au fabricant de la voiture de se retourner contre les fournisseurs des éléments composant le système robotique.

Une autre solution serait contractuelle avec une garantie stipulée dans le contrat d’achat du véhicule, le constructeur s’engageant à assumer le rôle de l’assureur. Bien sûr, ce risque assumé par le constructeur se retrouverait dans le prix du véhicule. L’acheteur devra donc prendre le temps de lire le contrat de vente et être capable de comprendre les termes de la garantie ainsi que ses exclusions. Ce qui est actuellement le cas avec les contrats d’assurance. Le législateur aura aussi la possibilité d’imposer un minimum de protection (à mon avis une loi sera nécessaire).

Avec ces deux solutions, l’assuré n’est plus l’individu mais le constructeur automobile (la personne morale) qui devra donc négocier avec les assureurs les termes du ou des contrats d’assurance.

Par contre le propriétaire du véhicule devra continuer à assurer sa propriété au cas où la voiture est vandalisée, ou endommagée ou détruite par un événement naturel. Nous pouvons donc envisager que l’assurance habitation (location ou propriété) soit complétée par un volet couvrant le véhicule autonome.

En conclusion :

L’arrivée du véhicule autonome est en train de changer les modèles économiques que nous avons vu évoluer depuis la révolution industrielle. Aujourd’hui, nous vivons la technologie de la création, l’échange et l’analyse d’information à très grande vitesse.

L’espoir de l’application de cette technologie à l’automobile est tout particulièrement la diminution des accidents et donc une diminution importante des charges pour la société civile en général (par exemple frais hospitaliers). Aussi la facilité de vie et la diminution du nombre de voitures par famille. Imaginez que dans quelques années les membres d’une même famille pourront partager la même voiture sans chauffeur en lui demandant de se rendre à un endroit en utilisant une application mobile. Maman prend la voiture pour aller au travail, ensuite la voiture sans chauffeur repart pour accompagner les enfants à l’école.

Cette réalité, qui n’est plus dans le futur mais dans le présent, doit être accompagnée par un système légal, national et international, approprié et ainsi permettre l’évolution de cette nouvelle économie tout en protégeant les victimes.

Jean-Pierre Mistral Gemalto
VP & Director Global Data Privacy

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

100 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27876 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs