Rationalisation des procédures contentieuses en matière sociale : l’essentiel reste à faire.

Par Georgy Arayo, Avocat.

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Explorer : # conciliation prud'homale # délais de prescription # sécurité juridique # réforme sociale

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi, a essayé dans ses différents points en projet, de rationaliser entre autre la procédure prud’homale.

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Cette « réforme » sur la procédure prud’homale s’est portée sur deux points importants, à savoir la conciliation prud’homale elle-même et les délais de prescription.

Si les auteurs de ces innovations partaient d’une bonne intention, il n’est pas certain, si ces projets étaient adoptés en l’état, que les parties en présence, à savoir employeurs et employés, s’y retrouvent plus clairement et bénéficient d’une réelle sécurité juridique.

A. En ce qui concerne la conciliation prud’homale

Il est prévu sur ce point, dans le cadre d’un contentieux judiciaire relatif à la contestation d’un licenciement, que les parties peuvent, devant le Bureau de conciliation, choisir de mettre un terme définitif au litige qui les oppose en contrepartie du versement par le défendeur (l’employeur généralement), d’une indemnité forfaitaire ayant le caractère social et fiscal de dommages et intérêts !

Jusque là, nous pouvons dire sans ambiguïté que « rien de nouveau sous le soleil ».

En effet, cela existe déjà. Où réside donc la nouveauté ?

Elle résiderait en réalité dans les barèmes qui ont été institués en ce qui concerne le montant des indemnités auxquelles pourraient prétendre les salariés.

En effet, il est prévu aux termes de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que l’indemnisation devant le Bureau de conciliation en cas d’accord devrait se faire sur les bases suivantes :

Entre 0 et 2 ans : 2 mois de salaire

Entre 2 et 8 ans : 4 mois de salaire

Entre 8 et 15 ans : 8 mois de salaire

Entre 15 et 25 ans : 10 mois de salaire

Plus de 25 ans : 14 mois de salaire

Cette indemnité devrait comprendre tous les préjudices qui pourraient être liés à la rupture du contrat de travail.

Outre le fait que les barèmes sont par nature insupportables, car ils reviennent à uniformiser les réparations alors que chaque préjudice est personnel, il est au surplus à craindre que ces « recommandations » faussent consciemment ou non le débat judiciaire en cas de non conciliation.
En effet, les juges ne pourraient faire abstraction de ces barèmes dans le cadre des débats judiciaires dans un sens comme dans un autre.

Pire encore, il est précisé que cette indemnité forfaitaire dans le cadre de la conciliation, vaudrait réparation pour l’ensemble des préjudices liés à la rupture du contrat de travail.

Qu’en est-il des autres préjudices qui ne seraient pas liés à la rupture du contrat de travail.
En effet, le salarié peut avoir subi un préjudice dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail qui n’a aucun lien avec la rupture du contrat de travail.

Le salarié peut-il le faire valoir dans le cadre d’une autre action ?

De plus, l’employeur ne bénéficie, dans de telles conditions, d’aucune sécurité juridique.
En effet, si le salarié peut avoir intérêt à concilier dans la mesure où il a toujours la possibilité d’introduire une autre action pour un préjudice né de l’exécution de son contrat de travail, l’employeur n’a dans le cas présent, aucun intérêt à concilier, puisqu’une fois encore, il ne bénéficie d’aucune sécurisation juridique.

Si l’objectif sur ce point était de rationaliser et sécuriser la procédure de conciliation, il n’est pas certain que nous nous en soyons vraiment rapprochés.

B. En ce qui concerne les délais de prescriptions

Les délais de prescriptions ayant pour objet une réclamation portant sur l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail, seraient, dans le cadre de cet accord, raccourcis.

Là encore, l’intention est louable.

Ces délais seraient dorénavant de 24 mois pour toute action portant sur l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail. Les délais concernant les créances salariales visées par les articles L 3245-1 et suivants du Code du travail, seraient dorénavant de 3 ans au lieu de 5.

Ces principes, comme tout principe, souffrent d’exceptions.

L’exception annoncée dans le cas présent, concernerait la discrimination. Cela signifierait qu’en cas de discrimination, le salarié ne serait pas tenu par le délai de 24 mois.

Nous pouvons donc nous demander alors, s’il s’agit de la seule exception ? Qu’en est-il du harcèlement, par exemple ? Obéit-il au même régime ?

Par ailleurs, il est fort à parier, que nous assisterons très vite à une recrudescence des actions fondées sur la discrimination, notamment de la part des salariés qui auraient laissé passer le délai de 24 mois pour contester leur licenciement.
En effet, le salarié pourrait toujours reprocher à l’employeur de l’avoir licencié de manière discriminatoire. De ce fait, le délai de 24 mois ne lui serait aucunement opposable.

Il est regrettable que les auteurs de ces réformes n’aient pas eu l’idée ou le courage d’aller jusqu’au bout de leur logique.
En effet, si la procédure devant le Conseil des prud’hommes et les délais de prescription nécessitaient une rationalisation et une sécurisation, voire une simplification, il est à craindre que les nouveaux textes qui vont entrer en vigueur ne soient pas à la hauteur de l’espérance du monde de l’entreprise et laissent, de ce fait, planer encore une insécurité juridique dans ce domaine.

Il est à espérer que la pratique se charge de corriger ces travers, afin que nous puissions à un moment ou à un autre parler vraiment de sécurité juridique en la matière.

Georgy ARAYO
Avocat au Barreau de Paris
Cabinet A&M Partners
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