Les dispositions de cette loi relatives aux délais de paiement et aux relations contractuelles (convention unique), fournisseurs/distributeurs s’inscrivent dans la continuité d’un mouvement initié par les lois Dutreil, Chatel et plus récemment LME, avec comme objectif d’encadrer les relations et de tenter d’éviter ou de limiter les déséquilibres.
Par ailleurs le nouveau dispositif instauré par la loi Hamon, renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence.
Il convient donc pour tout professionnel dans le cadre de ses relations B to B, d’identifier les nouvelles obligations et les nouveaux risques et de se mettre en conformité rapidement, afin d’éviter de lourdes sanctions administratives.
Les délais de paiement
Les délais maximum de paiement prévus à l’article L 441-6 du Code de commerce, à savoir 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou 45 jours fin de mois mis en place en 2008 par la loi LME, ne sont pas modifiés, toutefois la loi Hamon est venue prévoir une amende administrative, d’un montant maximum de 75 000 € pour les personnes physiques et de 375 000 € pour les personnes morales, en cas de violation des plafonds susvisés. Lesquelles sanctions peuvent être doublées en cas de réitération du manquement dans les deux ans de la première décision.
Une précision a été apportée s’agissant des factures périodiques (récapitulatives), dont le plafond est obligatoirement au maximum de 45 jours à la date d’émission de la facture.
La loi Hamon est également venue préciser les choses s’agissant des abus dans la computation des délais. En pratique il est courant qu’il soit prévu contractuellement que les délais ne commencent à courir qu’à compter de la vérification et/ou de l’acceptation des produits et prestations commandées. Les amendes administratives susvisées sont également applicables, dans les cas où les dispositions contractuelles et les process de vérification ou d’acceptation mis en œuvre, ont pour effet de retarder abusivement le point de départ du délai.
Depuis la loi LME de 2008, dans les sociétés dotées d’un commissaire aux comptes, une obligation de publication dans leur rapport de gestion des délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients, a été mise en place. La loi Hamon est venue renforcer cette obligation, puisque désormais les commissaires aux comptes devront établir une attestation, relative aux délais de paiement fournisseurs et clients, qui devra être transmise au ministère chargé de l’économie en cas de contrôle et même être transmise automatiquement par le commissaire au compte, pour les grandes entreprises (plus de 1,5 milliard de chiffre d’affaires annuel), s’il constate des manquements répétés en matière de délai de délais de paiement.
Ces nouvelles dispositions relatives aux délais de paiement sont d’application immédiate, de sorte qu’il convient pour les professionnels de se mettre en conformité au plus vite.
Les sanctions en matière de non respect des délais de paiement, peuvent s’avérer extrêmement lourdes et il conviendra d’être particulièrement vigilant sur les clauses contractuelles à ce titre et sur le respect des délais de paiement d’autant que la DGCCRF, compte tenu de l’évolution de la législation et des contrôles qui risquent de se multiplier dans les prochains mois.
La convention unique annuelle
L’article L 441-7 du Code de commerce, tel que modifié par la loi Hamon est venu modifier les obligations des parties (fournisseur/distributeur) relatives aux négociations annuelles et à leur formalisation obligatoire par une convention écrite appelée convention unique (contrat cadre annuel), signée avant le 1e mars de chaque année.
La volonté affichée par ce nouveau dispositif est de replacer les conditions générales du fournisseur au centre des négociations annuelles et d’en finir avec la pratique des clauses et conditions imposées par les contrats d’adhésion.
Le contenu de la convention unique a été renforcé par la loi Hamon et doit désormais impérativement mentionner les éléments suivants :
Le barème des prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur avec ses CGV ;
Les conditions de l’opération de vente des produits dont les éventuelles réductions de prix négociées ;
Les conditions dans lesquelles le distributeur rend au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits, tout service destiné à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente. L’objet du service, ses modalités d’exécution, sa rémunération et les produits concernés doivent être précisés ;
Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le distributeur et le fournisseur. Il faudra également préciser l’objet de l’obligation, les modalités d’exécution et sa rémunération.
Il est précisé que la rémunération des services rendus au fournisseur et des obligations destinées à favoriser la relation commerciale ne doit pas être manifestement disproportionnée par rapport à la valeur de ces obligations ou services.
La convention unique annuelle ayant pour objet de fixer le cadre de l’exécution du contrat, il est fait interdiction aux parties de passer, régler ou facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu. Dans la même logique les demandes supplémentaires en cours de contrat « visant à maintenir ou accroitre abusivement ses marges ou sa rentabilité », constituent un avantage sans contrepartie visé par l’article L 442-6-I-1e du Code de commerce et sont donc constitutives d’une faute.
Ces nouvelles dispositions sont applicables aux contrats conclus à compter du 1e juillet 2014, ce qui signifie qu’elles concerneront les conventions uniques annuelles au titre de l’année 2015, qui doivent être signée entre les parties au plus tard le 1e mars 2015 étant précisé que le fournisseur doit avoir communiqué ses CGV au distributeur au plus tard trois mois avant cette date.
A défaut d’établissement d’une convention unique conforme dans le délai imparti, les parties (fournisseurs ou distributeurs, quelque soient leurs tailles), risquent une amende administrative de 75.000 € pour les personnes physiques et de 375.000 € pour les personnes morales.
La loi Hamon a par ailleurs prévu des dispositions spécifiques pour certains secteurs d’activités, tel que l’agriculture en matière de négociation de prix ou le bâtiment en matière d’acompte de paiement.
L’obligation de réponse
L’article L441-7 du Code de commerce impose par ailleurs au distributeur de répondre de « manière circonstanciée » à toute demande écrite du fournisseur relative à l’exécution du contrat.
Le distributeur dispose d’un délai maximum de deux mois pour formuler sa réponse à compter de la réception de la demande.
Le texte ne prévoit pas de sanction en cas d’absence de réponse du distributeur ou d’une réponse qui révèlerait une mauvaise application de la convention. Le fournisseur peut cependant signaler ce comportement à l’autorité de la concurrence.
Les nouveaux pouvoirs et moyens d’action de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence
En cas de manquement aux dispositions des articles du titre IV du livre IV du Code de commerce, relatifs à la transparence et aux pratiques restrictives de concurrence, le ministère de l’économie par le biais de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence, a vu ses pouvoirs renforcés par la loi Hamon.
Les nouveaux pouvoirs d’enquête :
Les agents de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence disposent désormais dans le cadre de leur mission de contrôle d’un droit d’accès aux logiciels et données informatiques du professionnel. Ce nouveau droit constitue un risque majeur pour le professionnel, dans la mesure où il peut être assimilé à un véritable droit de saisie information, sans autorisation judiciaire.
De plus, la loi Hamon permet désormais aux agents de la DGCCRF de contrôler le respect par les professionnels, des dispositions de la loi informatique et liberté. En cas de constatation de manquements, la DGCCRF pourra transmettre à la CNIL pour sanction.
Il convient de préciser que les agents pourront désormais se faire assister de toute personne qualifiée, notamment d’une personne disposant de compétences informatiques.
Les agents de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence disposent par ailleurs désormais, d’un accès aux locaux à usage mixte professionnel et habitation. Toutefois, en cas d’opposition de l’occupant des lieux les agents devront obtenir une autorisation du juge des libertés et de la détention.
Des sanctions alourdies en cas de refus de coopération, dans le cas des enquêtes de concurrence :
En cas de refus de coopération et d’opposition à fonction commises par les professionnels, les peines encourues sont désormais de 2 ans d’emprisonnement au lieu de 6 mois et l’amende maximale passe de 7 500 € à 300 000 €.
Le pouvoir d’injonction :
Les agents habilités disposent désormais en vertu de l’article L 465 du Code de commerce d’un pouvoir d’injonction, leur permettant d’enjoindre à tout professionnel de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.
Le prononcé de telles injonctions ne pourra intervenir qu’après une procédure contradictoire, permettant au professionnel de faire valoir sa position.
Si le professionnel ne défère pas à cette injonction dans le délai imparti, il s’expose à une amende administrative, dont les montants maximums sont de 3 000 € pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales.
Les pouvoirs de sanction propres :
Les agents de la DGCCRF disposent désormais du pouvoir de prononcer des amendes administratives, à la suite des manquements constatés, comme alternative aux poursuites civiles et pénales.
Ces amendes administratives qui ne pourront intervenir qu’après une procédure contradictoire (droit pour le professionnel d’avoir accès aux pièces, d’être assisté par un avocat et de présenter ses observations, dans un délai de 60 jours), ont pour objectif d’être plus rapides et dissuasives.
De telles amendes pourront par exemple être prononcées dans les cas suivants : non respect des plafonds en matière de délai de paiement, défaut de mention ou non respect des règles relatives aux pénalités de retard, absence de conclusion d’une convention unique annuelle conforme à la loi et dans les délais prévus, soit avant le 1e mars.
Les amendes maximales qui pourront être prononcées à ce titre sont de 75 000 € pour les personnes physiques et 375 000 € pour les personnes morales. Ces montant peuvent être doublés en cas de réitération du ou des manquements dans un délai de 2 ans.
Le risque encouru pour les professionnels est d’autant plus grand, que la contestation de ces amendes administratives, n’emporte pas d’effet suspensif quant à l’exigibilité.
La DGCCRF dispose désormais par ailleurs, d’un pouvoir de publication des décisions de sanctions prononcées.
Ces nouveaux pouvoirs et moyens d’actions de la DGCCRF et de l’autorité de la concurrence constituent un risque majeur pour les entreprises, confrontées à des contrôles qui risquent de se multiplier au cours des prochains mois compte tenu du nouveau dispositif mis en œuvre et à une augmentation substantielle des amendes prononcées.
CONCLUSION :
Il convient pour tout professionnel, face aux nouvelles obligations et aux nouveaux pouvoirs des autorités de contrôle, d’être extrêmement vigilant, compte tenu des risques encourus.
Anticiper : Il convient pour les professionnels, intervenant en B to B de s’interroger dès aujourd’hui sur la conformité de leurs documents contractuels (CGV, contrats, factures…) et d’anticiper sur les négociations à venir sur la mise en place des contrats cadre pour 2015. A ce titre seul un véritable audit juridique, sur les obligations contractuelles, les bonnes pratiques et les moyens de mise en conformité rapide, peuvent permettre de se prémunir face aux nouveaux risques de contrôles et de sanctions des autorités administratives.
Se défendre : En cas de contrôle ou d’injonction, les professionnels bénéficient de droits et de garanties notamment du droit au respect du contradictoire (droit d’accès aux pièces, d’être assisté par un avocat et de présenter des observations). En cas de constat d’infraction, le professionnel mis en cause peut présenter ses observations, si l’infraction est confirmée une amende administrative peut être prononcée, laquelle pourra être contestée devant le Tribunal Administratif, sans effet suspensif sur l’exigibilité de l’amende.