Un arrêt de la Cour d’Appel de Douai, Chambre 2 Section 2, du 30 janvier 2025, RG 22/03378, statue quant à la recevabilité de l’action d’une société holding et quant à la responsabilité prétendue d’un franchiseur.
En résumé, une société holding propriétaire de deux commerces franchisés attaquait son franchiseur en lui reprochant de ne pas avoir exécuté correctement le contrat de franchise.
On relèvera que la société holding avait deux filiales et qu’avant même qu’elle n’ait introduit l’instance judiciaire, celles-ci avaient été cédées l’une au terme d’une cession de fonds de commerce et l’autre au terme d’une cession d’actions.
La société holding indiquait donc qu’elle n’agissait pas pour le compte de ses filiales mais pour le sien propre en invoquant la réparation d’un préjudice qu’elle aurait subi personnellement en tant que holding du fait de l’exécution prétendue défectueuse par le franchiseur de ses obligations.
Le franchiseur soutenait en l’espèce que la société holding était irrecevable à agir, n’étant pas signataire d’un contrat de franchise et ne démontrant aucun lien de causalité entre le prétendument manquement contractuel et le prétendu dommage.
Il était ajouté que la société holding ne prouvait ni dommage, ni lien de causalité, ni faute contractuelle.
Mise à part cette question de l’irrecevabilité de la société holding à agir, se posait une deuxième question relative au prétendu manquement du franchiseur par rapport à ses obligations contractuelles.
I) Sur la recevabilité à agir de la société holding.
La cour estime que la société holding n’agit pas pour le compte de ses filiales mais en tant que tiers, victime d’une prétendue inexécution ou mauvaise exécution du contrat de franchise.
Elle considère qu’il est donc inopérant de soutenir que la holding n’était pas partie au contrat.
Elle souligne qu’il s’agit d’une action en responsabilité délictuelle menée par la holding et ajoute que la cession de ses filiales antérieurement à son action en justice ne serait pas, en soi, de nature à priver la holding de tout intérêt à agir en tant que tiers-victime sur le fondement délictuel.
La cour retient donc un intérêt à agir de la société holding, même si celle-ci était étrangère à l’exécution des deux contrats de franchise.
Elle examine ensuite l’autre question.
II) Concernant la demande indemnitaire formée par la holding.
La cour rappelle que, selon l’article 1382 devenu 1240 du Code Civil, un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Encore, faut-il cependant que le tiers au contrat établisse un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il prétend subir tout en déterminant le prétendu préjudice subi.
La cour estime donc que le tiers au contrat n’a pas d’autre preuve à rapporter que celle d’une inexécution contractuelle tout en rappelant que l’indemnisation ne peut prospérer que si la faute, le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice sont démontrés.
Elle rappelle que ces conditions sont cumulatives.
La cour reprend ensuite un à un les griefs invoqués par la holding.
a) Sur la prétendue perte engendrée par des frais de publicité locale anormaux.
La société holding soutenait que chacune de ses filiales avait exposé des frais de publicité locale anormaux, en invoquant un prétendu manquement du franchiseur à ce sujet, et que cela avait empêcher ses filiales de faire remonter les dividendes correspondant à des « charges supplémentaires anormales ».
Cependant, la cour rejette, à juste titre, ce raisonnement en jugeant qu’aucune preuve n’était rapportée par la holding ni concernant les modalités de calcul du prétendu préjudice ni quant à la durée du prétendu préjudice.
Elle retient également le fait que la période correspondante à la demande d’indemnisation est contradictoire par rapport à la période relative à la prétendue dégradation des conditions d’exécution du contrat de franchise.
Enfin, concernant la distribution des dividendes, la cour estime que la société holding ne démontre pas une pratique suivie au sein de ses filiales en matière de distribution des dividendes et que de plus, la distribution de dividendes n’est pas automatique.
Elle en conclut que le préjudice n’est démontré ni dans son principe ni dans son montant.
b) La prétendue perte liée au prétendu défaut de campagne publicitaire du franchiseur.
Là encore, il est fait grief à la holding de ne pas expliciter clairement son prétendu préjudice.
La cour estime que ni l’existence ni le montant du préjudice ne sont démontrés et rejette donc la demande d’indemnisation.
c) Sur la prétendue perte de valeur du fonds de commerce de l’une des sociétés.
Là encore, la cour estime que la preuve des prétendus faits allégués n’est pas démontrée, ni en ce qui concerne la prétendue contrainte de céder le fonds de commerce, ni en ce qui concerne la prétendue moins-value du fonds cédé, ni en ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre les fautes alléguées et le préjudice.
La cour rejette donc la demande adverse du fait de l’absence de lien de causalité et de la preuve d’un préjudice.
d) Sur la perte de valeur du fonds de commerce de l’une des filiales.
La société holding avait estimé que le prix de cession des actions cédées était inférieur à leur valeur réelle prétendue.
Cependant, là encore, la cour rejette le raisonnement adverse en relevant l’absence de pièces justificatives ainsi que l’absence de preuve du prétendu préjudice personnel de la holding.
e) Sur la prétendue perte liée à la « gestion catastrophique » de la crise sanitaire.
Là encore, la holding invoquait la fermeture de tous les établissements du réseau, le blocage des ventes de produits par le fournisseur agréé ainsi que la fermeture du site internet.
Elle soutenait que le prix de cession était très faible et aurait empêché un versement de dividendes.
En réponse, la cour estime que la société holding procédait par voie d’affirmation, sans preuve réelle et ajoute que les allégations faites du préjudice ne reposaient que sur l’assertion non corroborée par des éléments de preuve.
En résumé, si la Cour d’Appel de Douai admet la recevabilité de l’action d’un tiers au contrat consistant à demander la réparation du préjudice qu’il aurait subi, la preuve du manquement incombe au demandeur à l’action et nécessite des pièces appropriées ainsi que la démonstration effective de ce préjudice.
Il en va de même en matière de franchise qu’en droit commun, la preuve des faits doit être rapportée par le demandeur, lequel ne saurait se satisfaire d’éléments vagues ne pouvant constituer des preuves.
On ajoutera, même si cela n’est pas inscrit à l’arrêt, que le franchiseur avait démontré, par la production de multiples pièces, l’exécution du contrat de franchise.