À l’heure actuelle, les éditeurs traditionnels et les producteurs de musique demeurent réticents à l’idée de proposer leurs œuvres sur le réseau. C’est pourquoi, partant du constat que le système fiscal français est inadapté aux nouvelles formes de commerce électronique, le gouvernement souhaite instituer une fiscalité du numérique afin de taxer les transactions commerciales réalisées entre les sociétés et les consommateurs français.
En effet, la mission gouvernementale confiée à Pierre Collin, conseiller d’Etat, et Nicolas Colin, inspecteur des Finances, rendra à l’automne 2012 ses propositions en matière de « localisation et d’imposition des bénéfices, du chiffre d’affaires, ou, éventuellement, sur d’autres assiettes taxables », selon un communiqué de Bercy. « Notre système fiscal appréhende difficilement les nouvelles formes de transactions issues du développement de l’économie numérique », résument d’une seule voix les ministres Pierre Moscovici (Ministre de l’Economie et des Finances), Arnaud Montebourg (Ministre du redressement productif), Jérôme Cahuzac (Ministre délégué chargé du budget) et Fleur Pellerin (Ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique).
« Il en résulte un manque à gagner pour les finances publiques et un désavantage compétitif pour les entreprises françaises, par rapport aux groupes internationaux qui s’organisent pour éluder ou minorer leur imposition », affirment-ils. La mission d’expertise fera des propositions « visant à créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur mieux répartie entre ses différents acteurs et favorables à la compétitivité de la filière numérique française », une mission dont se félicite le syndicat des régies Internet (SRI).
« Nous sommes ravis que Bercy s’empare du sujet », a déclaré à l’AFP Yves Le Mouel, directeur général de la Fédération française des Télécoms (FFT) qui regroupe les principaux opérateurs du pays. Ces groupes comme France Télécom, SFR (Vivendi) ou Bouygues Telecom, dénoncent régulièrement le fait que les 6 milliards d’euros investis chaque année dans leurs réseaux profitent aux acteurs globaux d’internet, qui engrangent du chiffre d’affaire en échappant à la fiscalité de droit commun et ce, grâce aux niches fiscales européennes, situées en Irlande et au Luxembourg notamment. « La perte de rentrée fiscale est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros qui ne rentrent pas via la TVA ou l’impôt sur les sociétés », déplore Yves Le Mouel.
Les acteurs internationaux visés – en première ligne Google, Apple, Facebook et Amazon– « réalisent environ 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, et devraient en faire autour de 9 milliards en 2015 », indique-t-il. Google France indique « soutenir pleinement la nécessité de mener une concertation ». Un porte parole du groupe ajoute même espérer un échange « avec la mission d’expertise pour répondre à leurs questions et participer à leur réflexion ».
Une étude réalisée en 2011 par le cabinet McKinsey et commandée par Google France a montré qu’internet pourrait représenter 5,5% du PIB français en 2015 et créer 450.000 emplois nets d’ici là, colossal ! Cette contribution positive a davantage de chances « d’être atteinte voire dépassée dans un environnement favorable aux entrepreneurs du web et aux investissements tels que ceux réalisés en ce moment par Google en France ».
La taxation des géants du web est un vieux serpent de mer, mais jusqu’à présent, les différents projets visaient plus particulièrement les régies publicitaires, via par exemple une taxe de 1% sur l’achat de publicité en ligne, comme le propose le sénateur Marini dans son projet de « taxe Google ». Un projet vivement contesté par le SRI : « cette taxe serait une entrave à la croissance des acteurs français, elle créerait une dérogation de plus, risquant d’amplifier l’effet de “mille-feuille fiscal“ quand la solution se doit d’être globale ».
Quoi qu’il en soit, le numérique est une source de croissance, de compétitivité à l’international, de création d’emplois et d’investissements pour les entreprises nationales. Il est donc crucial et urgent de faire émerger des solutions concrètes, pour relever les défis de l’emploi, de la croissance, de la réduction des déficits publics pour enfin favoriser l’usage numérique.