Un enjeu fort. La désignation d’un représentant syndical auprès du CHSCT n’est pas anodine pour une organisation syndicale. En effet, comme son nom l’indique, le représentant syndical représente son syndicat auprès de l’instance. Il assiste aux réunions avec voix consultative. Sa présence permet à l’organisation de faire connaitre ses positions en matière de santé /sécurité et d’exercer son influence. S’agissant des organisations non représentatives, l’objectif étant de s’implanter durablement au sein de l’entreprise et de devenir, à terme, représentative, la désignation d’un représentant auprès du CHSCT serait intéressante pour la crédibilisation et le développement du syndicat.
L’objet de cette contribution est de faire un tour d’horizon du droit positif sur ce sujet et de fournir les références légales, conventionnelles et jurisprudentielles à celles et ceux d’entre vous qui en auraient besoin.
Absence de mention dans le Code du travail. Si le Code du travail prévoit la possibilité pour un syndicat de désigner un représentant syndical au CE (C. trav., art. L. 2143-22 pour les entreprises de moins de 300 salariés et L. 2324-2 pour les entreprises de plus de 300 salariés), il reste cependant muet s’agissant de la désignation d’un représentant syndical au CHSCT, se contentant de renvoyer à la négociation collective ou à l’usage la possibilité d’une telle désignation (C. trav., art. L. 4611-7).
Les stipulations de l’accord-cadre du 17 mars 1975. Cet accord-cadre, modifié par avenant en date 16 octobre 1984 et étendu par arrêté du 12 janvier 1996 porte sur l’amélioration des conditions de travail. Il prévoit d’une part de « fixer un certain nombre de dispositions directement applicables » et d’autre part « d’établir un cadre et poser des orientations propres à faciliter l’adoption de dispositions concrètes au niveau des conventions collectives et des entreprises ».
Il est ainsi prévu en son article 23 que « chaque organisation aura la possibilité, dans les établissements occupant plus de 300 salariés, de désigner, parmi le personnel de l’établissement concerné, un représentant qui, s’ajoutant aux personnes désignées à l’article R. 232-6 du Code du travail, assistera avec voix consultative aux réunions du CHSCT ».
Un article source d’un contentieux nourri. Outre une coquille se glissant dans le texte (confusion entre l’article L. 232-6 ancien relatif à la composition du CHSCT et l’article R. 232-6 ancien relatif à l’éclairage des passages et escaliers des locaux fermés affectés au travail), il est intéressant de noter que cet article a soulevé nombre de difficultés que la Cour de cassation a été amenée à trancher.
Ainsi, la Haute Juridiction a-t-elle dû préciser que la possibilité de désigner un représentant syndical au CHSCT était ouverte aux syndicats non signataires de l’accord (Cass. soc., 20 nov. 1991, n° 89-12.787), mais non au syndicats ayant refusé d’adhérer à l’accord et à l’avenant (Cass. soc., 9 déc. 1985, n° 85-60.360), le tout uniquement pour les syndicats implantés dans les entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-16.616).
Le régime de ce représentant a également soulevé des interrogations. Ainsi, la Cour de cassation a pu préciser que représentant syndical auprès du CHSCT ne peut bénéficier de la protection spéciale contre le licenciement dont bénéficient les membres du CHSCT (Cass. soc., 29 janv. 2003, n° 00-45.961). De même, la violation des dispositions conventionnelles concernant la nomination d’un représentant syndical au CHSCT n’est pas susceptible de sanctions pénales pour délit d’entrave (Cass. crim., 4 avr. 1991, n° 88-42.270).
La représentativité de l’organisation syndicale désignatrice. Cette problématique est arrivée à deux reprises devant la Cour de cassation.
Dans un premier arrêt en date du 29 octobre 2008 et publié au bulletin (Cass. soc., 29 oct. 2008, n° 07-43578), la Haute juridiction casse la décision de la cour d’appel de Paris qui ouvrait la faculté de désigner un représentant syndical au CHSCT à tous les syndicats, qu’ils soient représentatifs ou non.
En effet, selon la Cour de cassation, « les organisations syndicales ne peuvent procéder aux désignations de délégués syndicaux ou représentants syndicaux légalement ou conventionnellement prévues que si elles sont représentatives dans l’entreprise ou l’établissement dans lesquels ces désignations doivent prendre effet ». Il est ainsi reproché à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si l’organisation syndicale désignatrice était représentative dans l’établissement en question.
Cette solution a été confirmée dans un nouvel arrêt de cassation en date du 22 février 2017 et à nouveau publié au bulletin (Cass. soc., 22 fev. 2017, n° 15-25591). Le raisonnement de la cour d’appel se fonde alors sur une interprétation littérale des termes de l’accord du 17 mars 1975. L’accord ne soumettrait nullement le droit pour une organisation syndicale de désigner un représentant au CHSCT à une condition de représentativité car selon ses termes il reconnait cette prérogative à « chaque organisation syndicale » sans autre précision.
La Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille, et rappelle sa position dans un attendu de principe clair : seule une organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement peut procéder à la désignation, conventionnellement prévue, d’un représentant au CHSCT.
Un alignement sur le régime de la désignation du représentant syndical au CE. Le raisonnement de la Cour de cassation apparaît logique et en cohérence vis-à-vis du régime de la désignation du représentant syndical au CE. Par ces décisions, les deux régimes sont de fait alignés.
En effet, l’article L. 2143-22 du Code du travail énonce que pour les entreprises ou établissements de moins de 300 salariés, le délégué syndical est de droit représentant syndical au CE, ce qui exclut d’office les syndicats non représentatifs, la désignation d’un délégué syndical étant l’apanage d’un syndicat représentatif. S’agissant des entreprises de plus de 300 salariés, l’article L. 2324-2 du Code du travail réserve depuis 2014 la désignation du représentant syndical au CE aux seules organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou l’établissement.
Ainsi, la Cour de cassation n’a fait qu’aligner le régime de la désignation du représentant syndical au CHSCT sur celui - légal - de la désignation du représentant syndical au CE. Il est saisissant à cet égard que l’attendu de principe de l’arrêt du 29 octobre 2008 ne fasse pas spécifiquement référence au représentant syndical au CHSCT mais à l’ensemble des délégués et représentants syndicaux, que leur désignation soit prévu légalement ou conventionnellement.
Ce point de vue correspond à celui des partenaires sociaux, acté par la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.