1. La qualification de la rupture du contrat de travail d’un représentant de proximité.
1.1. Un parcours contentieux complexe.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une ingénieure du secteur de la métallurgie estimait avoir subi une discrimination fondée sur son sexe, son âge et son activité syndicale.
Elle avait initialement sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Déboutée en première instance, la salariée avait finalement opté pour un départ à la retraite le 30 avril 2021.
Cependant, ce départ volontaire avait été requalifié par la cour d’appel en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement nul en raison des discriminations reconnues.
Il est important de noter que la salariée avait été désignée représentante de proximité depuis le 1er janvier 2020, ce qui lui conférait un statut protecteur.
1.2. Les effets juridiques attachés à la requalification.
Conformément à une jurisprudence constante, la prise d’acte justifiée par des manquements graves de l’employeur produit les effets d’un licenciement nul lorsqu’elle concerne un salarié protégé [2].
Cette règle, déjà appliquée aux délégués syndicaux, aux élus du CSE et à d’autres représentants du personnel, est désormais expressément étendue aux représentants de proximité.
La salariée n’ayant pas sollicité sa réintégration dans l’entreprise, elle pouvait prétendre à une indemnisation pour violation de son statut protecteur.
2. Le régime d’indemnisation applicable aux représentants de proximité.
2.1. Le principe d’indemnisation confirmé.
La Haute juridiction confirme sans ambiguïté que le représentant de proximité bénéficie du même régime d’indemnisation que les autres représentants du personnel en cas de rupture illicite de son contrat de travail.
Cette solution s’explique par le statut protecteur dont bénéficient ces salariés, qu’ils soient membres du CSE ou désignés par lui [3].
L’employeur doit en effet obtenir une autorisation administrative préalable pour procéder à leur licenciement [4].
Cette protection se justifie par les fonctions de représentation exercées, qui exposent potentiellement leurs titulaires à des mesures défavorables.
2.2. Le calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur.
L’apport majeur de cet arrêt réside dans la précision des modalités de calcul de l’indemnité due au représentant de proximité.
La Cour de cassation rappelle que cette indemnité correspond à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours [5].
Elle confirme également l’application du plafond de 30 mois de salaire, déjà retenu pour les autres représentants du personnel [6].
Dans cette affaire, le mandat de représentante de proximité avait débuté le 1ᵉʳ janvier 2020 pour une durée de quatre ans, et devait donc s’achever le 1ᵉʳ janvier 2024.
La période de protection s’étendait donc jusqu’au 1ᵉʳ juillet 2024 (incluant les six mois de protection post-mandat).
La rupture étant intervenue le 30 avril 2021, l’indemnité aurait dû couvrir la période du 30 avril 2021 au 1ᵉʳ juillet 2024, soit 38 mois, ramenés à 30 mois en application du plafond jurisprudentiel.
La cour d’appel avait pourtant accordé une indemnité limitée à 16 mois de salaire, justifiant la censure de sa décision.
3. Les implications pratiques de cette décision.
3.1. Un régime indemnitaire complet.
Il convient de rappeler que le salarié protégé dont le contrat a été rompu illicitement peut prétendre à plusieurs indemnités cumulables.
Outre l’indemnité pour violation du statut protecteur, le représentant de proximité a droit à une indemnité pour licenciement nul d’au moins six mois de salaire [7].
Dans cette affaire, la salariée avait obtenu une somme correspondant à douze mois de salaire à ce titre.
Elle pouvait également prétendre à l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective applicable et à l’indemnité de préavis, ainsi qu’aux congés payés afférents [8].
3.2. L’harmonisation du statut des représentants de proximité.
Cette décision s’inscrit dans une logique d’harmonisation du statut des différents représentants du personnel.
Les représentants de proximité, créés par l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017, bénéficient désormais clairement des mêmes protections que les autres représentants.
Cette solution est cohérente avec la finalité du statut protecteur qui vise à garantir l’indépendance des représentants du personnel dans l’exercice de leurs fonctions.
Il est intéressant de noter que la Cour de cassation applique aux représentants de proximité la limite de 30 mois initialement établie à une époque où la durée du mandat des élus était de deux ans (soit 24 mois de mandat et 6 mois de protection post-mandat).
Cette limite a été maintenue malgré l’allongement de la durée légale du mandat à quatre ans par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
Elle s’applique uniformément à tous les représentants, qu’ils soient élus ou désignés.