I. Quels sont les risques qu’encourt un locataire qui pratique une sous-location saisonnière illicite ?
Il y a sous-location lorsque le titulaire d’un contrat de location met partiellement ou entièrement à disposition d’une personne son logement en échange d’une contrepartie financière.
S’agissant des locations vides ou meublées constituant la résidence principale du locataire, l’article 8 de loi du 6 juillet 1989 indique que le locataire ne peut sous-louer son logement sauf avec l’accord écrit du bailleur. C’est ainsi qu’en pratique la plupart des baux d’habitation prévoit expressément une clause interdisant la sous-location à peine de résiliation du bail.
Pour éviter de voir son bail résilié, le locataire devra alors solliciter l’autorisation expresse et écrite du bailleur tant sur le principe de la sous-location que sur le montant du loyer, dès lors que le loyer de la sous-location ne peut en aucun cas être supérieur au loyer versé par le locataire principal.
De plus, il convient de rappeler que dans certaines grandes villes dont Paris, le logement loué en tant que résidence principale ne pourra être loué en saisonnier qu’au maximum de 120 jours par an. A cet effet, le locataire devra procéder à une télédéclaration de la location saisonnière auprès de la Mairie, faute de devoir payer une amende.
Si la sous-location intervient sans l’autorisation du propriétaire ou au mépris de son refus, le bailleur pourra alors intenter une action à son encontre aux fins de résiliation du bail, outre des dommages et intérêts, soit par une action en référé si une clause résolutoire est prévue à cet effet dans le bail, soit par une action au fond si le Tribunal estime que cette faute est suffisamment grave.
Le bailleur pourra également mettre en œuvre une procédure d’expulsion à l’encontre du sous-locataire dès lors qu’il sera considéré comme un occupant sans droit ni titre à son égard.
C’est ainsi que par un jugement du 16 avril 2016, le Tribunal d’instance de Paris du 5ème arrondissement a condamné le locataire à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la sous-location illicite via une plateforme internet, outre la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700.
Toutefois, dans une autre affaire, le Tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris a été plus clément à l’égard du locataire aux termes d’un arrêt du 9 mai 2017.
Il a jugé que la sous-location illégale d’un logement social ne justifiait ni la résiliation du bail ni l’expulsion du locataire car dès la réception du constat d’huissier faisant état de la sous-location via la plate-forme Airbnb, le locataire a sans délai retiré l’annonce du site. Le tribunal a également rejeté la demande du bailleur social de le voir condamner à la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, faute de rapporter la réalité du préjudice allégué et de son montant.
A noter : Afin de prouver la sous-location illicite de son bien sur internet, une simple copie écran ne suffit pas. Seul un constat d’huissier permettra de constituer une preuve.
II. Quels sont les risques qu’encourt la plateforme en cas de sous-location saisonnière illicite ?
Pour la première fois, par un jugement en date du 6 février 2018, le Tribunal d’instance du 6ème arrondissement de Paris a condamné la plate-forme américaine Airbnb à la suite d’une plainte d’un propriétaire pour avoir permis la sous-location d’un appartement parisien sans son accord et pour une période supérieure à 120 jours.
En l’espèce, le propriétaire s’est aperçu que son locataire sous-louait via Airbnb son logement sans autorisation, et ce pendant 369 jours entre mars 2016 et septembre 2017, représentant la somme de plus de 49.000 euros. C’est dans ces conditions qu’il a décidé de poursuivre son locataire et plateforme Airbnb. Un accord ayant été trouvé avec son locataire, le propriétaire a maintenu sa procédure à l’encontre de la plateforme sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil et de l’article L. 324-2-1 du Code de tourisme.
En effet depuis la loi du 7 octobre 2016, le Code de tourisme impose aux plateformes internet :
d’informer le loueur d’un meublé de ses obligations de déclaration ou d’autorisation préalable et d’obtenir de sa part une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale, ainsi que le cas échéant le numéro de déclaration du logement ;
veiller à ce que le logement, lorsqu’il constitue la résidence principale du loueur ne soit pas loué (ou sous-loué) plus de 120 jours / an.
En ne respectant pas ces deux obligations essentielles, le tribunal a reconnu que le site d’hébergement Airbnb a commis une faute délictuelle et a donc engagé sa responsabilité civile. En effet, la société a été dans l’incapacité de rapporter la preuve d’une part qu’elle avait bien informé le loueur de ses obligations et qu’elle avait obtenu sa déclaration sur l’honneur qu’il sous-loue avec l’accord du bailleur, et d’autre part qu’elle avait veillé à ce que le logement ne soit pas loué au-delà de la durée légale de 120 jours. Le Tribunal en a ainsi déduit que la plateforme, manquant à ses obligations légales, a fourni au locataire le moyen de s’affranchir de ses obligations contractuelles et « avec une certaine mauvaise foi et peut-être en connivence avec le locataire, laissé perdurer ses manquements ».
Ce faisant, le Tribunal d’Instance a appliqué une jurisprudence ancienne selon laquelle le tiers qui permet sciemment à un contractant de manquer à ses obligations contractuelles engage sa responsabilité à l’égard du créancier sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Si le tiers ne peut en effet être tenu d’exécuter le contrat auquel il n’est pas partie, il ne peut en revanche l’ignorer : le contrat constitue ainsi un fait qui lui est opposable.
Dans cette affaire, Airbnb a été condamné à verser la somme de plus de 8.000 euros au propriétaire en réparation de ses préjudice matériel et moral, outre le remboursement des fruits perçus de façon illicite par Airbnb (commission d’intermédiation) du fait de mise à disposition illicite de son bien sur le fondement des articles 546 et 547 du Code civil qui réservent au seul propriétaire le droit de tirer profit des utilités du bien et notamment d’en récolter les fruits civils.
Sur ce dernier point, le jugement rendu par le Tribunal d’Instance de Paris est contestable. En effet, si Airbnb s’est certes enrichie indûment, en ayant facilité une sous-location irrégulière, cet enrichissement ne constitue cependant pas un préjudice pour le propriétaire qui, lui, n’a subi aucune perte.
En effet, si la sous-location avait été régulière, le propriétaire n’aurait pour autant rien perçu de la commission d’intermédiation prélevée par la plateforme.
Discussions en cours :
Bonjour, je suis locataire de ma résidence secondaire. Est-ce que le fait qu’il ne s’agisse pas pour moi d’une résidence principale m’autorise à sous-louer cet appartement dans des conditions différentes de celles que vous décrivez dans l’article ?
Merci beaucoup,
Conciliateur de justice dans le TARN, j’ai exactement la même situation à tenter de régler à l’amiable, demain vendredi 4 octobre.
Cet article présente clairement les règles de droit et la jurisprudence applicables en l’espèce et me fournit des arguments solides à exposer aux parties en litige.
Merci à la rédactrice de l’article.