Après les années de vaches grasses vinrent les années de vaches maigres. Le relèvement des taux d’intérêt et le resserrement du crédit met fin à l’abondance de capitaux qui a longtemps favorisé le financement des start-ups. Cette raréfaction ne doit pourtant pas se comprendre comme une diminution de l’argent disponible pour chaque projet mais comme un tamis filtrant au profit des meilleurs les sommes, encore considérables, qui restent disponibles. Cette sélectivité accrue est à l’origine de la fébrilité des start-up qui, plus que jamais, ont besoin de sécuriser le financement de leur croissance.
Dans ce contexte, il est tentant de recourir au BSA AIR en permettant la mise à disposition d’argent frais dans des conditions de célérité appréciable pour les entreprises.
I- L’accord d’investissement rapide (AIR) permet un financement accéléré.
L’investisseur et la société négocient un contrat de mise à disposition d’une somme d’argent qui permettra, ultérieurement, d’accéder au capital de l’entreprise. Si la somme d’argent est connue, sa contrepartie, la quotité du capital de l’entreprise, est déterminable mais pas déterminée. Afin que l’investissement n’achoppe pas sur la question de la valorisation de l’entreprise déterminant le nombre de titres à émettre, les parties s’accordent sur une valeur plancher et une valeur plafond de l’entreprise et conviennent de remettre à plus tard la fixation définitive de cette valeur. Cette détermination de la valeur interviendra le plus souvent à l’occasion d’une opération sur capital postérieure qui servira de référentiel pour l’exercice du BSA AIR.
Le bon de souscription d’actions qui a pour sous-jacent l’accord d’investissement rapide matérialise le droit de l’investisseur à l’obtention des titres et l’oblige à transférer immédiatement à l’entreprise les sommes nécessaires à son financement.
Ainsi, en ayant fait l’économie de la négociation sur la valorisation de l’entreprise, pierre d’achoppement systématique des augmentations de capital, l’entreprise obtient dans des délais réduits le financement dont elle a besoin. L’investisseur de son côté sécurise son futur accès au capital et permet à la société de se développer.
II- Un investisseur qui n’est ni créancier ni associé.
Les sommes remises par l’investisseur à la signature du bon de souscription ne peuvent être considérées comme une créance ordinaire. Lorsqu’il se dessaisit, l’investisseur n’a aucune chance de retrouver son apport en numéraire et il est d’ores et déjà acquis que sa contrepartie ne pourra consister qu’en actions. D’ailleurs il ne perçoit pas d’intérêt sur le financement consenti.
Pour autant il n’est pas encore associé. Si l’usage classique du BSA ordinaire connaît cette particularité, il est d’usage, pour un BSA ordinaire, que le prix payé à la souscription soit modique et que l’essentiel du montant soit versé lors de conversion du bon en actions.
En matière de BSA AIR c’est l’inverse. La quasi-totalité du financement est accordée à l’entreprise lors de la souscription du BSA AIR. La conversion du BSA AIR en actions permettra l’accès au capital sans versement significatif. Dès lors l’investisseur se départit de ses fonds sans bénéficier des droits du créancier et sans acquérir non plus la qualité d’associé. Les sommes versées ne peuvent être inscrites en compte de capital de la société mais elles ont un statut de quasi fonds propres, l’investisseur ne pouvant prendre rang avec les chirographaires de l’entreprise.
Cet inconvénient pour l’investisseur est bien un avantage pour l’entreprise qui pourra augmenter d’autant son levier financier en revendiquant le statut de fonds propres ou de quasi fonds propres pour les sommes remises à l’occasion de l’accord d’investissement rapide. Ces fonds versés n’ont, par ailleurs, tant que le BSA AIR n’est pas exercé, aucun effet dilutif ce qui permet au management de conserver la même latitude de gestion qu’avant le financement.
III- Le temps gagné sur la négociation n’exonère pas du respect du formalisme du droit des sociétés.
L’entreprise s’est donc financée en s’épargnant les délais résultant des discussions portant sur la valorisation et ne paye pas d’intérêt. Ce temps gagné sur la négociation ne permet pas pour autant de s’exonérer des règles classiques du droit des sociétés.
L’accord d’investissement rapide exigera l’émission d’un bon de souscription qui nécessitera lui-même une décision collective des associés avec le formalisme et les protections nécessaires en la matière : rapport du président et rapport du commissaire aux comptes, ou du commissaire ad hoc en son absence.
Ainsi, il est inexact de penser qu’il suffirait de signer sur un coin de table un document intitulé accord d’investissement rapide et d’encaisser la mise sans se soumettre au processus formalisé des opérations de haut de bilan.
Mais l’outil est attrayant et les obstacles (ou les protections) inhérents au droit des sociétés franchis, l’argent est remis à la société et l’investisseur, s’il n’est véritablement associé, se rapproche du cercle des fondateurs et son intérêt pour l’entreprise, sa croissance et sa réussite n’est pas moindre que celui des porteurs de capital puisque le risque qu’il supporte est du même ordre.
IV- Le moment de vérité de la conversion en capital et le bon usage de la décote.
Mais, ce qui n’a pas été tranché lors de la signature de l’accord d’investissement rapide devra se dénouer plus tard lorsque se posera la question de la contrepartie en titres des sommes versées par l’investisseur.
L’accord d’investissement rapide définira les événements générateurs et les formules de calcul définissant une parité d’échange permettant l’émission des titres.
Le plus fréquemment, les parties se seront accordées pour que l’investisseur obtienne ses titres aux mêmes conditions que les autres investisseurs accédant au capital à l’occasion d’un événement postérieur à l’accord d’investissement rapide, minoré d’une décote. Ainsi le référentiel est souvent la future augmentation de capital, l’introduction en bourse ou dans une hypothèse malheureuse, la faillite de l’entreprise. Ces événements figeant la valorisation permettent, par le jeu de formules, de déterminer le nombre de titres qui échoira à l’investisseur.
Il faut pourtant envisager un autre cas, celui à l’occasion duquel, à l’échéance d’une période de temps définie, aucun des événements envisagés ne s’est produit et alors que la conversion en capital doit néanmoins survenir.
L’imagination des parties lors de la signature de l’accord d’investissement rapide, l’analyse des comptes de l’entreprise et la négociation doivent permettre d’aboutir à un accord.
Il est indispensable de se référer à des formules de calcul ayant pour composants des agrégats comptables indiscutables ou des données financières et commerciales de l’entreprise faisant consensus afin de ne pas alimenter un contentieux entre l’investisseur et la société.
En tout état de cause, le risque pris par l’investisseur sera rémunéré par le bénéfice d’une décote sur la valeur des actions souscrites permettant de majorer sa quote-part de titres de capital. La décote oscille usuellement entre 15 et 30%. C’est cette décote qui pousse un investisseur à opter pour le BSA AIR en espérant se retrouver mieux traité en quotité de capital pour prix des risques assumés.
V- Un risque de cristallisation du capital et une absence de certains bénéfices fiscaux.
Dans ces opérations de financement où la célérité semble primer, il ne faudrait pas masquer certains des inconvénients résultant de l’usage de ces nouvelles valeurs mobilières.
Du côté de l’entreprise d’abord, l’accord d’investissement rapide donne à l’investisseur un droit de regard sur les opérations de capital ultérieures. Les termes de l’accord d’investissement rapide et les articles du Code de commerce relatifs à la protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital obligent à tenir compte de la situation de l’investisseur lors de toutes les opérations de capital ultérieures, sur une base pleinement diluée, et à ne pas permettre à l’entreprise liée par l’accord d’investissement rapide de négocier avec d’autres investisseurs des conditions d’accès au capital plus avantageuses que celles consenties à l’investisseur « AIR ». Ainsi, alors qu’il n’est pas partie au pacte d’actionnaires, l’investisseur dans le cadre d’un accord d’investissement rapide se trouve jouir d’un droit de veto sur les opérations de capital ultérieures de la société dans l’hypothèse où elles lui seraient désavantageuses.
Autre inconvénient, mais du côté de l’investisseur cette fois, les bénéfices fiscaux classiques attendus lors de l’investissement dans des jeunes entreprises ne sont pas au rendez-vous, ni le bon de souscription ni les actions résultant de son exercice ne pourront être éligibles au plan d’épargne en actions dont l’intérêt fiscal motive souvent les Business Angels.
Si la souplesse permise par l’utilisation de l’accord d’investissement rapide explique son succès tant auprès des investisseurs que des entreprises en quête de financement, il convient de faire usage de cet instrument en étant pleinement informé de ses avantages et de ses limites afin que, de part et d’autre, les contraintes dûment acceptées permettent d’en appréhender sereinement les bénéfices.