Contexte de la réforme.
L’introduction de la facturation électronique obligatoire entre entreprises vise avant tout à doter l’administration fiscale d’un outil fiable lui permettant de contrôler en temps réel l’activité des entreprises et de lutter efficacement contre la fraude. A terme, les obligations déclaratives seront également simplifiées puisque l’administration sera en mesure de préremplir les déclarations de TVA sur la base des données qui lui auront été communiquées.
L’obligation d’émettre et de recevoir des factures sous la forme électronique est déjà en vigueur dans le secteur public, depuis le 1ᵉʳ janvier 2020, pour tous les titulaires et sous-traitants admis au paiement direct de contrats conclus avec l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics [1].
La généralisation de la facturation électronique au secteur privé, annoncée depuis la loi de finances pour 2021 [2], a finalement été introduite par l’article 26 de la loi de finances rectificative pour 2022 (n°2022-1157 du 16 août 2022) complétée par un décret n°2022-1299 du 7 octobre 2022, et un arrêté ministériel du même jour, qui fixent les modalités d’application du dispositif.
L’entrée en vigueur initialement prévue le 1ᵉʳ septembre 2024, a finalement été reportée par la loi de finances pour 2024, au 1ᵉʳ septembre 2026, afin de permettre aux opérateurs de se mettre en conformité [3].
Champ d’application et contenu de la réforme.
L’article 26 de la loi de finances rectificative pour 2022 introduit, pour les entreprises assujetties à la TVA, une obligation d’émettre et de recevoir des factures électroniques ainsi que des obligations de transmission des données de facturation à l’administration fiscale, relatives à la nature des transactions non soumises à facturation électronique et au paiement effectif des prestations.
L’obligation d’émettre et de recevoir des factures électroniques (« e-invoicing »).
L’obligation d’émettre et de recevoir des factures électroniques est prévue par l’article 289 bis du CGI. Elle concerne tous les assujettis à la TVA (personnes physiques ou morales) qui sont établis ou ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France, lorsqu’ils effectuent, entre eux, toute opération, livraison de biens ou prestation de services, entrant dans le champ de la TVA. La facturation électronique est uniquement applicable aux opérations interentreprises (BtoB).
Sont donc exclues du dispositif les transactions internationales ou intracommunautaires, les transactions avec des particuliers (BtoC) et certaines opérations sectorielles exonérées visées aux articles 261 et suivants du CGI.
En revanche, les entreprises qui bénéficient de la franchise en base de TVA sont soumises à la facturation électronique, en réception et en émission, et ce afin notamment de contrôler les dépassements de seuils de l’article 293 B du CGI [4].
L’obligation de transmettre les données de transactions à l’administration fiscale (« e-reporting »).
Les assujettis à la TVA qui sont établis ou ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France seront également soumis à une nouvelle obligation de transmission des informations relatives à certaines opérations, non soumises à facturation électronique, dont la liste figure à l’article 290 du CGI.
Sont notamment concernées, les livraisons de biens et prestations de services effectuées avec des particuliers (BtoC) et les transactions effectuées avec des opérateurs établis à l’étranger.
Les informations qui devront être transmises figurent à l’article 242 nonies M de l’annexe II du CGI, introduit par le décret d’application du 7 octobre 2022. Il s’agit de toutes les informations permettant à l’administration de contrôler la régularité de l’opération (numéro d’identification de l’entreprise, catégorie de transaction, devise, date, montant de la taxe due en France…).
L’obligation de transmettre les données de paiement à l’administration fiscale.
L’article 290 A du CGI prévoit une obligation de transmission des données de paiement à l’administration fiscale, qui vient compléter les deux précédentes obligations et qui s’appliquera à la fois aux assujettis soumis à l’obligation d’émission des factures électroniques [5] et aux assujettis soumis à l’obligation de transmission d’informations [6].
Les informations qui devront être transmises figurent à l’article 242 nonies P de l’annexe II du CGI, introduit par le décret d’application du 7 octobre 2022. Il s’agit de toutes les informations permettant à l’administration de contrôler l’encaissement de la TVA par l’assujetti (numéro d’identification de l’entreprise, date d’encaissement, montant de la taxe encaissée…).
Application à l’Outre-mer.
Les entreprises établies en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion, sont concernées par la facturation électronique et les obligations de transmission des données à l’administration fiscale, la TVA étant applicable dans ces départements.
Les entreprises établies dans les collectivités d’outre-mer (COM), en Nouvelle-Calédonie, en Guyane et à Mayotte, ne sont pas concernées par la facturation électronique, la TVA n’y étant pas applicable. Cependant, les opérations effectuées par un assujetti établi en France métropolitaine avec des opérateurs établis sur ces territoires, entrent dans le champ de l’obligation de transmission des données à l’administration fiscale ("e-reporting").
Format et contenu des factures électroniques.
Les factures électroniques devront être émises au format UBL, CII, Factur-X ou tout format mixte composé d’un fichier de données structurées et d’un fichier image [7]. Les factures « papier » scannées, les PDF ordinaires et les documents envoyés par mail ne seront pas acceptées.
Le contenu d’une facture électronique correspond à celui d’une facture classique [8].
Cependant, les factures électroniques devront comporter, en plus des mentions habituelles, les mentions suivantes [9] :
- le numéro d’identification au registre national des entreprises (RNE) de l’assujetti et du client ;
- l’adresse de livraison des biens si elle est différente de l’adresse du client ;
- l’information selon laquelle les opérations donnant lieu à facture sont constituées exclusivement de livraisons de biens, ou exclusivement de prestations de services, ou sont constituées des deux ;
- la mention « option pour le paiement de la taxe d’après les débits », lorsque le prestataire a opté pour le paiement de la TVA d’après les débits (lors de la facturation) au lieu de la TVA sur les encaissements.
Les nouvelles mentions obligatoires entreront en vigueur en même temps que l’obligation d’émission des factures électroniques, le 1ᵉʳ septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et le 1ᵉʳ septembre 2027 pour les autres.
Les plateformes de dématérialisation partenaires.
Les plateformes de dématérialisation partenaire (« PDP ») sont des acteurs-clés de la réforme.
Il s’agit d’opérateurs privés immatriculés par l’administration fiscale selon la procédure prévue à l’article 290 B du CGI et par le décret d’application du 7 octobre 2022 [10].
Le portail public de facturation (PPF), qui devait initialement offrir une alternative publique aux plateformes dématérialisées partenaires, afin de permettre aux assujettis de remplir leurs obligations directement auprès de l’administration, a finalement été abandonné [11].
Par conséquent, les entreprises assujetties à la TVA devront obligatoirement recourir à une PDP pour se mettre en conformité, dès le 1ᵉʳ septembre 2026.
Les PDP seront chargées des missions suivantes :
- émettre, transmettre, réceptionner les factures électroniques ;
- convertir la facture émise par le client dans le format requis pour transmission ;
- extraire et transmettre certaines données de la facture à l’administration fiscale (numéro d’identification de l’entreprise, montant HT de l’opération, montant de la TVA due, taux de TVA appliqué,…) ;
- transmettre les données de transactions entre fournisseur et client qui ne font pas l’objet d’une facture électronique à l’administration (« e-reporting ») ;
- transmettre les données de paiement pour l’ensemble des opérations ;
- contrôler la conformité des données de transaction et des factures émises ;
- assurer le suivi de ces factures électroniques.
La liste des plateformes partenaires est disponible et régulièrement mise à jour en ligne [12].
Afin de se différentier et d’être compétitifs, les PDP offriront des fonctionnalités supplémentaires aux entreprises, qui devraient faciliter leur mise en conformité, comme l’intégration du dispositif à leur logiciel comptable, ou à un logiciel d’achat ou de gestion des ventes, des options de suivi des créances et des relances clients ou encore des outils statistiques.
Sanctions.
Le non-respect des obligations de facturation et de transmission des données donnera lieu pour l’assujetti à une amende de :
- 15 € par facture, en cas de non-émission d’une facture sous format électronique, plafonnée à 15 000 € par année civile ;
- 250 € par transmission, en cas de non-respect de l’obligation de e-reporting, plafonnée à 15 000 € par année civile.
Les plateformes de dématérialisation (PDP) qui ne transmettraient pas les informations à l’administration fiscale seront également sanctionnées à hauteur de 15 € par facture et 750 € par transmission, plafonné pour les deux sanctions à 45 000 € par année civile.
Dans les deux cas, la première infraction commise ne sera pas sanctionnée lorsque l’infraction aura été réparée spontanément dans les 30 jours de la demande de l’administration [13].
Entrée en vigueur.
A partir du 1ᵉʳ septembre 2026, toutes les entreprises assujetties à la TVA (personnes physiques ou morales) établis en France, ou y ayant leur domicile ou leur résidence habituelle, devront être en mesure de recevoir des factures électroniques via une PDP.
L’entrée en vigueur des obligations d’émission des factures électroniques et de e-reporting interviendra en deux temps : le 1ᵉʳ septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et le 1ᵉʳ septembre 2027 pour les PME et les micro-entreprises. Les catégories d’entreprises sont celles définies à l’article 51 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008.
Calendrier.