A. La question économique comme antécédent à la décision d’adéquation.
L’antécédent sous forme d’accord de partenariat. L’adoption de certaines décisions d’adéquation est précédée d’accords de partenariat ou de libre échange économique entre l’Espace économique européen et le pays tiers considéré. Cela est le cas du Japon avec le Japan EU Free Trade Agreement, signé le 17 juillet 2018 entre l’Union Européenne et le Japon pour la décision d’adéquation adoptée par la suite le 23 janvier 2019. C’est aussi le cas de la Corée du Sud avec l’EU-Republic of Korea Free Trade Agreement signé le 1er juillet 2011 alors que la décision d’adéquation est intervenue plus tard le 17 décembre 2021.
L’antécédent dans la loi sur la protection des données à caractère personnel. La question économique peut aussi être un antécédent à la décision d’adéquation. Mais, dans ce cas, c’est dans la loi relative à la protection des données que cela se vérifie. Ainsi, des pays tiers se donnent des objectifs de nature économiques dans leur loi relative à la protection des données à caractère personnel, laquelle loi est un préalable obligatoire à l’adoption de la décision d’adéquation. Les cas du Japon [1], de la Corée du Sud et des Etats-Unis [2] qui précisent spécifiquement dans leurs législations relatives à la protection des données à caractère personnel des objectifs économiques.
Ainsi, lesdits pays tiers, à travers et au moyen de leurs dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel, ambitionnent, respectivement, établir des règles régissant le traitement des renseignements personnels par les entreprises dans le cadre d’activités commerciales, faire contribuer les informations personnelles à la création de nouvelles industries, à la réalisation d’une société économique dynamique et d’une qualité de vie enrichie, rendre réelles la dignité et la valeur des individus, utiliser les données pour favoriser, promouvoir et développer le commerce international, etc.
B. La décision d’adéquation comme conséquent et complément de l’accord de partenariat économique.
La décision d’adéquation est un conséquent de l’accord de partenariat ou de libre échange économique. Il faudrait relever deux aspects dans les législations et réglementations relatives à la protection des données à caractère personnel à savoir l’objet et l’objectif, et les champs d’application. L’un de leurs objet et objectif est la libre circulation des données à caractère personnel, d’une part, tandis que l’un de leurs champs d’application matériel est l’offre de biens ou de services à des personnes concernées se trouvant au sein des espaces étatiques ou communautaires, et/ou dont le suivi du comportement desdites personnes a lieu au sein desdits espaces.
Or, les offres de biens ou de services, ainsi que le suivi des comportements, qui consacrent et traduisent l’exécution des accords économiques, ont besoin d’un cadre organisé de respect des exigences universellement reconnues, partagées, pratiquées et garanties en matière de transferts internationaux de données à caractère personnel. De la sorte, la corrélation entre l’accord économique et la décision d’adéquation est d’une telle évidence que la seconde est une conséquence, une suite logique et inévitable du premier.
La décision d’adéquation est aussi un complément de l’accord de partenariat ou de libre échange économique. La décision d’adéquation complète l’accord de partenariat ou de libre échange économique. Cela est mentionné dans les communiqués d’annonce d’adoption des décisions d’adéquation du Japon, de la Corée du Sud et des Etats-Unis.
Dans le communiqué conjoint de Didier Reynders et Yoon Jong In, ci-devant respectivement Commissaire européen chargé de la justice et président de la Personal information protection commission sud-coréenne, les termes sont sans équivoque :
« (…) La décision d’adéquation complétera l’accord de libre-échange entre l’UE et la République de Corée en ce qui concerne les flux de données à caractère personnel (…) » [3]. C’est aussi le cas du Japon dont le communiqué de presse d’annonce de l’adoption de la décision d’adéquation précise ce qui suit : « (…) Les décisions d’adéquation complètent également l’accord de partenariat économique UE-Japon (…) » [4].
La nécessité d’intégration des visées économiques dans les législations de protection des données à caractère personnel. Les Etats, qui ne l’ont pas encore fait, ont intérêt à adresser ouvertement et consciencieusement les aspects économiques dans la réglementation de leurs cadres de protection des données à caractère personnel, parce que la pérennisation des marchés et la quête de nouveaux marchés économiques se réalisent en utilisant les données en circulation.
En outre, les ressources produites à partir des activités du marché des données pourraient leur être fort utiles, non seulement dans leur développement économique, mais aussi dans le financement de leurs activités diverses, notamment celles liées aux activités numériques et cybernétiques. Une telle démarche participera aussi à une protection plus forte et améliorée de leurs intérêts économiques.
C. La décision d’adéquation comme outil économique pertinent et de conciliation des objectifs de protection de la vie privée et de développement économique et commercial.
Au-delà de l’objectif de protection de la vie privée, des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, la protection des données à caractère personnel poursuit désormais ouvertement d’autres objectifs, notamment ceux purement économiques mentionnés dans des déclarations officielles des autorités européennes. La promotion des règles et normes relatives au respect de la vie privée et de protection des données à caractère personnel et la facilitation du commerce international ne sont pas incompatibles et peuvent donc aller de pair.
Les pays tiers ayant bénéficié de l’adoption d’une décision d’adéquation et la Commission européenne avaient mis en avant, entre autres, des arguments et des objectifs économiques. Pour le cas des Etats-Unis, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a déclaré ce qui suit :
« (…) Aujourd’hui, nous prenons une mesure importante pour donner confiance aux citoyens quant à la sécurité de leurs données, pour approfondir les liens économiques entre l’UE et les États-Unis (…) » [5].
En ce qui concerne l’adoption de la décision d’adéquation entre le Japon et l’Union Européenne [6], Mme Věra Jourová, commissaire chargée de la justice, des consommateurs et de l’égalité des genres, avait déclaré ce qui suit :
« Cette décision d’adéquation donne naissance au plus grand espace au monde de flux sécurisés de données. (…) Nos entreprises jouiront également d’un accès privilégié à un marché de 127 millions de consommateurs. Les investissements dans la protection de la vie privée sont payants. (…) ».
Pour ce qui est de la Corée du Sud, Didier Reynders, commissaire chargé de la justice, et Yoon Jong In, président de la commission de protection des données à caractère personnel avaient déclaré ce qui suit :
« (…) Sur la base de cette décision, les données à caractère personnel pourront être transférées en toute sécurité de l’UE vers la République de Corée au bénéfice des citoyens et des économies des deux parties (…) ».
Pour le cas du Canada, la décision d’adéquation accordée est essentiellement économique car, elle concerne les traitements effectués par les organisations du secteur privé, d’une part, et les données à caractère personnel commerciales traitées dans le cadre d’une activité commerciale, d’autre part.
Ce qu’il faut retenir.
L’exploration de la dynamique des données à caractère personnel permet de découvrir la portée fonctionnelle économique de la décision d’adéquation. De plus, il est apparu, avec une implacable évidence, les interactions et la corrélation entre la protection des données à caractère personnel et l’activité économique.
En revanche, l’option de prendre en compte la dimension économique de la protection des données à caractère économique ne se limite pas seulement à l’inscrire dans les dispositions de description et d’indication des objectifs d’une loi.
Il faudrait par la suite construire cet objectif à travers les différentes dispositions de l’instrument juridique considéré, dans le but de traduire, de manière pertinente et efficiente, la volonté d’utiliser les données à caractère personnel comme un intrant de développement et de croissance économiques.