L’affaire concernait le renvoi vers l’Algérie d’un ressortissant algérien condamné en France. Il était assigné à résidence depuis 2010 après avoir effectué sa peine d’emprisonnement dans son intégralité. Il avait déposé une demande d’asile qui fut rejetée par l’Ofpra le 17 février 2015.
La décision, au lieu de lui être adressée par courrier, lui fut notifiée, le 20 février dans le commissariat où il se rendait chaque jour dans le cadre de son assignation à résidence, en même temps qu’une mesure d’éloignement. La préfecture de Charente, la brigade de gendarmerie et les autorités algériennes avaient, quant à elles, été informées dès le 17 février 2015 de cette décision aux fins de préparer son expulsion. Ainsi, les autorités ayant pris soin de faire établir un laissez-passer consulaire, conduisirent immédiatement le requérant à l’aéroport de Roissy en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement.
Le requérant saisit alors la Cour d’une demande de mesure provisoire. La Cour fit droit à cette demande le jour même en enjoignant le Gouvernement de ne pas procéder au renvoi du requérant vers l’Algérie avant le 25 février. Les autorités françaises procédèrent néanmoins à l’expulsion, arguant a posteriori que lorsque les services de la police aux frontières reçurent les instructions, les portes de l’avion à bord duquel se trouvait le requérant étaient déjà closes. A son arrivée en Algérie, le requérant fut arrêté, d’abord par les services du renseignement, puis mis en examen et placé en détention provisoire.
La CEDH juge d’une part que la France a violé l’article 3 de la Convention, en expulsant cet homme vers un pays où sont signalés des « cas de torture et d’autres mauvais traitements dans des lieux de détention, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ». La Cour relève que le risque de torture est détaillé dans des rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs ONG et que le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture n’a obtenu d’Alger « aucune suite favorable à ses demandes de visite dont la première a été formulée en 1997 ».
La Cour condamne d’autre part le gouvernement français, lequel a manqué à ses obligations au titre de l’article 34 de la Convention, en procédant à l’expulsion du requérant en violation de la mesure indiquée par la Cour en vertu de l’article 39 du règlement.
La Cour reproche ainsi au gouvernement français d’avoir organisé l’expulsion en mettant tout en œuvre pour entraver le droit, de cet homme, d’effectuer un recours contre son expulsion imminente. La Cour observe ainsi que les autorités françaises ont préparé le renvoi de cet homme en Algérie afin qu’il intervienne quelques heures seulement après que le requérant en ait été informé. La Cour reproche au gouvernement français d’avoir délibérément créé une situation dans laquelle le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la Cour d’une demande de mesure provisoire affaiblissant ainsi le niveau de protection de l’article 3 de la Convention.
Cet arrêt, qui intervient dans un contexte particulier, à la suite des attentats ayant ébranlé la France, rappelle, en tant que de besoin, l’importance, pour les Etats parties à la Convention de respecter les droits et libertés fondamentales garantis par celle-ci.