La clause résolutoire et le bail commercial.

Par Joan Dray, Avocat.

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Explorer : # clause résolutoire # bail commercial # locataire # procédure judiciaire

La clause résolutoire est un aménagement contractuel résultant de la volonté des parties aux termes de laquelle le contrat cessera de produire effet par anticipation en raison des manquements et/ ou fautes du locataire aux clauses et conditions du bail. La clause résolutoire revêt une importance pratique dans la mesure où le bailleur peut sanctionner le locataire pour des motifs plus larges que les manquements traditionnels ( loyers et charges impayés etc...)

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La clause résolutoire a pour objet de sanctionner l’inexécution pour le cocontractant des obligations découlant du bail commercial, faute d’avoir obtempéré dans le délai d’un mois consécutif à la mise en demeure qui lui a été auparavant signifiée. La mise en application de la clause résolutoire découle de la convention, mais se trouve encadrée par des dispositions d’ordre public : l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 devenu après codification l’article L. 145-41 du Code de commerce. Cette stipulation contractuelle ne doit pas être confondue avec la résiliation de droit commun qui découle des articles 1184 et 1741 du Code civil : celle-ci peut être poursuivie judiciairement sans mise en demeure préalable, à la requête du bailleur ou du preneur. La juridiction saisie doit apprécier la gravité de la faute alléguée au regard de la sanction encourue, alors que saisi sur le fondement de la clause résolutoire, le juge doit en principe se borner à constater l’existence et la persistance de l’infraction sans pouvoir intervenir sur la consistance de l’infraction et des sanctions envisagés. Corrélativement, la mise en application de la clause résolutoire ne doit pas être confondue avec le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes régi par les dispositions de l’article L. 145-17 du Code de commerce. La délivrance préalable d’une mise en demeure est également requise, mais là encore la juridiction saisie dispose d’une appréciation souveraine de la gravité de la faute alléguée, à défaut par le preneur d’avoir obtempéré dans le délai légal d’un mois.

I/Le principe de la clause résolutoire.

La clause résolutoire, permet d’obtenir la résiliation automatique du bail en cas d’infraction aux obligations qu’elle vise. En effet, les parties conviennent à l’avance que le contrat sera résilié de plein droit du seul fait du manquement sans que les tribunaux ne puissent si opposer.

Comme la clause résolutoire est dangereuse pour le locataire, la sanction pouvant être disproportionnée au manquement, elle n’est admise que pour des manquements essentiels aux intérêts du bailleur.

Cela étant, alors que le domaine d’application de la clause résolutoire est plus stricte en matière de baux d’habitation, le législateur a accordé au bailleur la possibilité de sanctionner le locataire pour des manquements diverses (non paiement des charges, non exécution d’une obligation de faire, non respect des de la destination du bail etc......).

Il convient de rappeler les conditions préalables à la mise en œuvre de la clause résolutoire.

Le bailleur pourra se prévaloir de ladite clause aux conditions suivantes :

- le locataire aura commis une faute et / une infraction aux clauses et conditions du bail commercial,

- cette infraction devra être sanctionnée par la clause résolutoire,

- cette infraction devra avoir perduré au- delà d’un mois à compter du commandement,

- la bailleur devra faire preuve de bonne foi dans l’application de la clause.

De par ces conditions, le bailleur devra veiller à la rédaction de la clause résolutoire et notamment s’assurer que les divers manquements qu’il pourrait imputer à son locataire, sont prévus et sanctionner par la rédaction de la clause.

II/La procédure.

Au préalable, il convient de préciser que la mise en œuvre de la clause résolutoire s’applique tant durant le bail en cours d’exécution mais également en cours de tacite reconduction et de renouvellement.

L’article L. 145-41, alinéa 1er du Code de commerce dispose que la résiliation de plein droit ne produit effet "qu’un mois après un commandement demeuré infructueux".

Le bailleur qui constate que le locataire ne respecte pas les clauses et conditions du bail et quel que soit le motif allégué devra lui adresser un « commandement de payer visant la clause résolutoire ».

En premier lieu, le commandement doit être signifié par acte d’Huissier de Justice.

En second lieu, le commandement doit viser la clause résolutoire (en la reproduisant) et établir les manquements reprochés.

En troisième lieu, le commandement devra indiquer de façon impérative le délai d’un mois à l’expiration duquel l’infraction et / le manquement devront avoir cesser et les sanctions visées.

Afin de protéger les intérêts du locataire, le commandement doit respecter un formalisme très strict au risque d’être annulé pour vice de forme, notamment l’information de l’intention de mettre en jeu la clause résolutoire si le locataire n’exécute pas ses obligations dans un délai d’un mois à compter de la réception du commandement.

L’absence d’indication du délai d’un mois, qui vise à permettre au locataire de régulariser sa situation, est sanctionnée par la nullité du commandement (article L. 145-41 du Code de commerce).

La Cour de cassation a jugé dans un arrêt en date du 8 décembre 2010 que "la clause prévoyant la résiliation de plein droit du bail commercial après un commandement demeuré infructueux ne peut prévoir un délai inférieur à un mois car elle tenait en échec les dispositions d’ordre public de l’article L. 145 41 du code de commerce aux termes duquel toute clause prévoyant la résiliation de plein droit ne produisait effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, en a justement déduit que, l’article L. 145 15 du même code édictant la nullité de toute clause ayant pour effet de faire échec aux dispositions de l’article L. 145 41, la clause résolutoire insérée au bail litigieux était nulle ;" (Arrêt n° 1451 du 8 décembre 2010 (09-16.939) - Cour de cassation - Troisième chambre civile).

Cet arrêt rappelle que les dispositions de l’article L. 145-41 sont d’ordre public et que les parties ne peuvent y déroger par une clause conventionnelle.

Le législateur a édicté cette disposition afin de protéger le locataire et de lui permettre de trouver une solution dans un délai raisonnable.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire devra être signifié au locataire par le biais d’un Huissier de justice et devra indiquer avec précision les clauses du contrat auxquelles le preneur aurait contrevenu, de même que les griefs formulés à son encontre ce qui implique la justification et le détail des sommes mises en recouvrement au titre du loyer ou des charges (Cass. 3e civ., 14 déc. 1988 : Rev. Loyers 1989, p. 79. – Cass. 3e civ., 23 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 21).

Si le commandement ne respecte pas ce formalisme, la clause résolutoire peut s’avérer inapplicable (Cass. 3e civ., 28 mars 1995 : Rev. loyers 1995, p. 397) et la validité du commandement remise en cause.

Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois pour s’acquitter de sa dette.

A défaut pour le locataire d’avoir, dans le délai d’un mois, demandé des délais de paiement au juge ou d’avoir réglé l’arriéré et / ou d’avoir remédié à l’infraction établie par le commandement, le bail est résilié de plein droit, il devient un occupant sans titre et peut s’exposer à des sanctions complémentaires ( frais de poursuite, indemnités d’occupation, etc...).

Le bailleur doit alors saisir le juge aux fins de constat de la résiliation du bail.

Sur l’exigence de bonne foi du bailleur

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 3 novembre 2010 les limites à la mise en œuvre de la clause résolutoire et notamment l’obligation du bailleur de faire preuve de bonne foi (Civ. 3e, 10 nov. 2010, FS-P+B, n° 09-15.937)

Dans cet arrêt , le preneur reprochait au juges d’avoir constaté la clause résolutoire sans avoir au préalable constaté la bonne foi du bailleur et il est vrai qu’au cas d’espèce le bailleur avait cherche en réalité à supprimer une exploitation concurrente d’un commerce qu’il exploitait.

Pour un autre exemple de mauvaise foi du bailleur, la Cour de cassation a jugé que des bailleurs ne pouvaient ignorer, lors de la délivrance du commandement de payer, que l’état d’insalubrité des lieux rendait impossible l’exploitation normale d’un restaurant, c’est donc à bon droit que le juge a constaté que les bailleurs avait invoqué en toute mauvaise foi la clause résolutoire et ont refusé de donner effet au commandement. (cass 11 février 2004).

Il n’est pas inutile de rappeler qu’il appartenait au bailleur d’établir la persistance de l’infraction aux clauses du bail après l’expiration du délai de mise en demeure .

III/ les procédures de secours au bénéfice du locataire.

Dans la pratique, il n’est pas rare de voir des locataires négligents ou qui n’ont pas pris conscience des sanctions qu’il peuvent encourir, notamment la perte de leur bail commercial et la disparition de leur fonds de commerce.

En effet, il est des cas où des locataires ont perdu leur droit au bail pour des loyers impayés dont le montant est manifestement dérisoire par rapport à la valeur de leurs fonds de commerce.

Il est donc utile d’informer le locataire qu’il disposent de procédures lui permettant d’éviter une issue dramatique.

La suspension de la réalisation de la clause résolutoire

L’article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce permet au juge d’accorder au débiteur des délais en suspendant, sous certaines conditions, les effets de la clause résolutoire.

Ce texte dispose désormais :

"Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée (....)"

La demande de délais est faite devant le Tribunal, tant que la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

On se trouve dans le cas où le commandement a été signifié et le délais d’un mois n’a pas encore expiré, la clause résolutoire n’est pas encore acquise.

Il existe une autre solution de sauvetage qui consiste pour le locataire, qui est attrait par le bailleur devant le Tribunal d’une demande de constatation de la clause résolutoire, à solliciter des délais.

La demande de délais doit être présentée par le locataire et n’est jamais relevé d’office par le Tribunal.

Le locataire peut donc, même s’il a laissé passer le délai d’un mois, et même si une ordonnance de référé a été rendue constatant la résiliation du bail tant que cette décision n’est pas devenue irrévocable, solliciter des délais de règlement et demander la suspension des effets de la clause résolutoire.

Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour accéder ou non à la demande du locataire. En effet, les délais sont octroyés en fonction de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier. Par exemple, le juge pourra apprécier le comportement du locataire et notamment les efforts qu’il a pu faire pour tenter de régulariser sa situation.

En définitive, le locataire pourra solliciter des délais :

- dans le délai indiqué par le commandement visant la clause résolutoire,

- devant le juge des référés à titre principal ou par voie reconventionnelle,

- devant la Cour d’Appel.

Bien évidemment, la suspension des effets de la clause résolutoire sera conditionnée par le règlement des causes du commandement.

Des délais peuvent être accordés dans la limite de deux ans compte tenu à la fois "de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier".

En conséquence, l’intervention du juge aboutira peut être à effacer les effets pourtant acquis de la clause résolutoire, ce qui lui fait perdre son automaticité et une partie de son “intérêt.”

Joan Dray Avocat mail

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Discussions en cours :

  • par Maya , Le 29 février 2020 à 01:39

    Bonjour
    Jai reçu un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire le 27 février 2020. Je suis fonctionnaire titulaire du CCAS de la ville de Nice. Jai eu quelques soucis financiers avec mon conjoint qui a du subir une opération et a été mis en arrêt maladie du 6 Novembre au 28 Novembre pendant toute cette période en sachant que jai un plan de surendettement de la BDF en application, j’ai du tout payer toute seule et essayé de m’avancer sur mon loyer de 534€ . J’ai commencer par régulariser le 6 décembre une Somme de 550€ et le 21 décembre une Somme de 350€ pour m’avancer sur le loyer du mois de Janvier en pensant aussi que mon conjoint percevrait ses indemnisations de la sécurité social mais il n’a quasiment rien perçu et il était à découvert de 800€ . Il y a eu les fêtes aussi entre temps ont a du fêter Noel en familles et montrer que tout aller bien offrir les cadeaux au petits frères et sœurs et neveux et nièces et au enfants de mon conjoint. Et puis le jour de l’an à la maison car ont ne pouvait pas ce le permettre. La 2 ème moitié du mois de janvier a été régulariser le 13 février 2020 et le loyer de février a était régularisé le 27 février par virement auprès de l’agence immobilière. Mon conjoint a perdu son emploi et a reçu un solde tout compte de 650€ il est toujours à moins 850€ avec plusieurs prélèvements en cours de traitement des retard de paiement des prélèvements en double de bouygues 112€ deux fois il n’a jamais vu la couleurs de cette argent même le virement de sa part de loyer qu’il est censé m’aider à payer tout les mois à était refusé. Je lai inscrite au chômage le 21 Janvier, le temps de fournir tout les documents que pôle emploi demande nous étions déjà au mois de Février mais nous avons reçu un.courrier de pôle emploi qui comfirme que mon conjoint touchera son chômage à partir du 3 Mars 2020 il a déjà mis en place un virement de 550€ auprès de l’agence immobilière nous sommes de bonne foi ont a juste mal fini et mal commencé l’année. Mais ma questions c’est si nous arrivons à régulariser notre situation avant même le délai de 2 mois qui est stipulé dans le courrier d’huissier est-ce que le bail est-il quand même résilié et sommes nous donc expulser comment faire si ont a nul part ou aller jai fait une demande d HLM depuis 3 ans et même au services logement du CCAS. Nous pouvons régulariser la sommes du fin Mars en 1 mois ai lieu de 2 mois. Mais j’ai l’impression que 1573€ de retard n’ai pas la sommes correct avec tout les virement que j’ai effectué à l’agence immobilière entre temps . Et je pense qu’on me demande en même temps dans cette sommes à régler, le mois de Mars qui n’ai pas encore rentré et que je dois régulariser avant le 10 du mois comme convenue avec l’agence par échange d’email. je suis perdu c’est mon premier logement je veux m’en sortir Merci par avance mes salutations distinguées.

  • Cher maître

    je suis propriétaire d’un immeuble commercial, avec le bail commercial (y compris clause résolutoire incluse). Sachant que mon locataire me devait 7 loyers. J’ai demandé à faire appliquer cette clause résolutoire, qui a été établi par un maître huissier, après commandement demeurer infructueux.

    Un mois après, il a été demandé un redressement judiciaire.

    Question : je voudrais savoir de quel droit ce redressement judiciaire a pu passer avant ma demande, ce bail n’a pas été respecté, si j’ai bien compris votre texte. PS . Si ce dossier vous intéresse veuillez m’informer).

    Je vous prie de croire, cher maître, en l’assurance de ma respectueuse considération.

    • par Loïc Lerate , Le 2 octobre 2013 à 11:28

      Cher Monsieur,

      L’ouverture d’une procédure collective emporte arrêt des poursuites en acquisition de la clause résolutoire pour des loyers et charges impayés antérieurs au jugement d’ouverture.

      Il est nécessaire de déclarer votre créance auprès du mandataire désigné et de l’interroger sur la continuation ou non du bail.

      Demeurant à votre disposition,

      Votre bien dévoué,

      Loïc Lerate

    • par Isabelle , Le 25 avril 2017 à 06:56

      Mon locataire commercial ne paye plus de loyer le juge lui a accordé un remboursement en 4 fois à la date du 15 mais celui ci n à pas réglé sa d’ette dans le délibère il est noté qu a défaut de paiement il ya une expulsion i média avec huissier combien de temps sa risque de duré merci cordialement

    • par Jennifer , Le 27 octobre 2017 à 18:35

      Bonsoir Maître,
      Alors je vous expliqué ma situation j’ai reçu un commandement de payer visant la clause resolutoire de mon bail,
      J’ai un bailleur qui es vraiment de mauvaise fois je lui envoie chaque mois mon loyer mais il ne va pas toujours chercher les recommandé j’ai donc fais un mandat cash à la poste pour un mois mais pareil il n’a pas été le chercher. La le commandement de payer n’est pas correct il me réclame une somme de loyer mais par exemple il me réclame le loyer de février alors que je l’ai bien payer avec preuve compte bancaire.. que faire je suis tétanisé à l’idée de perdre mon affaire..
      Merci de m’aider
      Bien cordialement

  • par conrad yves , Le 19 septembre 2016 à 22:05

    {{}}oui cela me rends enormement service j ai un locataire qui depuis 2009 sur un bail de 2003 ou il a repris un commerce refuse toute revalorisation de loyer depuis 2009 tout les loyers voisins sont a 20 euros du m2 il me paie 4 euros et demi le metre et refuse de me rembourser la taxe d ordures menageres qui est de 500 euros par an une procedure de deplafonnement de loyer c est trés lent et le loyer ne compense toutes les charges 1243 euros pour 260 m de locaux d emplacement de 1 ordre sur l avenue ? un notaire cet aprés midi m a dit de demander la nullité de ce bail tant les disproportions sont enormes ?

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