Il convient préalablement de rappeler que l’article 2 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 [1] dispose que :
« Un code de déontologie propre à chaque profession est préparé par son instance nationale et édicté par décret en Conseil d’Etat. Ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions. Les instances nationales mentionnées au premier alinéa sont l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat.
Les instances nationales précisent par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie.
Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement est approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ».
C’est pour assurer la mise en œuvre de l’article législatif précité qu’a été publié au Journal Officiel du vendredi 29 décembre 2023 le décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au code de déontologie des notaires.
Ce texte comporte 31 articles répartis à travers quatre titres :
- Le titre 1er porte sur les devoirs généraux du notaire avec les articles de 3 à 20.
- Le titre II sur les devoirs du notaire envers les clients avec les articles 21 à 25.
- Le titre III sur les devoirs de confraternité avec les articles 26 à 28.
- Le titre IV sur les dispositions finales avec les 29 à 31.
Notre commentaire se limitera aux dispositions relatives aux Titre 1er et II du décret du 29 décembre 2023.
Il convient préalablement de relever que le décret du 29 décembre 2023 sur la déontologie notariale comporte deux articles liminaires qui définissent le champ d’application du code et le rôle du notaire.
L’article 1er précise que les dispositions du décret du 29 décembre 2023 constituent le Code de déontologie de la profession de notaire. Elles s’appliquent à l’ensemble des notaires quels que soient leurs qualités, leurs modes et leurs structures d’exercice.
Aux termes de l’article 2, le notaire est un officier public ministériel, délégataire de l’autorité publique, chargé d’une mission de service public.
A ce titre il reçoit en personne tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique.
Il recueille le consentement des parties, assure la date, la conservation et le dépôt des actes et en délivre des copies exécutoires et des copies authentiques.
Il est le conseil des personnes physiques ou morales de droit privé et de droit public et le rédacteur impartial de leurs volontés.
Il leur fait connaître l’étendue des obligations qu’elles contractent, rédige leurs engagements avec clarté, leur conférant le caractère d’un acte authentique.
Il ne peut déléguer l’accomplissement des actes inhérents à son statut d’officier public et ministériel.
I. Les dispositions portant sur les devoirs généraux des notaires.
Ces dispositions se rapportent aux articles 3 à 20 du décret du 29 décembre 2023 sous le Titre I.
L’article 3 du décret précise les conditions suivant lesquelles le notaire doit exercer sa profession.
Délégataire de l’autorité publique, il doit exercer sa profession dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, notamment celles du Code de déontologie des notaires qui constitue une norme de nature décrétale.
Il doit expliquer la loi et en assurer l’application en sa qualité de délégataire de l’autorité publique.
Il doit assurer la moralité et la sécurité de la vie contractuelle.
Il doit accomplir sa mission avec loyauté, neutralité, impartialité, probité et délicatesse.
Il doit loyauté et respect aux autorités publiques et doit faire preuve de diligence et de courtoisie envers les professionnels avec lesquels il est en relation.
Tous actes contraires à la loi lui sont interdits.
Il doit assurer ce service public soit dans le cadre d’une activité libérale, à titre individuel ou sous forme de société, soit en tant que salarié d’un office notarial.
Il doit consacrer l’essentiel de son temps à l’exercice de son activité professionnelle.
L’article 4 a trait aux conditions sacramentelles par lesquelles le notaire rentre dans sa profession.
Nommé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, il doit prêter serment devant la cour d’appel dans le mois de sa nomination, conformément à la formule suivante :
« Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent »
Lors de la première assemblée générale de sa compagnie qui suit la prestation de serment, il doit attester en présence de ses pairs avoir connaissance des règles d’exercice de sa profession et des règles du présent code de déontologie. Il s’engage solennellement à les respecter, conformément au serment qu’il a prêté devant la cour d’appel.
L’article 5 concerne les circonstances dans lesquelles le notaire peut refuser son concours.
Par principe, il ne peut refuser ses services à tout client qui le sollicite.
Par exception, il est tenu de refuser de prêter son conseil ou son concours en vue de l’établissement d’actes ou de conventions :
- impliquant des personnes ne paraissant pas jouir de leur libre arbitre ;
- contraires à la loi, frauduleuses ou qu’il sait inefficaces ou inutiles.
Il doit se conformer aux règles d’incapacité professionnelle prévues par les textes en vigueur.
L’article 6 a trait au comportement et à l’éthique du notaire.
Il doit veiller à donner par son comportement tant dans l’exercice de ses fonctions que dans sa vie privée la meilleure image de sa profession, dans le respect des principes énoncés à l’article 3 du présent code, outre ceux d’honneur et de dignité.
Il doit s’abstenir de toute pratique contraire à la déontologie.
L’article 7 est lié à l’indépendance du notaire.
Officier public, il ne peut renoncer à son indépendance et à sa neutralité en toute circonstance.
Il doit veiller à demeurer libre de tout lien extérieur, d’ordre personnel, professionnel ou financier, qui pourrait être interprété comme constituant une entrave à son intégrité ou à son objectivité.
L’indépendance du notaire contribue à garantir la qualité du service rendu au client.
Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire doit s’attacher à ne jamais se placer dans une situation de dépendance susceptible de porter atteinte à son libre arbitre ou à faire obstacle à l’accomplissement de ses devoirs.
Il doit veiller à éviter tout conflit d’intérêts et à ce que toute personne placée sous son autorité adopte le même comportement.
L’article 8 concerne le secret professionnel.
Le notaire et toute personne placée sous son autorité sont tenus au secret professionnel.
Le secret professionnel est général et absolu.
Le notaire, confident de ses clients, y est tenu dans les conditions prévues par le code pénal et toutes autres dispositions législatives ou réglementaires.
En outre, assurant une mission de service public, le notaire et toute personne placée sous son autorité doivent respecter l’obligation de discrétion professionnelle.
L’article 9 a trait aux règles de lutte contre le blanchiment.
Le notaire doit veiller au respect de ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il doit mettre en place les procédures adéquates au sein de l’office notarial et doit actualiser ses connaissances afin de se conformer à la réglementation française, aux normes européennes et internationales, ainsi qu’aux recommandations des instances du notariat.
L’article 10 impose au notaire de veiller au respect des obligations en matière de protection des données à caractère personnel.
L’article 11 impose au notaire une obligation de formation et de mise à jour de ses connaissances.
Le notaire doit se tenir informé de l’évolution du droit, de l’économie et de la société.
Il doit entretenir et renouveler ses connaissances en participant aux actions de formation organisées notamment par ses instances professionnelles, conformément aux textes en vigueur et aux circulaires du Conseil supérieur du notariat.
Il doit mettre régulièrement à jour ses compétences en matière de gestion de l’office notarial.
Il doit veiller et contribuer à la formation professionnelle de ses collaborateurs.
L’article 12 impose au notaire de veiller au choix de ses collaborateurs quant à leur compétence et leur discrétion.
Il doit s’assurer qu’ils disposent de la compétence appropriée à la nature et à la complexité des tâches qui leur sont confiées.
L’article 13 s’interesse aux conditions d’installation du notaire.
Ce dernier doit justifier d’une installation matérielle, au sein d’un local dédié à l’accueil de sa clientèle et à la réception de ses actes, permettant l’exercice de son activité dans le respect des règles fixées aux articles 3 et 6 du Code de déontolgie.
Ce local est le lieu de réception habituel de sa clientèle.
Il est situé à la résidence dans laquelle le notaire a été nommé.
L’article 14 s’interesse à la publicité du notaire.
Ce dernier doit s’abstenir de toute démarche à caractère publicitaire destinée à proposer, soit directement, soit indirectement, soit à titre personnel, soit par personne interposée, ses services à des tiers, y compris sur les réseaux sociaux.
La sollicitation personnalisée est une forme de communication qui dépasse la simple information ; elle est destinée à promouvoir les services d’un notaire à l’attention d’une personne physique ou morale déterminée ou d’un groupe de personnes déterminées.
Elle n’est pas une quelconque forme de publicité.
La sollicitation personnalisée et l’offre de services en ligne sont autorisées dans le respect de la réglementation en vigueur dès lors qu’elles procurent à leurs destinataires une information utile et sincère.
Les moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en œuvre avec discrétion de façon à ne pas porter atteinte à l’indépendance, à la dignité, à l’honneur de la profession ainsi qu’aux règles du secret professionnel et à la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession.
Seules les instances du notariat peuvent recourir à des actions de promotion de la profession, sous forme d’information à caractère général.
Les modes de communication précités ne sont admis qu’à condition que l’expression en soit décente et empreinte de retenue, que leur contenu ne comporte aucune inexactitude ni ne soit susceptible d’induire les destinataires en erreur et qu’ils soient exempts de tout élément comparatif.
L’article 15 porte sur les mentions du papier à en-tête notarial.
Le notaire doit mentionner dans ses correspondances et l’ensemble des actes relevant de son activité professionnelle son titre de notaire, à l’exclusion de toute autre dénomination ou qualification.
Il est autorisé à faire suivre l’indication de son titre de celle de ses diplômes et grades universitaires, de son certificat de spécialisation et des distinctions honorifiques reconnues par la République française.
Le notaire salarié doit mentionner le nom ou la dénomination du titulaire de l’office notarial au sein duquel il exerce ainsi que le siège de cet office.
L’article 16 concerne la dénomination de l’office notariale.
Le notaire ne peut ajouter aucun nom, surnom ou prénom à la dénomination sous laquelle il a obtenu sa nomination.
L’appellation et la dénomination des structures d’exercice doivent respecter les règles d’ordre public, les droits des tiers et l’ensemble des principes du présent code.
Elles ne doivent pas susciter de confusion dans l’esprit du public.
L’article 17 dispose que le notaire détient un sceau personnel portant ses nom, qualité, lieu d’exercice et, d’après un modèle uniforme, l’effigie de la République française.
Le sceau peut être apposé par voie électronique.
L’article 18 porte sur la signalétique notariale.
L’office notarial est signalé par un panonceau portant l’effigie de la République française, sans autre mention que le mot « Notaire ».
L’article 19 concerne l’obligation de conservation.
Le notaire doit assurer la conservation de ses minutes, du répertoire des actes qu’il a reçus, de sa comptabilité et de ses archives, conformément à la loi et aux textes réglementaires régissant l’exercice de la profession.
L’article 20 a trait à la comptabilité.
Le notaire doit tenir la comptabilité de son office conformément aux textes en vigueur et aux prescriptions de l’instance nationale du notariat.
II. Les dispositions portant sur les devoirs des notaires envers les clients.
Ces dispositions se rapportent aux articles 21 à 25 du décret du 29 décembre 2023 sous le Titre II.
L’article 21 pose la règle de la liberté de choix du notaire.
Toute personne est libre du choix de son notaire.
Le notaire et toute personne placée sous son autorité doivent s’abstenir de toute démarche ou manœuvre ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à cette liberté de choix.
L’article 22 a trait à la probité et à l’éthique.
Le notaire doit en toutes circonstances à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l’impartialité, la probité, le conseil adapté à sa situation et l’information la plus complète.
L’intérêt du client doit primer toujours le sien.
Le notaire doit proposer les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat souhaité par le client, en conformité avec la loi.
Il doit exercer son office jusqu’à son terme usuel.
Toutefois, il peut l’interrompre pour des motifs justes et raisonnables, tels que :
- la perte de confiance nécessaire à la bonne exécution de sa mission, qu’elle émane du notaire ou du client ;
- le manque caractérisé de respect du client, tant vis-à-vis du notaire que de ses collaborateurs et de la profession notariale ;
- la rétention réitérée par le client d’informations ou de documents essentiels au bon traitement du dossier ;
- le non-respect par le client des lois et règlements.
Il est interdit au notaire de se livrer ou de prendre part soit directement, soit indirectement, soit à titre personnel, soit par personne interposée, à une opération prohibée par la réglementation en vigueur.
Le notaire est tenu de mettre un terme à sa mission avec le client dès la survenance d’un évènement susceptible de le placer dans une situation de conflit d’intérêts ou de porter atteinte à son indépendance.
Il est interdit au notaire de recevoir un acte sans avoir été provisionné d’une somme suffisante pour couvrir les droits, émoluments, honoraires et débours liés à cet acte.
Il ne peut consentir une avance à son client sous quelque forme que ce soit.
Dans le cas où le notaire requis ne peut instrumenter, il doit en expliquer les raisons à son client.
L’article 23 fixe les conditions de la rémunération du notaire.
Le notaire est rémunéré conformément aux dispositions tarifaires en vigueur.
La rémunération qu’il perçoit doit toujours correspondre à une prestation effective.
Pour une même prestation mentionnée dans les dispositions réglementaires relatives aux tarifs des notaires, les émoluments prévus par ces dispositions sont exclusifs de la perception de toute autre rémunération.
Le notaire peut percevoir des honoraires au titre de prestations non rémunérées par un émolument.
Ces honoraires sont fixés dans le respect des dispositions du code de commerce et font l’objet d’une convention d’honoraires préalable signée par le client.
La collaboration rémunérée sous forme d’honoraires entre notaires ou avec d’autres professionnels pour des affaires déterminées est admise dans le respect de l’ensemble des règles professionnelles et déontologiques.
La fixation des honoraires obéit aux exigences posées dans la partie législative du code de commerce afférente aux professions réglementées et respecte le principe particulier de délicatesse propre à la profession.
L’article 24 a trait à l’opération d’apurement des comptes.
Dès l’accomplissement des formalités postérieures à la réception des actes, le notaire doit apurer le compte du client et lui adresse la copie authentique intégrale, le relevé de compte et l’état détaillé des frais.
L’article 25 porte sur les contestations.
En cas de contestation par le client des conditions d’exercice de la mission ou de différend portant sur les honoraires, le notaire doit proposer à son client une médiation avant toute action en justice.
Le notaire doit toujours informer son client de son droit de saisir le médiateur de la consommation du notariat.
Le notaire est tenu de répondre avec diligence à toute sollicitation du médiateur de la consommation du notariat concernant une affaire qu’il a traitée ou à laquelle il a pris part.
Ce décret énonce donc les grands principes applicables aux notaires dans leurs relations avec notamment les justiciables.
Il s’inscrit dans l’exigence de transparence des professions règlementées posée par le législateur dans l’article 41 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire [2].
En effet, cette loi a imposé à chaque instance nationale de chaque profession règlementée d’édicter un code de déontologie permettant d’assurer une meilleure transparence dans les relations des professionnels concernés principalement avec leurs clients.
Conformément à l’article 29 du décret du 28 décembre 2023, le Code de déontologie des notaires entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication, soit à compter du 1er février 2024.
A cette même date, l’arrêté du 22 mai 2018 portant approbation du règlement national et du règlement intercours du Conseil supérieur du notariat sera abrogé.