Rôle et missions des experts judiciaires.
Les experts judiciaires sont des professionnels spécialisés, inscrits sur des listes établies par les cours d’appel ou la Cour de cassation, qui interviennent ponctuellement dans des affaires civiles, pénales ou commerciales. Leur mission principale consiste à fournir un avis technique impartial au juge, éclairant ainsi des aspects complexes du litige qui dépassent les compétences juridiques classiques. Ces experts peuvent être sollicités pour diverses tâches, telles que l’évaluation des dommages dans des affaires civiles, l’interprétation de données techniques en matière pénale ou l’estimation de la valeur d’actifs immobiliers. Ils sont tenus de respecter certaines dispositions du Code de procédure civile garantissant leur indépendance, leur probité et leur impartialité, tout en assurant le respect du principe du contradictoire.
Précisons qu’il n’existe pas, fort heureusement, de Code de déontologie qui aurait pour effet de restreindre drastiquement la liberté de l’expert, lequel n’a et ne doit avoir de comptes à rendre qu’au juge.
Fonctionnement des compagnies d’experts.
Ces associations, souvent régionales ou nationales, regroupent des experts inscrits sur les listes des cours d’appel ou de la Cour de cassation. Elles offrent divers services, notamment la formation continue sur les évolutions législatives et techniques, l’assistance administrative et la représentation auprès des pouvoirs publics. Bien que leur adhésion ne soit pas obligatoire, elles jouent un rôle dans le réseautage entre experts et juridictions. Mais en aucun cas elles ne permettent de faciliter l’accès à des missions judiciaires puisque seul le juge est décisionnaire en la matière. Le Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice (CNCEJ) fédère près de 10 000 experts à travers une centaine de compagnies pluridisciplinaires ou spécialisées. Cette structure nationale vise à harmoniser les pratiques et à promouvoir l’excellence professionnelle, mais elle n’impose pas de contrôle strict sur ses membres, ce qui peut conduire à des disparités dans la qualité des expertises fournies.
Critiques envers les compagnies d’experts.
Malgré leur rôle important dans l’organisation des experts judiciaires, les compagnies font l’objet de critiques récurrentes. L’absence de régulation stricte, contrairement aux ordres professionnels comme celui des avocats, peut entraîner une hétérogénéité dans la qualité des expertises fournies. Des accusations de conflits d’intérêts émergent : certaines compagnies sont soupçonnées de favoriser leurs membres dans l’attribution des missions judiciaires, ce qui pourrait nuire à l’impartialité perçue du système. De plus, la gestion interne de certaines compagnies est parfois critiquée pour son manque de transparence, notamment concernant les critères de sélection ou d’évaluation des experts.
Défis et perspectives pour les experts judiciaires.
L’avenir des experts judiciaires repose sur plusieurs axes d’amélioration pour répondre aux attentes croissantes du système judiciaire. L’indépendance, tant vis-à-vis des parties au litige que des compagnies d’experts, reste un enjeu central pour garantir l’impartialité et la crédibilité de leurs interventions. Par ailleurs, un contrôle renforcé par les autorités judiciaires pourrait limiter les disparités dans la qualité des expertises et accroître la confiance dans le processus. Enfin, la digitalisation des outils, comme les plateformes collaboratives ou les rapports dématérialisés, offre une opportunité de modernisation, rendant les procédures plus transparentes et efficaces.
Conclusion.
L’indépendance de l’expert judiciaire constitue une pierre angulaire de sa mission, garantissant une expertise impartiale et en adéquation avec les attentes du juge. Toutefois, cette indépendance pourrait être compromise par l’adhésion à une compagnie d’experts dans la mesure où celle-ci impose souvent un cadre déontologique rigide. Bien que ces règles visent à harmoniser les pratiques professionnelles, elles risquent de limiter la liberté de l’expert dans l’exercice de ses fonctions et d’interférer avec la relation directe et privilégiée qu’il entretient avec le juge. Ainsi, pour préserver son autonomie et éviter toute influence extérieure susceptible de biaiser son travail, l’expert judiciaire devrait envisager de s’abstenir d’intégrer de telles structures. Cette posture lui permettrait non seulement de rester fidèle à son rôle d’auxiliaire impartial de la justice mais également de maintenir une relation de confiance et de transparence avec le magistrat qui fait appel à ses compétences.