Le Contract Manager face au risque environnemental.

Grégory Leveau.
Contract manager, fondateur et président de l’Ecole Européenne de Contract Management.

Lorsque des projets de grande envergure sont planifiés et mis en œuvre, qu’il s’agisse de mégaprojets d’infrastructures, de génie civil, de développement industriel ou d’initiatives technologiques ambitieuses, l’impact sur l’environnement mériterait le qualificatif de préoccupation cruciale.

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Lorsque des projets de grande envergure sont planifiés et mis en œuvre, qu’il s’agisse de mégaprojets d’infrastructures, de génie civil, de développement industriel ou d’initiatives technologiques ambitieuses, l’impact sur l’environnement mériterait le qualificatif de préoccupation cruciale.

Les risques environnementaux associés à de tels projets, portés par des cycles de vie contractuels complexes, peuvent avoir des répercussions considérables sur la sécurité des ressources humaines, la pérennité du projet (qualité, coûts et délais confondus), la responsabilité sociale des entreprises et l’acceptabilité publique.

Le premier impact est, bien entendu, pour l’environnement lui-même et, plus précisément, les écosystèmes naturels dans lesquels l’humanité, amnésique ou désintéressée, s’évertue à considérer qu’elle n’est pas intégrée. Erreur majeure, au regard de l’emballement ces dernières décennies de l’impact du risque écologique, qui met en évidence l’importance de l’intégration de la durabilité environnementale dans la conception, l’exécution et le pilotage des projets et de leurs contrats.

1. Florilège de risques

Peu de grands projets osent, aujourd’hui, se targuer de ne pas générer ou subir les grandes catégories de facteurs suivantes :

  • Pollution de l’air et de l’eau : Parmi tant d’autres, centrales électriques, usines de production et infrastructures de transport entraînent une importante pollution de l’air et de l’eau via les émissions de gaz à effet de serre, les rejets de produits chimiques toxiques et les déversements d’eaux usées, notamment. La santé humaine et la survie des espèces non-humaines est ici en jeu.
  • Déforestation et perte de biodiversité : La construction d’infrastructures de grande envergure, par exemple, entraîne trop fréquemment la déforestation et la fragmentation des écosystèmes, ce qui génère des impacts négatifs significatifs sur la biodiversité. La perte d’habitat naturel pour les espèces locales provoque leur déplacement, leur déclin ou leur extinction. Cet affaiblissement de la biodiversité a des répercussions sur l’équilibre écologique général et rend les écosystèmes plus vulnérables aux catastrophes naturelles subies de plein fouet par les populations humaines (ex : risque de tornade, d’inondations ou d’incendie à proximité d’une base-vie sur un site de construction).
  • Changement climatique : Les émissions de CO2 provenant de la combustion de sources fossiles ou de la production industrielle sont des préoccupations majeures, auxquelles s’ajoutent d’autres gaz à effet de serre de type méthane, protoxyde d’azote ou gaz fluorés au pouvoir de réchauffement global bien supérieur au dioxyde de carbone. Phénomènes météorologiques extrêmes, sécheresses, montée du niveau de la mer en sont quelques conséquences, entraînant des boucles de rétroaction catastrophiques pour le vivant et, accessoirement, pour l’économie mondiale.

L’étendue des conséquences de ce qui précède, quand bien même on fermerait les yeux sur la probabilité - que l’on estime toujours très négligeable, mérite une attention croissante des acteurs du projet comme des acteurs du cycle contractuel. Au menu des réjouissances, au niveau des projets comme des organisations :

  • Augmentation des coûts : Coûts des matières premières, de l’énergie et du transport, coûts de nettoyage liés à la décontamination des sols et de l’eau, coût de la conformité réglementaire, etc. La liste ne saurait être exhaustive.
  • Disruptions de la production et rupture de la chaîne d’approvisionnement : Les événements climatiques extrêmes endommagent les infrastructures de transport et les installations de production, ce qui interrompt alors la chaîne d’approvisionnement, entraîne des retards et une pénurie de produits. Les routes sont bloquées, les ports fermés et les installations inutilisables. Le transport des marchandises est également fortement dégradé.
  • Réduction de la disponibilité des ressources naturelles : L’épuisement des ressources naturelles, la déforestation ou la diminution de la biodiversité, réduisent la disponibilité des matières premières essentielles pour de nombreuses industries, entrainant pénuries et hausses de prix.
  • Exigences réglementaires accrues : Les gouvernements et les organismes de réglementation, parfois supranationaux, renforcent les exigences en matière d’environnement, ce qui impose de lourdes contraintes aux entreprises. Les organisations doivent alors se conformer à des normes environnementales plus strictes nécessitant des investissements importants pour adapter leurs opérations.
  • Pressions de la demande des consommateurs : Les consommateurs étant de plus en plus sensibles aux enjeux qui nous intéressent, la recherche de produits respectueux de l’environnement est accentuée. Les entreprises qui ne répondent pas à ces demandes perdent des parts de marché.
  • Risque de réputation : Le grand public, les investisseurs et les parties prenantes sont attentifs aux pratiques environnementales des entreprises, bien qu’entre « attention » et « action » les mauvais réflexes s’installent vite. De même, les projets qui suscitent des préoccupations environnementales parmi la communauté locale peuvent être confrontés à des manifestations, des oppositions et des conflits. Cela peut perturber les opérations et entraîner des retards.
  • Ceci étant exposé, il va de soi que les organisations qui entreprennent des projets d’envergure doivent assumer leur responsabilité sociale et environnementale. L’évaluation et la gestion des risques environnementaux font partie intégrante de cette responsabilité et les entreprises qui négligent ces aspects font et feront face à des conséquences juridiques, financières et réputationnelles importantes.

2. Le Contract Manager est dans la place !

Les contrats sont fréquemment confrontés à des défis liés à la durabilité écologique, à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et à la réglementation environnementale.

En parallèle de son implication centrale sur les autres typologies de risques (commerciaux, juridiques, financiers, opérationnels, relationnels, géopolitiques, etc.), le Contract Manager n’a pas d’autre alternative que d’intégrer au cœur de sa vision holistique et pluridisciplinaire le sujet environnemental.

Cependant, si l’enjeu est de taille, les solutions envisageables sont souvent limitées dans leurs effets. On ne lutte pas contre la complexité d’un système que l’on s’évertue à rendre instable.

Il n’en demeure pas moins que ces propositions a minima méritent d’être considérées :

1. Intégration des clauses environnementales : Les contrats doivent désormais intégrer des clauses spécifiques liées à l’environnement. Ces clauses portent sur des engagements en matière de réduction des émissions de carbone, de gestion responsable des ressources naturelles, de gestion des déchets, etc. Le Contract Manager doit être capable de négocier, de piloter et d’appliquer lesdites clauses.

2. Évaluation des risques environnementaux : Avant de conclure un contrat, le Contract Manager évaluera les risques environnementaux liés au projet. Cela implique d’analyser l’impact environnemental du contrat, de déterminer les risques de non-conformité réglementaire et normative et d’évaluer les répercussions possibles sur la réputation de l’entreprise. Cette tâche est menée avec l’ensemble des autres fonctions de l’organisation qui sont parties prenantes au projet (opérationnels, financiers, juristes, commerciaux ou acheteurs, qualiticiens…) L’idée est, ici, de casser les silos et de rendre tout un chacun acteur et responsable.

3. Gestion des sous-traitants : Dans de nombreux projets, les sociétés sous-traitent une partie des travaux à d’autres entreprises. Le Contract Manager doit veiller à ce que les sous-traitants respectent les normes environnementales convenues et s’assurer que toute non-conformité soit rapidement corrigée. Une vision à 360° s’impose.

4. Reporting environnemental : Les organisations sont désormais tenues de publier des rapports sur leurs performances environnementales. Les Contract Managers seront impliqués dans la collecte des données nécessaires à l’échelle du projet et, au besoin, dans la préparation de ces rapports en lien avec leur mission quotidienne, en veillant à ce qu’ils reflètent fidèlement les engagements pris dans les contrats.

5. Gestion des litiges environnementaux : En cas de litige lié à des problèmes environnementaux, le pilote du cycle contractuel jouera un rôle clé dans la gestion des précontentieux et contentieux. Cela peut impliquer des négociations pour résoudre le litige à l’amiable ou, si nécessaire, des procédures judiciaires. L’appui d’experts sera incontournable.

6. Évaluation de la durabilité : Il est commun que les entreprises cherchent à évaluer la durabilité de leurs chaînes d’approvisionnement et de leurs partenaires commerciaux. Le Contract Manager pourra participer à l’évaluation de la performance environnementale des fournisseurs et recommander des améliorations susceptibles d’être retranscrites dans les documents contractuels.

On l’aura compris, pour minimiser les risques environnementaux, il est essentiel de structurer le pilotage des contrats à impact dans une logique de performance environnementale et sociale. Le Contract Manager met en musique sa partition dans l’optique de s’assurer que les acteurs du projet respectent les normes et déploient les mesures préventives indispensables.

Est-ce suffisant ? Certainement pas. Ce n’est que la part du colibri. Elle ne garantit pas la clôture du risque, loin de là.
À la vision contractuelle doit, ainsi, impérativement, s’agglomérer l’implication assurantielle.

3. Et qui on appelle ? l’ASSUREUR

La couverture des risques environnementaux liés aux projets par les assureurs dépend de plusieurs facteurs, notamment la nature du projet, les types de risques environnementaux impliqués et la région géographique.
Voici quelques-unes des principales façons dont les risques environnementaux peuvent être couverts par les assureurs :

1. Assurance responsabilité environnementale : Cette assurance couvre, à titre d’exemple, les coûts de nettoyage et de restauration en cas de pollution ou de dommages environnementaux causés par les activités de l’entreprise. Elle peut également couvrir les coûts de défense en cas de litige environnemental. Les assureurs proposent aussi des polices spécifiques adaptées aux besoins du projet.

2. Assurance responsabilité civile générale : Certains projets sont couverts partiellement par des polices d’assurance responsabilité civile générale qui incluent des clauses relatives à la responsabilité environnementale. Cependant, la couverture environnementale dans de telles polices peut être limitée et ne pas viser tous les types de risques. C’est rarement la panacée et ça le sera de moins en moins. Il est temps de vérifier vos polices sur le sujet.

3. Assurance perturbation des activités commerciales : Ici, ce sont les pertes financières résultant de l’interruption des opérations du projet due à des événements environnementaux tels que des catastrophes naturelles ou des pollutions que l’on assure. Elle peut compenser les coûts de réparation et de rétablissement des activités.

4. Assurance des dommages matériels : Les assureurs proposent des polices couvrant les dommages matériels causés aux biens du projet en raison d’événements environnementaux, tels que des inondations, des incendies de forêt ou des tempêtes.

5. Assurance des catastrophes naturelles : Dans certaines régions, les projets sont couverts contre les pertes causées par des catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre, les inondations ou les cyclones. Cela peut être particulièrement important pour les projets situés dans des zones à risque élevé.

6. Assurance des transporteurs : Si le projet implique le transport de matières dangereuses ou de produits polluants, les assureurs des transporteurs proposent une couverture spécifique pour les risques environnementaux liés au transport.

7. Assurance responsabilité environnementale des administrateurs et dirigeants : Cette assurance protège les dirigeants et les administrateurs de l’entreprise contre les réclamations de tiers liées à des décisions environnementales prises dans le cadre du projet.

Il est important de noter que la couverture des risques environnementaux peut varier considérablement d’une police d’assurance à l’autre, et que les exclusions et les limitations de couverture peuvent s’appliquer. Par conséquent, il est essentiel que les parties impliquées dans un projet, Contract Manager inclus, examinent attentivement les polices d’assurance disponibles, les conditions de couverture et les coûts associés.

De plus, il est recommandé de travailler en étroite collaboration avec des experts en assurance et des juristes pour s’assurer que tous les aspects des risques environnementaux sont correctement couverts et gérés.
Attention, il est envisageable qu’à échéance plus ou moins lointaine, les assureurs réduisent ou excluent la couverture de certains risques environnementaux. Rappelons que la couverture assurantielle repose sur l’existence d’un aléa. S’il est certain que chaque année au même endroit des inondations auront lieu, l’aléa tend à disparaître et la couverture par l’assureur s’effriter.

Plusieurs facteurs contribuent à cette tendance potentielle :

  • Des dommages extrêmes qui génèrent des coûts insoutenables que l’assureur ne souhaitera plus supporter ;
  • Un manque de données historiques – sur lesquels s’appuient les modèles de tarification –, non disponibles du fait des changements rapides dans les conditions environnementales qui rendent les prévisions plus difficiles ;
  • Les cycles de durcissement du marché de l’assurance, où les assureurs resserrent les conditions de couverture et augmentent les tarifs, auront également un impact sur la disponibilité de la couverture pour les risques environnementaux ;
  • Les assureurs sont susceptibles de faire face à des pressions de la part des investisseurs, des consommateurs et des parties prenantes pour adopter des politiques de désinvestissement ou pour limiter leur exposition aux entreprises impliquées dans des activités environnementalement risquées.

L’assurance joue un rôle crucial dans la gestion des risques environnementaux et les organisations ont besoin de cette couverture pour protéger leurs actifs, leur responsabilité et leur réputation. Par conséquent, même s’il est peu probable que la couverture d’assurance pour les risques environnementaux disparaisse complètement, elle deviendra plus sélective et coûteuse dans les années et décennies à venir ; la tendance n’étant pas à l’amélioration de la santé de Gaïa.

Recommandation finale :

Il est essentiel que les Contract Managers et les opérationnels naviguant sur leur cycle de vie contractuel et projet respectif soient formés pour reconnaître et gérer les dérives environnementales potentielles. Nous ne sommes pas face à un risque dont on peut se dire que si on ne le regarde pas, il ne se réalisera pas. Le dérèglement climatique est avéré et durable (les émissions de dioxyde de carbone anthropiques auront des effets pour des centaines d’années au moins) et la chute de la biodiversité est en marche (nous vivons une extinction de masse des espèces au moins cent fois plus rapide que les cinq précédentes ; la dernière en date datant du Crétacé…).

Quelle espèce douée d’intelligence ne prendrait pas le pouls du problème en vue d’actionner tous les leviers à sa disposition afin de déployer des stratégies à la fois d’atténuation et d’adaptation ?

A mon humble avis, pas le Contract Manager…

Grégory LEVEAU est Contract Manager et Médiateur professionnel, fondateur et président de l’Ecole Européenne de Contract Management (e²cm) et du cabinet e²cm Consulting.
Il est l’auteur de l’ouvrage Pratique du Contract Management, éditions Gualino – Lextenso.
www.e2cm.net

Grégory Leveau.
Contract manager, fondateur et président de l’Ecole Européenne de Contract Management.

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