Depuis le début de la crise, le télétravail a été l’un des instruments que le Gouvernement français a sorti de sa boîte à outils pour faire face aux différentes vagues de l’épidémie de Covid-19.
« Le télétravail, l’un des outils privilégiés de lutte contre la Covid-19 par le Ministère du travail ».
Au fil des mises à jour du protocole national pour assurer la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 (PNE), le Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion a plus ou moins assoupli les incitations au recours du télétravail en fonction de l’état sanitaire du pays.
Ainsi, le PNE a déjà formulé des recommandations très strictes (en mars 2020), à savoir un télétravail à 100% pour les salariés exerçant des fonctions compatibles avec le télétravaille ou plus souples avec des retours progressifs en entreprise dans sa version de juin 2021.
Etant précisé que le Conseil d’Etat a eu à rappeler que le PNE constitue "un ensemble de recommandations" et "n’a pas vocation à se substituer à l’employeur dans l’évaluation des risques et la mise en place de mesures de prévention adéquate" (CE, Juge des référés, 17 décembre 2020, n°446797) ; autrement dit, à date, le PNE n’a aucune valeur contraignante pour les employeurs.
Rare sont les entreprises - même les moins habituées et équipées pour le télétravail - a ne pas avoir instauré du télétravail d’urgence durant la crise.
Néanmoins, alors que la 5e vague due au variant Omicron frappe le pays, le Ministère du travail a durci le ton en annonçant - sur le plateau de la chaîne LCI [2] - l’instauration d’une amende administrative contre les "entreprises refusant le télétravail".
« Quand on met en place des règles, on doit s’assurer qu’elles sont respectées », Madame Elisabeth Borne (Ministre du travail).
Cette annonce s’est accompagnée d’une mise à jour du PNE applicable au 3 janvier 2022 [3] prévoyant pour une durée de 3 semaines, « un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent. Lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine ».
En parallèle, un amendement [4] au projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire du 27 décembre 2021 a été déposé par le Gouvernement le 31 décembre 2021. Cet amendement insère un article additionnel au projet de loi.
En substance, l’amendement vise
« à adapter, pendant la période d’urgence sanitaire, le dispositif de sanction en cas de non-respect par un employeur de la mise en demeure que le directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) peut notifier en cas de situation dangereuse constatée par un agent de contrôle de l’Inspection du travail résultant d’un risque d’exposition des salariés au Covid-19 à la suite du non-respect par l’employeur de ces obligations en matière de prévention du risque » [5].
Par ailleurs, il prévoit que l’amende administrative (I), ainsi que l’aménagement du recours contre les mises en demeure de la Dreets (II) liées à l’exposition des salariés sont applicables jusqu’à une date déterminée par décret, et au plus tard le 31 juillet 2022.
Le projet de loi comprenant ledit amendement devrait entrer en vigueur le 15 janvier 2022.
I. La création d’une amende administrative.
En règle générale, le Code du travail prévoit, après constatation d’une situation dangereuse par un agent de l’Inspection du travail, la possibilité pour le Dreets de mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures pour y remédier, dès lors que ce constat résulte notamment "d’un non-respect des principes généraux de la prévention" (Art. L4721-1 du Code du travail).
Spécialement pour les mises en demeure liées à l’exposition des salariés à la Covid-19, l’amendement du 31 décembre 2021 prévoit un dispositif d’amende administrative en l’absence de régularisation de la situation par l’employeur à l’issue du délai fixé.
D’après le texte,
« le montant maximal de l’amende est de 1 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par le manquement. Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 50 000 euros ».
Dans le contexte sanitaire actuel, il ne fait aucun doute que figure PNE applicable au 3 janvier 2022 figure parmi les "mesures utiles" imposées par le Dreets.
« La règle selon laquelle le "nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent" s’entendrait comme les "mesures utiles" que le Dreets mettra en demeure l’employeur de respecter... ».
Dans l’exposé sommaire de l’amendement, le Ministère du travail prévoit que cette amende sera modulée selon le comportement de l’employeur, ses ressources et ses charges, les circonstances ainsi que la gravité du manquement.
II. L’aménagement du régime de recours contre la mise en demeure.
Si l’employeur entend contester une mise en demeure de la Dreets liée à la gestion de la crise sanitaire, l’amendement prévoit que le recours hiérarchique est supprimé.
Selon le Ministère, cette suppression permettrait d’assurer l’efficacité de la mise en demeure.
Ainsi, le juge administratif sera l’acteur privilégié pour arbitrer le bien fondé desdites mises en demeure liées à la gestion de la Covid-19 émises par l’inspection du travail...
Toutefois, en contrepartie, le texte prévoit la possibilité pour l’employeur d’un recours hiérarchique suspensif mais seulement contre la décision notifiant l’amende administrative.
Le recours est formé par lettre recommandée avec avis de réception devant le ministre chargé du travail dans un délai de 15 jours à compter de la notification.
Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision d’acception.