Testament et barrière linguistique, la Cour de cassation valide un testament rédigé dans une langue inconnue du testateur. Par Nasrine Chorfi, Juriste.

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Testament et barrière linguistique, la Cour de cassation valide un testament rédigé dans une langue inconnue du testateur.

Par Nasrine Chorfi, Juriste.

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Explorer : # testament international # barrière linguistique # interprète assermenté # droit des successions

Ce que vous allez lire ici :

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a statué le 17 janvier 2025 sur la validité des testaments rédigés dans une langue étrangère. Elle a affirmé qu'un testament peut être valide si le testateur a été assisté d'un interprète, même s'il ne comprend pas la langue du document.
Description rédigée par l'IA du Village

La reconnaissance des testaments rédigés dans une langue étrangère a longtemps suscité des débats en droit français.
La décision de la Cour de cassation du 17 janvier 2025 (Pourvoi n° 23-18.823) marque une évolution notable en assouplissant les critères de validité de ces actes, tout en préservant les principes fondamentaux du droit des successions.
Ce revirement jurisprudentiel illustre l’adaptation du droit aux réalités des successions internationales, dans un contexte de mobilité croissante des individus. Il apporte une réponse pragmatique aux défis posés par la diversité linguistique et juridique des testaments internationaux.
Analyse d’un arrêt qui fera date.

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C’est par une décision rendue le 17 janvier 2025 (Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 janvier 2025, 23-18.823, Publié au bulletin) que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu une décision notable en droit des successions pour apprécier la validité des testaments rédigés dans une langue étrangère.

I) Faits, procédure et portée de la décision.

En l’espèce, le de cujus de nationalité italienne ne maîtrisait pas la langue française et a fait rédiger son testament par un notaire français, en langue française, en ayant recours à un interprète. Constatant que ce testament avantageait les trois filles, le petit-fils agit en justice pour contester et demander l’annulation de ce testament. La cour d’appel admettra que ce testament ne respecte pas les règles de formes du testament authentique mais reconnaît sa validité en tant que testament international.

Le demandeur forma un pourvoi en cassation.

La cour devra déterminer si l’assistance d’un interprète suffit à garantir la validité d’un testament international, ou si le testateur doit nécessairement comprendre la langue dans laquelle il est rédigé ?

Se posait également la question des conditions de validité du testament international, notamment la nécessité d’un interprète assermenté inscrit sur la liste des experts judiciaires.

Ici, la cour était attendue sur la question de savoir si un testament authentique frappé de nullité pouvait être requalifié en testament international.

La Cour de cassation a d’abord adopté une position stricte, en estimant que le testateur devait comprendre la langue du testament pour garantir l’expression claire de sa volonté. Elle a donc cassé l’arrêt de la cour d’appel et renvoyé l’affaire devant une nouvelle formation. Cependant, cette dernière a confirmé la validité du testament, arguant que le rôle de l’interprète est précisément de pallier l’absence de compréhension directe du testateur.

Face à cette divergence d’interprétation, un nouveau pourvoi a été formé, et l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché en faveur d’une approche plus souple : elle a validé un testament rédigé dans une langue inconnue du testateur, sous réserve que celui-ci soit assisté d’un interprète et que la législation applicable au notaire autorise un tel recours.

Toutefois, si cette décision marque une évolution jurisprudentielle, la cour a posé une limite essentielle : le recours à un interprète doit être prévu par la loi nationale. Or, en l’espèce, une loi adoptée en 2015 [1] autorise bien l’intervention d’un interprète, mais uniquement pour les testaments authentiques établis à partir du 18 février 2015 et à condition que l’interprète soit inscrit sur la liste des experts judiciaires.

Le testament litigieux ayant été rédigé avant cette date et avec un interprète non assermenté, il ne pouvait bénéficier de cette évolution jurisprudentielle et ne pouvait donc être qualifié de testament international.

Afin de mieux comprendre cette décision, il convient de rappeler les conditions générales de validité d’un testament, avant d’analyser le cadre juridique spécifique du testament international.

II) Les différentes formes et les conditions de validité du testament.

Régi par les articles 895 et suivants du Code civil, le testament est un acte juridique unilatéral, solennel et révocable, par lequel une personne, appelée le testateur, exprime ses dernières volontés concernant la transmission de tout ou partie de son patrimoine après son décès. Pour qu’il soit valable sur le fond, des conditions doivent être respectées le testateur doit avoir la capacité juridique, sa volonté doit être libre et éclairée, un contenu licite de sorte à ce que les dispositions testamentaires respectent les règles relatives à la réserve héréditaire.

Quant à la forme, même si les conditions dépendent du type de testament, l’acte doit être écrit, signé pour authentifier la volonté du testateur, la présence de témoins peut être requise ces conditions de forme garantissent la sécurité juridique de l’acte.

S’agissant des différentes formes de testament, il y a :

  • Le testament olographe, entièrement écrit à la main par le testateur, daté avec précision et signé.
  • Le testament authentique : un acte dicté par le testateur mais rédigé par le notaire en présence de deux témoins ou d’un second notaire.
  • Le testament mystique, écrit par le testateur ou un tiers, remis clos et scellé à un notaire en présence de deux témoins, présenté dans une enveloppe fermée.
  • Le testament international, peu connu en France, il est régi par la Convention de Washington de 1973, il s’applique lorsque les dispositions testamentaires concernent plusieurs pays. Il respecte les règles prévues par la loi précitées, (date et signature...) mais il doit être rédigé dans une langue compréhensible pour le testateur.

III) L’évolution jurisprudentielle en matière de testaments internationaux.

Traditionnellement, la jurisprudence adoptait une approche stricte quant à la validité des testaments rédigés dans une langue étrangère. Les juges exigeaient que le testateur comprenne la langue employée, afin de garantir l’expression libre de sa volonté et d’éviter tout vice du consentement.

Dans sa décision du 17 janvier 2025, pour justifier sa position et adopter une approche novatrice, la cour s’appuie sur la Convention de Washington [2] et le Règlement européen de 2015 [3] relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des actes authentiques en matière de successions.

Elle a jugé que la langue du testament ne constitue pas un obstacle à sa validité dès lors qu’un interprète est présent et que la législation nationale autorise cette pratique.

Cette décision marque une avancée importante sur plusieurs plans :

1) L’assouplissement des exigences formelles : le critère de la langue est relativisé au profit de la présence d’un interprète.

2) La sécurité juridique des testaments internationaux : cette décision s’inscrit dans une tendance à faciliter la reconnaissance des volontés du testateur dans un contexte de mobilité internationale croissante.

3) L’alignement sur le droit européen : le Règlement UE n° 650/2012 avait déjà introduit une approche plus flexible, axée sur la reconnaissance des volontés du testateur plutôt que sur des exigences purement linguistiques.

La jurisprudence française évolue alors progressivement sous l’influence des conventions internationales et du droit comparé.

Particulièrement pertinente dans un monde où les successions internationales sont de plus en plus fréquentes. En reconnaissant la validité des testaments internationaux même lorsqu’ils sont rédigés dans une langue inconnue du testateur, la Cour de cassation s’aligne sur une tendance internationale visant à harmoniser les pratiques successorales.

Toutefois, cette décision ne signifie pas une suppression totale des règles de contrôle.

L’intervention d’un interprète reste une condition essentielle, et celui-ci doit être assermenté si la loi l’exige. Elle illustre la volonté de la cour de rechercher un équilibre entre le respect des dernières volontés du défunt et la sécurité juridique de l’acte.

Nasrine Chorfi, Juriste
Master 2 Droit international des échanges dans les espaces francophones et Droit comparé
Spécialité Droit international privé et droit de l’Union européenne

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Notes de l'article:

[1L. 2015/177, art. 3, 2°.

[2Washington, D.C., 26 oct. 1973.

[3Règlement UE n°650/2012.

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